Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Poissons (suite)

L’appareil excréteur

Le milieu intérieur des Poissons osseux renferme une quantité de sels dissous (de l’ordre de 9 g/l) qui diffère de la teneur en sels des eaux douces et de celle de l’eau salée des mers et des océans. Dans les deux cas se posent pour les animaux aquatiques des problèmes d’équilibre osmotique. Dans les eaux douces, l’eau qui entoure le Poisson a tendance à entrer au niveau des branchies et des muqueuses digestives, et l’animal doit éliminer cette eau au fur et à mesure au niveau des reins. Ce passage continuel d’eau favorise l’excrétion des déchets du métabolisme ; les reins des Poissons dulcicoles sont en effet pourvus d’un grand nombre de glomérules de Malpighi. Dans la mer, c’est l’eau des tissus du Poisson qui a tendance à sortir, et, pour compenser cette déshydratation permanente, celui-ci doit à la fois boire beaucoup d’eau et en éliminer activement les sels en excès ; cette élimination se fait au niveau des branchies. Dans un groupe de Téléostéens au moins, cette économie de l’eau a entraîné une régression des reins, qui deviennent aglomérulaires.

Les Poissons cartilagineux ont résolu autrement ce problème d’équilibre osmotique : leur sang et leur milieu intérieur sont isotoniques à l’eau de mer par accumulation d’urée, qui se trouve ainsi présente en permanence à une concentration très élevée. Grâce à cette isotonie, les reins de ces Poissons sont uniquement dévolus à la fonction excrétrice, sans que cette forte urémie nuise à l’animal.

Chez tous les Poissons se succèdent dans le temps et dans l’espace un rein embryonnaire, ou pronéphros, situé juste en arrière de la tête, et un rein définitif, ou opisthonéphros, plus postérieur. Les produits urinaires sont évacués par les canaux de Wolff, qui débouchent dans le cloaque des Poissons cartilagineux et s’unissent en un canal excréteur unique chez les Téléostéens.


Les organes des sens

Les Poissons vivent dans le milieu aquatique, dont les caractéristiques essentielles retentissent sur les particularités des organes sensoriels. Les organes tactiles sont relativement peu nombreux : le revêtement général d’écaillés de la plupart des Poissons fait que le tégument est pauvre en mécanorécepteurs, sauf lorsque l’on trouve des barbillons ou des rayons de nageoires allongés qui jouent un peu le rôle d’antennes. Cette pauvreté est compensée par l’existence d’un « organe de tact à distance », rendu possible par l’incompressibilité de l’eau et qu’on retrouve chez les larves d’Amphibiens. Il s’agit de l’organe acousticolatéral, représenté par des lignes de pores céphaliques ainsi que par la ligne latérale*, située au milieu des flancs, de la région branchiale au pédoncule caudal. On le qualifie ainsi car il est en outre sensible aux vibrations sonores les plus graves (jusqu’à 1 000 Hz environ). Les unités morphologiques et fonctionnelles en sont les neuromastes, amas de cellules sensorielles et de cellules de soutien situées dans des dépressions. Les cellules sensorielles portent des rangées de cils raides dont l’extrémité est englobée dans une cupule de mucus. Tous les mouvements de l’eau qui altèrent la position de la cupule muqueuse sont enregistrés et transmis au cerveau. L’animal peut ainsi connaître son mouvement relatif par rapport à l’eau qui l’entoure ainsi que la proximité d’obstacles ou d’objets en mouvement par rapport à lui.

L’oreille des Poissons correspond à la seule oreille interne des Mammifères. Son rôle est principalement dévolu à l’équilibration. Les crêtes acoustiques situées dans les canaux semi-circulaires et les taches acoustiques situées au contact des otolites dans l’utricule, le saccule et la lagena ont une organisation morphologique et fonctionnelle voisine de celle des neuromastes et renseignent l’animal sur sa position par rapport à la pesanteur et sur ses mouvements absolus. Accessoirement, cette oreille interne a également un rôle auditif, mais très limité, malgré la bonne transmission que l’eau assure aux vibrations sonores. Seuls quelques Téléostéens ont une audition comparable à celle des Mammifères : il s’agit du Hareng, chez lequel des diverticules vésicaux relient la vessie natatoire à l’oreille, ou de la Carpe et de l’ensemble des Ostariophysaires ou des Cypriniformes, chez lesquels une chaîne d’osselets, empruntés aux quatre premières vertèbres troncales ankylosées, met en connexion vessie natatoire et oreille. Tous les sons qui font vibrer par résonance la paroi de la vessie sont transmis à l’oreille, qui devient ainsi sensible aux sons aigus jusqu’aux fréquences de 16 000 à 20 000 Hz.

Le milieu aquatique est peu favorable à la transmission de la lumière, et il devient rapidement opaque pour peu qu’il soit agité et porte des particules en suspension. Aussi la vision est-elle peu développée chez les Poissons et se limite-t-elle en général aux objets très rapprochés. De plus, comme la cornée est située entre deux milieux de réfraction voisins, elle ne peut jouer le rôle d’organe focalisant, et le cristallin devient sphérique. La mise au point de l’image sur la rétine se fait non pas par déformation du cristallin, comme chez les Vertébrés terrestres, mais par rapprochement du cristallin du fond de l’œil grâce à un muscle inséré sur sa face postérieure. La rétine des Poissons contient surtout des bâtonnets. Seuls les hôtes des récifs coralliens, vivant dans des eaux très transparentes, ont un nombre élevé de cônes et voient les couleurs.

Les bourgeons du goût sont de petits organes en forme de tonnelet disposés non seulement sur la muqueuse buccale et pharyngienne, mais aussi sur le corps tout entier, notamment sur les rayons des nageoires et sur les barbillons. La détection des substances sapides se fait avec un seuil de perception élevé. La gustation discrimine le salé, le sucré, l’amer et l’acide.

L’organe olfactif est situé dans la partie antérieure de la tête, de part et d’autre de l’ethmoïde. C’est un organe en cul-de-sac, sans communication avec la cavité buccale, mais dont l’orifice est souvent redécoupé, par un clapet moyen, en un orifice inhalant antérieur et un orifice exhalant postérieur. La muqueuse olfactive est souvent très développée ; chez le Congre, par exemple, qui est macrosmatique, elle forme un grand nombre de replis qui augmentent beaucoup sa surface. Il existe aussi des espèces microsmatiques, comme certains Poissons des récifs coralliens, chez lesquels la vision prédomine. Le plus souvent, l’olfaction est extrêmement subtile chez les Poissons et intervient de façon prépondérante dans la plupart de leurs comportements. En particulier, on pense que c’est elle qui agit surtout dans la reconnaissance des voies de migration et le retour aux frayères chez les espèces amphibiotiques.