Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pontormo (Iacopo Carucci, dit le)

Peintre italien (Pontormo, près d’Empoli, 1494 - Florence 1557).


Élève d’Andrea del Sarto à partir de 1512, il se détache assez vite de l’élégance classicisante de ce maître sous l’impulsion de son propre tempérament, inquiet, instable et mélancolique, et aussi grâce à la découverte d’œuvres qui élargissent son horizon tout en perturbant encore son équilibre : celles de Léonard* de Vinci, puis de Michel-Ange*, qui l’encouragea, mais aussi celles de Dürer*, connues à travers les gravures.

Pontormo a laissé un journal qui évoque son itinéraire spirituel et artistique. Sa carrière se déroule essentiellement à Florence et dans sa région. Proche encore d’Andrea del Sarto dans la Visitation du porche de l’Annunziata, il affirme sa personnalité originale dans la décoration de la grande salle de la villa de Poggio a Caiano, restée inachevée à la mort de Laurent le Magnifique. Il se réserve la fresque d’une lunette, sur le thème de Vertumne et Pomone (1520-21), pleine d’une atmosphère agreste et séduisante ; il y utilise déjà la ligne vibrante et des tons clairs, aux rapprochements imprévus, qui donnent la curieuse impression d’être délavés, décolorés. C’est à la chartreuse de Galluzzo, au sud de Florence, que devient évidente la sorte de fascination produite par Dürer (Vasari* reprochera d’ailleurs son germanisme à son compatriote). Dans le cloître, les scènes de la Passion (1522-1525), très usées, montrent des figures nerveuses, comme crispées, dans un espace irréel.

Le chef-d’œuvre du Pontormo est peut-être la Déposition de Croix de Santa Félicita à Florence (1526), sorte de ballet hallucinant où sont violées les règles de la composition classique au profit d’une étude déroutante de gestes et d’attitudes outrés, où les plana se confondent, où les ombres sont abolies de même que les lois de la pesanteur, où des couleurs fausses, sinon stridentes, créent une sorte de drame suspendu hors du temps et de l’espace, dans un mouvement au ralenti. La figure tend à s’allonger, à se contorsionner : morbidesse et artifice, tout ici est maniériste. La Visitation de la collégiale de Carmignano (v. 1530) est encore plus audacieuse dans son raccourci brutal et ses draperies exaspérées. La véhémence de Michel-Ange se devinait dans les fresques, exécutées à partir de 1546, qui décoraient le chœur de San Lorenzo à Florence, sur le thème de la Chute, du Déluge et de la Résurrection. Ces fresques ne plurent guère et dès le xviiie s. on les fit disparaître. Les dessins préparatoires de l’artiste nous restituent des formes tourmentées et un maniement imprévu de l’espace.

Il n’est pas étonnant que cet individualiste forcené nous ait laissé quelques portraits inoubliables, qui trahissent aussi bien sa propre psychologie. Les mises en page en sont volontiers inhabituelles, comme celle de Cosme l’Ancien (1518-19, galerie des Offices, Florence), assis de profil et méditant, la lippe amère. Citons encore le Joueur de Luth (coll. priv., Florence), Alexandre de Médicis (Lucques), Ugolino Martelli (National Gallery de Washington). Avec le Rosso*, Pontormo fut le grand créateur du maniérisme* florentin, et son art, fiévreux et irréaliste, exerça une influence décisive sur les destinées de la peinture en Toscane.

F. S.

 L. Berti, Pontormo (Florence, 1964) ; L’Opéra Completa di Pontormo (Milan, 1973).

pop’art

Tendance esthétique du xxe s., apparue en Grande-Bretagne et aux États-Unis vers la fin des années 50.



Introduction

L’expression pop’art ou pop art, condensation de popular art, fut avancée pour la première fois en 1955 par deux chercheurs britanniques, Leslie Fiedler et Peter Reyner Banham. Elle concernait alors l’ensemble des formes prises par la culture populaire moderne de grande diffusion telle que la constituent les bandes dessinées, le cinéma, la télévision, la chanson, la musique de danse, etc. Peu après, elle servira, toujours en Grande-Bretagne, et en particulier du fait du critique d’art Lawrence Alloway, à désigner l’activité d’artistes professionnels s’inspirant de cette culture populaire moderne. Dans cette seconde acception, elle connaîtra la plus grande fortune aux États-Unis, où apparaît vers 1960 un puissant courant de figuration schématique et systématique fondé principalement sur l’image publicitaire. De là, le mouvement gagnera l’Europe, y soulevant, comme aux États-Unis, des passions contradictoires (v. figuration [nouvelle] et réalisme [nouveau]). Bien que le pop’art ait commencé à perdre de son dynamisme vers 1967, ses principaux représentants n’ont pas cessé de tenir le devant de la scène artistique en Amérique et en Europe.


Une réaction antisubjectiviste

Le succès mondial du pop’art ne saurait dissimuler la diversité des situations culturelles dans ses principaux foyers : Londres, New York, Paris, Milan. En chacun de ces lieux, le pop’art est une réponse circonstanciée à un ensemble de faits particuliers, et il est certain, par exemple, que la relative médiocrité du pop’art pictural britannique tient avant tout à ce qu’il ne s’opposait pas à quelque chose d’aussi puissant que l’était aux États-Unis l’expressionnisme* abstrait. Au contraire, l’un de ses principaux ressorts, l’introduction d’un nouveau type de figuration, perdait beaucoup de sa vigueur dès lors que le plus grand peintre anglais de l’époque était Francis Bacon* et non quelque émule de Pollok* ! En France et en Italie, c’était moins la qualité que la quantité des représentants de l’abstraction* lyrique qui appelait une réaction globale, tant il devenait de jour en jour plus difficile d’échapper au nouvel académisme de l’« informel ». Or c’est en fin de compte, au-delà des différences locales, à une telle réaction qu’allait s’identifier le pop’art considéré dans sa généralité : au subjectivisme de jour en jour plus relâché de l’« action painting », aux marées de couleurs jaillissant au petit bonheur sur les toiles allaient succéder les formes parfaitement reconnaissables d’objets de grande consommation décrits de la manière la plus précise et la plus sèche. Réaction psychologique, voire philosophique, en même temps que réaction esthétique, le pop’art ramenait l’artiste de l’exploration de son univers intérieur à la description de l’environnement immédiat de l’homme du xxe s.