Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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porte-aéronefs (suite)

La réalisation de bombes atomiques de dimensions réduites que les avions embarqués peuvent désormais emporter entraîne la conception d’un type nouveau le porte-avions stratégique de 60 000 t. Commencé en 1952, le Forrestal américain (54 000 t) entre en service en 1955 et prend place parmi les instruments de la force de frappe nucléaire américaine. Véritable base stratégique mobile, le porte-avions est devenu un élément essentiel du système de défense des États-Unis caractérisé par la souplesse d’emploi. En 1961, c’est le tour de l’Enterprise, porte-avions à propulsion nucléaire de 89 000 t (pleine charge). Long de 335 m, il embarque de 94 à 108 avions. Capable de faire le tour du monde sans se ravitailler, il représente probablement l’arme la plus puissante en service en 1970. Sa capacité de destruction dépasse celle du tonnage des bombes déversées sur l’Allemagne de 1940 à 1945, et, si la dissuasion est maintenant confiée aux sous-marins nucléaires lanceurs de missiles, les porte-avions stratégiques sont toujours considérés comme l’élément de base de la puissance navale américaine. En 1974, l’US Navy compte 15 porte-avions d’attaque d’un tonnage supérieur à 50 000 t. Les plus récents (type Nimitz, entré en service en 1975) déplacent 95 000 t en pleine charge. À cette date, l’U. R. S. S., dont la flotte ne comprenait encore que des croiseurs porte-hélicoptères, venait de lancer à Nikolaïev son premier porte-avions, le Kiev, déplaçant environ 40 000 t. Il est entré en service en 1976.

Les porte-hélicoptères

Les premiers porte-hélicoptères furent des porte-avions modifiés qui reçurent des hélicoptères d’assaut ou de lutte anti-sous-marine. Mais, en raison de l’importance croissante de l’emploi de ces aéronefs, on a été amené à construire des bâtiments spécialement conçus pour leur mise en œuvre. Ce sont les croiseurs porte-hélicoptères et les porte-hélicoptères d’assaut.

Les premiers représentent un compromis entre le croiseur lance-missiles et le porte-avions et sont utilisés principalement pour la lutte anti-sous-marine ; c’est le cas de la Jeanne-d’Arc française (1964), du type Blake britannique, refondu en 1968, et du type Moskva soviétique (1967) ; munis de sonars, ils embarquent une dizaine d’hélicoptères équipés pour la détection et l’attaque des sous-marins ; ils peuvent être très rapidement reconvertis en transport d’assaut de moyens amphibies. Les seconds sont conçus principalement pour le transport d’assaut et la conduite des opérations amphibies. À ce titre, ils conjuguent les avantages du porte-hélicoptères et du navire de débarquement par l’adjonction d’un radier, ou cale immergeable destinée à mettre en œuvre des chalands de débarquement. Les versions les plus réussies sont les « Landing Helicopter Assault » de la marine américaine, dont le prototype a été mis sur cale en 1968 et qui peuvent débarquer un groupement de 2 000 hommes.

On notera, en outre, que les bâtiments de combat lancés depuis 1965 sont presque tous dotés d’une plate-forme pour la mise en œuvre d’hélicoptères (frégates française Tourville, américaine Spruance, soviétique Kresta II et britannique Sheffield). Ainsi, les avantages de souplesse, de mobilité et de surprise des porte-aéronefs tendent à être étendus à tous les grands bâtiments de guerre.

Une formule originale de porte-aéronefs à l’étude en 1973 dans les marines britannique et américaine est fondée sur l’emploi d’avions à décollage court ou vertical. Ces bâtiments, baptisés bâtiments à pont continu (Sea Control Ship aux États-Unis ou Through Deck Cruiser en Grande-Bretagne), auront pour mission principale la lutte antisurface et doivent être moins onéreux que les porte-avions, en raison de leurs équipements réduits.

Appontage des avions sur porte-avions

Les appareils qui se présentent pour apponter entrent dans un circuit ayant en gros la forme d’une ellipse. Le porte-avions occupe le sommet du petit axe placé à droite dans le sens de la marche. Les avions tournent à 100 pieds d’altitude et se présentent en virage dans l’axe arrière du porte-avions, debout au vent. L’officier d’appontage, ou batman, rectifie par des signaux à bras la présentation finale de l’appareil et donne au pilote le signal l’autorisant à apponter. Le pilote coupe alors le moteur, et l’avion descend en perte de vitesse sur le pont, où il se pose. Un crochet fixé à la queue de l’avion, ou crosse d’appontage, s’accroche à l’un des câbles perpendiculaires à l’axe du pont. Ces câbles sont reliés à des freins hydrauliques, et l’avion est ainsi stoppé progressivement sur une vingtaine de mètres. Si la crosse « ne croche pas », l’avion percute une barrière de filins cassants qui le ralentit et s’arrête dans une seconde barrière.

Avec les avions à réaction, ou équipés de turbopropulseurs, la technique d’appontage change notablement. Le fait de couper le moteur n’entraîne pas de changement de régime instantané. La vitesse d’arrivée, qui reste grande, condamne le système des deux barrières, qui serait trop brutal. Il faut aussi protéger les avions au parking sur l’avant du pont. La piste oblique résout ces problèmes. L’avion se présente plus vite, ce qui le rend plus manœuvrant, et, si sa crosse ne croche pas, il peut continuer sans risquer d’écorner le parking ou de tomber à la mer. La présentation se fera donc de plus loin et la descente doit s’effectuer régulièrement suivant une ligne droite. Un miroir, ou optique d’appontage, et un système de feux réfléchis par ce miroir permettent de matérialiser cette ligne de descente idéale. Si le pilote voit dans le miroir trois feux verts, il est bien présenté et, quand ses roues toucheront le pont, il est assuré que la crosse accrochera un des câbles. Sinon, il voit des feux rouges et doit dégager pour reprendre sa présentation. Ces différents systèmes sont sûrs, mais n’excluent pas absolument les accidents.

Pour un avion classique, aller dans la barrière est un incident majeur qui entraîne le changement de l’hélice et qui peut s’accompagner d’un incendie. Deux pompiers revêtus d’amiante interviennent pour sortir le pilote de l’avion. Dans tous les cas, l’avion risque à la suite d’une fausse manœuvre de quitter la piste soit pour tomber à la mer, soit pour rester accroché en porte à faux. Un hélicoptère en vol est prêt à intervenir en sauvetage.

A. D.

➙ Aéronavale / Marine.