Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aromatiques (hydrocarbures) (suite)

Le benzène est faiblement non saturé, il ne peut être hydrogéné que par voie catalytique (Ni ou Pt), et l’on passe au cyclohexane C6H12 sans arrêt possible à C6H8 ou C6H10. De même, en présence de lumière, le chlore s’additionne en bloc, conduisant à C6H6Cl16 (hexachlorocyclohexane) ; il se fait un mélange de diastéréoisomères, dont l’un, le « gammexane » est un puissant insecticide.

Quelques rares autres additions ont été observées, mais le benzène subit surtout des substitutions. En présence de chlorure d’aluminium, le chlore se substitue progressivement aux 6 atomes d’hydrogène, d’où C6H5Cl, puis un mélange d’isomères C6H4Cl2, C6H3Cl3, C6H2Cl4, enfin un dérivé pentachloré C6HCl5 et un dérivé hexachloré C6Cl6. Avec le brome, on n’observe guère que la mono- et la bisubstitution ; avec l’iode la mono-substitution est déjà réversible.

L’acide nitrique fumant nitre une fois à froid, d’où le nitrobenzène C6H5NO2 ; vers 30 °C, il se forme le dinitrobenzène C6H4(NO2)2, et, très péniblement, le trinitrobenzène C6H3(NO2)3. L’acide sulfurique n’attaque, à froid, que s’il est fumant ; très concentré et tiède, il renouvelle la substitution deux fois, d’où les acides sulfoniques C6H5SO3H, C6H4(SO3H)2, C6H3(SO3H)3.

Une réaction très importante est la réaction de Friedel et Crafts : en présence de chlorure d’aluminium, les éthers halohydriques RX et les chlorures d’acides R—COCl conduisent respectivement aux homologues C6H5—R ou aux cétones C6H5—CO—R ; dans le premier cas, la substitution se renouvelle facilement.

En présence de fluorure de bore BF3, les carbures éthyléniques s’additionnent :
C6H6 + CH3—CH=CH2 → C6H5—CH(CH3)2 (cumène).

La chloration se renouvelle en grande majorité en « ortho » et en « para » ; le dichlorobenzène est surtout constitué du mélange

Par contre, la nitration se renouvelle presque exclusivement en « méta », puis en 1-3-5 :

La sulfonation ainsi que la réaction de Friedel et Crafts sont plus ou moins réversibles, de sorte que les résultats dépendent du temps de contact. En principe, la sulfonation s’oriente comme la nitration (« méta », puis 1-3-5). La diméthylation débute probablement en majorité en « ortho » et en « para », mais, du fait de la réversibilité et d’une plus grande stabilité du métaxylène C6H4(CH3)2, elle conduit généralement à une majorité de ce xylène.

Le benzène résiste énergiquement aux oxydants courants (KMnO4, CrO3, HNO3 dilué et bouillant). Mais l’ozone concentré le transforme en un triozonide hydrolysé en
3 H2O2 + 3 O=CH—CHO (glyoxal).

August Kekule von Stradonitz

Chimiste allemand (Darmstadt 1829 - Bonn 1896). C’est lui qui a le premier l’idée d’employer des formules développées en chimie organique, pour représenter la disposition des atomes dans la molécule. En 1857, il crée la théorie de la quadrivalence du carbone ; il fait, en 1862, l’hypothèse des liaisons multiples ; il établit en 1865 la formule hexagonale du benzène et en 1867 la représentation tétraédrique du méthane.


Homologues du benzène

Du goudron de houille, on extrait de nombreux homologues du benzène : C6H5—R, C6H4(R)(R′), etc. Le plus simple est le toluène C6H5—CH3 dont la formule est établie par la réaction de Friedel et Crafts :
C6H5H + CH3Br → HBr + C6H5—CH3,
ou par la réaction de Fittig :
C6H5Br + 2 Na + CH3I → NaBr + NaI + C6H5—CH3.

C’est un liquide bouillant à 110 °C, mais cristallisant difficilement, ce qui l’a fait employer comme corps thermométrique ; c’est, comme le benzène, un bon solvant. En dehors de l’hydrogénation catalytique, qui conduit au méthylcyclohexane, il ne présente guère de réactions d’addition sur le noyau ; en effet, le chlore, en présence de lumière, se substitue sur le groupe CH3, conduisant successivement à C6H5—CH2Cl2 (chlorure de benzyle), C6H5—CHCl2 (chlorure de benzylidène), C6H5—CCl3 (phényl-chloroforme). Par contre, les réactions de substitution envisagées sur le benzène sont plus faciles que sur ce dernier. Le chlore en présence d’AlCl3 se substitue en « ortho » et en « para » du groupe CH3, puis en 2-4-6, et, plus difficilement, aux deux autres positions ; on a successivement (en majorité)

La nitration s’opère en « ortho » et « para », puis en 2-4, enfin en 2-4-6 ; il en est de même de la sulfonation.

Ce qui distingue essentiellement le toluène du benzène, c’est une bien moindre résistance aux oxydants : KMnO4 ou HNO3 dilué et bouillant oxydent le groupe CH3 en CO2H, menant à l’acide benzoïque C6H5—CO2H ; d’autres oxydants conduisent à l’aldéhyde benzoïque C6H5—CHO, d’où l’intérêt du toluène en synthèse.

Les homologues à chaîne plus longue se préparent généralement synthétiquement. L’union de l’éthylène au benzène (BF3) conduit à l’éthylbenzène C6H5—CH2—CH3. Ce carbure ressemble beaucoup au toluène ; le chlore en présence de lumière se substitue facilement dans le groupe CH2 ; l’oxydation coupe la chaîne latérale ; il se fait de l’acide benzoïque et du gaz carbonique.

L’intérêt de l’éthylbenzène est sa déshydrogénation catalytique en styrolène C6H5—CH=CH2 ; ce dernier se polymérise en un verre organique (polystyrène) et, en mélange avec le butadiène, en un élastomère, le caoutchouc synthétique GR-S.

On connaît de nombreux hydrocarbures possédant plusieurs noyaux benzéniques ; l’un des plus importants est le triphénylméthane (C6H5)3CH, obtenu, en particulier, par réaction de Friedel et Crafts entre benzène et chloroforme CHCl3. L’hydrogène n’appartenant pas au noyau est très facilement substituable, à la fois par les métaux alcalins et par les halogènes ; il s’oxyde facilement en hydroxyle, conduisant au tritanol (C6H5)3COH. De nombreux dérivés du tritanol sont des matières colorantes (aurines, rosanilines, phtaléines).