Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Plantagenêt

Dynastie angevine qui régna sur l’Angleterre de 1154 à 1399 et dont sont issues les maisons de Lancastre et de York, qui lui succédèrent de 1399 à 1485.



Les origines angevines

Enjeuger (ou Ingelger), châtelain en Touraine, est le premier ancêtre connu de cette dynastie créatrice de la puissance angevine. Son fils Foulques Ier le Roux, vicomte d’Angers (v. 898-929), devient en effet le premier comte d’Anjou* (929-941 ou 942). Maintenue par son fils et son petit-fils, Foulques II le Bon (941 ou 942 - v. 960) et, Geoffroi Ier Grisegonelle (v. 960-987), la principauté angevine est définitivement façonnée par le fils et le petit-fils de ce dernier prince, Foulques III Nerra (987-1040) et Geoffroi II Martel Ier (1040-1060), qui brisent les ambitions de leurs puissants voisins (comte de Bretagne, duc de Normandie, duc d’Aquitaine, comte de Blois) et qui annexent la Touraine* et le Maine*. La descendance d’Enjeuger, qui est assurée par le mariage d’Ermengeard, sœur de Geoffroi II Martel Ier, avec le comte de Gâtinais Geoffroi IV Ferreul, ne jugule qu’avec difficulté l’anarchie féodale sous les règnes successifs des deux fils de ce couple : Geoffroi III le Barbu (1060-1068) et surtout le voluptueux Foulques IV le Réchin (1068-1109), qui doit se résigner à partager son épouse, la jeune et belle Bertrade de Montfort, avec le roi de France Philippe Ier. Mais, après la disparition de Foulques IV en 1109, la dynastie angevine retrouve autorité et puissance sous le règne de son fils Foulques V le Jeune (1109-1131), qui laisse son comté à son fils Geoffroi V le Bel avant de partir pour la Terre sainte, où il devient roi de Jérusalem (1131-1143).


Du comté au royaume

Poursuivant avec énergie la pacification de l’Anjou aux dépens d’un baronnage anarchique dont il détruit les plus puissantes forteresses, Geoffroi V le Bel (1131-1151) apparaît comme le véritable fondateur de la dynastie des Plantagenêts, que l’on devrait appeler en fait Plantegenêts selon Charles Petit-Dutaillis. Il est, en effet, le premier prince angevin à porter ce sobriquet, car, grand chasseur, il aime parcourir les landes fleuries de genêts et porte peut-être même sur son casque une branche de genêts fleuris. En outre, il est aussi le premier Angevin auquel un mariage avantageux ait permis d’aspirer à la couronne d’Angleterre. Ayant épousé l’empress, l’impératrice Mathilde, veuve de l’empereur Henri V et unique héritière du roi d’Angleterre Henri Ier Beauclerc, dont le fils a péri dans le naufrage de la Blanche-Nef (1120), il tente de faire valoir les droits de son épouse à la couronne d’Édouard le Confesseur. Il échoue en raison de la préférence accordée par le baronnage anglo-saxon au faible Étienne de Blois (1135-1154). Mais, tandis que son épouse essaie de faire reconnaître sa souveraineté outre-Manche (1139-1147), il conquiert en 1144 le duché de Normandie*, dont il investit son fils Henri dès 1150. Comte d’Anjou en 1151, reconnu en outre duc d’Aquitaine* par son mariage avec l’épouse divorcée de Louis VII, Aliénor d’Aquitaine, en 1152, Henri réussit enfin à devenir, en décembre 1154, roi d’Angleterre* (sous le nom d’Henri II*) à la mort d’Étienne de Blois.

Ayant tenté de faire couronner roi de son vivant son fils Eustache selon une pratique courante en France mais non en Angleterre, Étienne de Blois a, en effet, suscité un violent mécontentement dans son pays, mécontentement dont a profité Henri Plantagenêt pour mener outre-Manche, en 1153, une campagne victorieuse. Et, à son issue, Eustache étant mort, le roi d’Angleterre a dû reconnaître le prince angevin comme son héritier légitime par le traité de Westminster (fin 1153).


Une famille divisée

Henri II, second fondateur de la dynastie des Plantagenêts, est non seulement le bénéficiaire d’un heureux concours de circonstances qui le rend maître d’un immense empire, mais aussi un homme d’État remarquable, qui sait gérer avec autorité et talent ses possessions. En un an, il pacifie l’Angleterre ; en Normandie, il accomplit une œuvre analogue ; avec plus de difficulté, mais avec autant d’énergie, il tente d’imposer son autorité dans les pays de la Loire, en faisant appel notamment à son fidèle Maurice de Craon pour défendre l’Anjou et le Maine contre les barons révoltés en 1173-74 ; enfin, il s’efforce de maintenir dans l’obéissance ses turbulents vassaux aquitains en confiant à des lieutenants sûrs la garde des châteaux forts dont il quadrille le pays.

Mais, en fait, une telle remise en ordre se heurte à une double opposition : celle de l’Église d’Angleterre, qui refuse de renoncer à l’indépendance acquise notamment sur le plan judiciaire sous le règne des prédécesseurs d’Henri II et qui trouve un éminent porte-parole en la personne de l’archevêque de Canterbury, Thomas* Becket ; celle, encore plus grave, des membres de la famille royale, dont l’instigatrice est l’épouse même du souverain, la reine Aliénor d’Aquitaine, qui lui a donné quatre fils : Henri le Jeune dit Court-Mantel, à qui le roi confie la Normandie ; le futur Richard Ier Cœur de Lion, qu’il investit des prérogatives ducales en Aquitaine en 1168 ; Geoffroi, à qui il fait épouser Constance, fille du duc de Bretagne Conan IV, afin de gouverner par son intermédiaire la Bretagne* ; Jean* sans Terre, enfin, né trop tardivement pour être investi de charges importantes avant la mort de son père.

Les jeunes princes, qui n’acceptent pas de n’être que les instruments de la politique paternelle, ne cessent de se révolter contre Henri II. Avec l’aide de leur mère, Aliénor d’Aquitaine, restée en droit la souveraine de l’Aquitaine, Henri le Jeune et Richard animent la puissante coalition féodale qui ébranle l’Empire angevin en 1173-74 de part et d’autre de la Manche. En fait, à cette exception près, les soulèvements auxquels le roi doit faire face n’affectent pratiquement que ses terres françaises : Henri le Jeune, en 1183, Geoffroi de Bretagne, en 1186, et Richard, en 1188, sont, en effet, pratiquement assurés d’obtenir dans ces contrées l’appui des souverains capétiens, qui ont déjà accueilli sur leurs terres Thomas Becket en rébellion contre son roi. Appui naturel d’ailleurs, car, vassal du roi de France en tant que comte d’Anjou, duc de Normandie, duc d’Aquitaine, etc., le Plantagenêt dispose au sud de la Manche de possessions territoriales et de moyens financiers et militaires bien supérieurs à ceux de son suzerain. Les Capétiens (Louis VII* et Philippe II* Auguste), qui ne possèdent qu’un étroit domaine aux faibles ressources, et qui redoutent que les forces de leur puissant vassal ne mettent un terme définitif à l’indépendance de leur royaume, ne peuvent qu’accorder leur appui intéressé à tous ceux dont l’action affaiblit les forces d’Henri II. Ce dernier meurt en 1189 en apprenant la trahison de son fils préféré et dernier-né, Jean sans Terre. Ouvert en fait entre les deux dynasties dès l’avènement d’Henri II au trône d’Angleterre en 1154, le conflit se prolonge jusqu’en 1258-59, terme de la première guerre franco-anglaise de Cent Ans.