Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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plasma (suite)

Plasmas naturels et plasmas de laboratoire

L’état plasma est très répandu dans la nature : plus de 95 p. 100 de la matière contenue dans l’univers est constituée par du plasma. On rencontre celui-ci : dans les étoiles (en particulier le Soleil), qui sont constituées de gaz à très haute température ; dans certaines atmosphères de planètes (haute atmosphère* terrestre, ionosphère* et magnétosphère*), où l’ionisation est due à des particules très rapides, dont certaines émanent du Soleil ; dans l’espace interplanétaire et interstellaire. Plus près de nous, on le rencontre : dans les flammes, les explosions et les ondes de choc, où l’ionisation se fait par élévation de température ; dans les tubes fluorescents, les arcs électriques et les éclairs atmosphériques, où des champs électriques accélèrent des électrons qui, par choc, ionisent les molécules ; enfin dans les électrolytes et les solides (métaux et semi-conducteurs).

Au laboratoire, les plasmas sont de plus en plus utilisés en électronique et en électrotechnique en raison de leurs propriétés : par exemple pour la conversion de la chaleur en énergie électrique (convertisseurs thermo-ioniques et M. H. D.) et pour la propulsion ionique. L’application la plus importante, bien qu’encore un peu lointaine, est la réalisation de réacteurs à fusion thermonucléaire contrôlée, utilisant des plasmas de deutérium ou de mélange deutérium-tritium ; c’est sous l’impulsion de ces recherches sur la fusion que la physique des plasmas a pris son essor.

La figure précise les domaines de densité ne et de température Te des électrons pour les différents types de plasmas ou de décharges.


Effet d’écran et oscillations de plasma, conditions d’existence d’un plasma

Toutes les propriétés des plasmas sont la conséquence des interactions collectives entre les particules chargées. Néanmoins, ces interactions ne prennent leur caractère collectif qu’au-delà d’une certaine distance critique : c’est la longueur de Debye (du nom du physicien américain d’origine néerlandaise P. J. W. Debye [1884-1966]). Autour d’un ion positif, les électrons sont soumis à des forces antagonistes : d’une part l’attraction coulombienne exercée par la charge ionique et d’autre part l’effet de leur agitation thermique, qui se traduit par un gradient de pression ; l’équilibre entre ces deux forces assure la non-recombinaison des charges positives et négatives dans le plasma et permet de préciser la valeur de cette distance critique : (où Te est la température [en kelvins] et ne la densité [par mètre cube] des électrons). Un « nuage » d’électrons s’accumule donc au voisinage de l’ion et joue le rôle d’un écran électrostatique pour les charges situées à l’extérieur : en deçà de cette distance AD, les électrons subissent essentiellement la force d’attraction de l’ion, et l’on a affaire à des interactions binaires, tandis qu’au-delà les électrons sont soumis au champ électrique moyen, véritable champ de charge* d’espace, résultant, après effet d’écran, de la superposition des différents champs électriques résiduels créés par chaque ion, entouré de son nuage électronique. Pour un système de dimension donnée L, les interactions binaires seront prédominantes si c’est ce qui arrive dans les plasmas peu denses ou chauds et d’autant moins denses qu’ils sont moins chauds ; on a alors un plasma collisionnel, dont les propriétés s’apparentent beaucoup à celles d’un fluide ordinaire, mais avec une conduction électrique. Au contraire, si les interactions seront presque exclusivement collectives, et l’on aura alors un plasma non collisionnel, obtenu pour des plasmas denses et d’autant plus denses qu’ils sont plus chauds. On doit remarquer que, pour les systèmes cosmiques, où L est très grand, le caractère non collisionnel pourra se manifester pour des densités très faibles ou des températures élevées.

Une autre manifestation du caractère collectif des interactions est l’existence des oscillations observées par I. Langmuir (1881-1957) : un certain volume d’électrons déplacé de sa position d’équilibre laisse un défaut de charge qui apparaît comme une charge d’espace positive. Il y a donc une forme de rappel due au champ électrique, qui tend à ramener les électrons à leur position d’équilibre. Mais, par suite de leur inertie, ceux-ci dépassent cette position d’équilibre, et le champ électrique s’inverse. On obtient ainsi une oscillation caractéristique de la densité des électrons ne et de leur masse me. Leur fréquence est (où ne est mesurée par mètre cube).

Pour les plasmas peu denses, lorsqu’ils sont obtenus par ionisation d’un gaz neutre, il existe encore beaucoup de particules neutres, et, par conséquent, les électrons subissent avec ces dernières des chocs très fréquents qui détruisent la cohérence de leurs oscillations : le caractère collectif ne pourra donc pas se manifester si le nombre de chocs électrons-neutres par période de l’onde est beaucoup plus petit que l’unité ; si νc est le nombre de chocs par seconde, il faudra donc que

On aura donc un plasma proprement dit (c’est-à-dire où les effets collectifs sont prédominants) si les deux conditions et sont satisfaites.


Principaux phénomènes rencontrés dans les plasmas

Parmi les nombreux phénomènes observés dans les plasmas et qui sont caractéristiques de cet « état » de la matière, on peut citer, outre les effets d’écran et les oscillations de plasma, les suivants.


Pour les états stationnaires

• Dans les cas de diffusion ambipolaire, les ions et les électrons diffusent ensemble, par suite de leur attraction mutuelle, avec un coefficient de diffusion intermédiaire entre le coefficient de diffusion libre des électrons et celui des ions. C’est par un processus analogue que se forment des gaines (zones ne contenant que des charges d’un seul signe) au voisinage des électrodes ou des parois. La sonde de Langmuir, fondée sur les propriétés de ces gaines, est utilisée pour mesurer la température électronique et les densités électronique et ionique.

• En présence d’un champ magnétique statique Bo, les électrons tournent sur des orbites circulaires (équivalant à de petits aimants), ce qui conduit au diamagnétisme des plasmas. Plus généralement, l’analyse des forces agissant à la limite du plasma permet de définir des dispositifs de confinement (v. magnétohydrodynamique).