Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Polignac (Jules Auguste, prince de) (suite)

Réfugiés en Russie, les derniers favoris de la Cour de France allaient vivre des générosités de Catherine II et de ses successeurs. Le jeune Jules devient aide de camp de A. V. Souvorov, puis du comte d’Artois (le futur Charles X*). Entraîné par son frère aîné, Armand, dans le complot de Georges Cadoudal (1804), il est interné au fort de Ham, puis à Vincennes. Il traverse alors une crise de mysticisme et rédige des ouvrages religieux : Traité des preuves du christianisme, Exposé de la morale et des principaux dogmes de la foi. Ce retour à la religion était fréquent dans une noblesse naguère sceptique et frivole. Pour Polignac, alors à la recherche d’une philosophie politique, c’est une première démarche vers une conception théocratique du monde et de l’histoire. Plus tard, il estimera que c’est l’irréligion, fille des « lumières », qui a engendré 1789, ce retour à la barbarie originelle.

Se prétendant parfois inspiré par le ciel, il se taillera rapidement une solide réputation d’illuminé. En 1813, il réussit à s’évader et à rejoindre le comte d’Artois, qui lui confie la mission de regrouper les partisans de la monarchie à Paris et de préparer le retour du roi. Appuyé par les « chevaliers de la foi », auxquels il s’est affilié dès leur création, il s’acquitte de cette tâche avec zèle. Les Bourbons revenus, il est nommé pair de France. Dès qu’il prend possession de son siège au Luxembourg, le premier scandale de la monarchie restaurée éclate : estimant incompatible avec sa foi chrétienne les concessions de la Charte en matière religieuse, Polignac refuse de prêter serment.

De même, il combat de façon véhémente les budgets qui entérinent l’aliénation des biens du clergé, les lois sur la presse qui favorisent la diffusion des idées jacobines. L’opposition voit dans ce « chevau-léger » rétrograde une créature du comte d’Artois. En 1820, cet ardent défenseur de l’Église se voit accorder par le pape le titre de prince romain. Louis XVIII le nomme ambassadeur à Londres en 1823. Polignac y restera six ans, témoignant d’ailleurs dans ses nouvelles fonctions d’un certain sens diplomatique. Sa réputation n’en est pas rehaussée pour autant. Pour certains des adversaires, Polignac n’est qu’un jouet aux mains de l’Angleterre. Pour d’autres, c’est le « représentant incurable des doctrines de Coblence et l’apôtre dévoué de la Congrégation ».

Le 8 août 1829, Charles X forme son fameux ministère de combat et appelle Polignac, d’abord comme ministre des Affaires étrangères ; puis, le 17 novembre, il lui confie la présidence du Conseil. Le nouveau gouvernement est très mal accueilli. Les royalistes clairvoyants jugent ce choix dangereux : Polignac est intègre, mais totalement dénué de sens politique. L’opposition libérale se déchaîne. Le Journal des débats se fait cinglant : « Coblence, Waterloo, 1815, voilà les trois principes, voilà les trois personnages de ce ministère [...]. Pressez-le, tordez-le, il ne dégoutte qu’humiliations, malheurs et dangers. » Certains monarchistes prennent leurs distances. Chateaubriand* fait défection, anéantissant tous les projets de ministère d’union. Polignac réagit maladroitement. Il mise surtout sur des initiatives extérieures propres à rehausser le prestige de la Couronne. Les affaires d’Orient lui inspirent un plan de partage de l’Empire ottoman. L’Autriche recevrait la Serbie et la Bosnie, et la Russie les provinces roumaines. La Grèce* indépendante aurait Constantinople pour capitale et Guillaume Ier, ex-roi des Pays-Bas démembrés, pour souverain. La France obtiendrait la Belgique, et la Prusse la Hollande.

On mesure l’irréalisme du projet et la propension du nouveau chef du gouvernement à cultiver la chimère. Polignac est plus heureux dans l’affaire algérienne. L’expédition décidée en janvier 1830 aboutit à la prise d’Alger le 5 juillet. Entre-temps, le cabinet est allé d’échecs en échecs. La dissolution de la Chambre a en fait renforcé l’opposition, qui triomphe aux élections de juillet. Les ordonnances du 25 juillet déclenchent la révolution. Polignac, qui a poussé au « coup d’État », fait preuve d’intransigeance autant que d’incapacité. Il refoule une délégation de parlementaires venus aux Tuileries en conciliateurs. Après la défaite, il accompagne Charles X sur la route de l’exil, mais se fait arrêter à Granville. Son procès — le fameux procès des ministres — déclenche des manifestations de rue très violentes. Polignac comparaît devant la Chambre des pairs du 15 au 21 décembre 1830, aux côtés de Jean de Chantelauze, de Martial de Geurnon-Ranville et de Charles de Peyronnet. Il est condamné à la prison perpétuelle et à la déchéance civique. Amnistié en 1836, il se retire en Angleterre. Revenu à Paris, il entreprend résolument à la veille de sa mort, survenue le 2 mars 1847, une réhabilitation passionnée et dérisoire des valeurs de l’Ancien Régime.

J. L. Y.

➙ Charles X / France / Restauration.

 P. Robin-Harmel, le Prince Jules de Polignac (les Livres nouveaux et Aubanel, Avignon, 1941-1950 ; 2 vol.). / G. de Bertier de Sauvigny, la Restauration (Flammarion, 1955).

poliomyélite

Paralysie due à l’infection de la moelle épinière par un virus.


Individualisée au milieu du siècle dernier, la paralysie spinale infantile — dite encore paralysie infantile —, infectieuse et épidémique, correspond à un processus inflammatoire intéressant la partie antérieure de la corne grise (gr. polios, gris) de la moelle épinière (gr. muelos, moelle) ; d’où son nom de poliomyélite antérieure aiguë. Elle est due à une infection par l’une des trois souches du poliovirus, qui peuvent entraîner des manifestations autres que médullaires. C’est en 1908-09 qu’ont été obtenues la reproduction de la maladie chez le singe et sa transmission en série. L’introduction des techniques de cultures de tissus a permis d’obtenir en 1949 l’isolement des virus responsables. La mise au point de vaccins vivants ou tués devait être la conséquence logique quelques années plus tard.