plain-chant (suite)
Mais la musique contemporaine doit encore beaucoup d’autres éléments au plain-chant. Outre la portée de cinq lignes, aussi courante aux xiiie et xvie s. que le tétragramme de la fin du xie, il faut encore mentionner la notation elle-même, qui, des formes carrées médiévales, est passée aux formes arrondies actuelles, par l’intermédiaire de la notation polyphonique, qui a ajouté à l’ancienne notation les valeurs mesurées. La polyphonie elle-même est issue du plain-chant par le truchement de l’organum primitif (fin ixe s.), dont la vox organalis suivait à la quinte ou à la quarte la vox principalis, autrement dit la pièce de plain-chant. Cet organum a évolué à partir du xiie s. (école de Saint-Martial de Limoges et école Notre-Dame) et surtout au xive (Ars nova), mais la partie tenor (ou teneur) demeure habituellement empruntée au plain-chant. Cet usage se maintiendra encore longtemps à travers tous les âges de la composition polyphonique : dans la cantate de Pâques Christ lag in Todesbanden (1724), J.-S. Bach a pris comme thème la séquence de Pâques Victimae paschali, qu’il traite en valeurs longues à la pédale.
Des formes liturgico-musicales du plain-chant est issu plus d’un genre nouveau : du trope est sorti le drame liturgique, qui constitue le germe du théâtre et de l’opéra ; l’hymne a donné naissance aux versus, et ceux-ci ont engendré la chanson à refrain — trouvères, troubadours —, le carol et le noël ; la prose, ou séquence, a servi de modèle au lai ; certaines danses médiévales, telle l’estampie, peuvent être considérées comme des « suites » (sequentia, en latin) de l’antique séquence sans paroles, vocalisée sur la voyelle a, qui est elle-même le cadre mélodique de la prose ; enfin, le motet du xiiie s., construit lui-même sur un tenor en plain-chant, a engendré à la suite d’une lente évolution le motet sacré du xviie s., réservé à une seule voix soutenue par les instruments. Ainsi, à l’origine de la plupart des formes musicales religieuses ou profanes, on retrouve le plain-chant, ce qui nous explique l’intérêt sans cesse croissant accordé par les musicologues à ce répertoire occidental si ancien et si varié.
M. H.
➙ Ars antiqua / Ars nova / Grégoire Ier le Grand (saint) / Messe / Motet / Moyen Âge (musique du) / Notre-Dame (école).
A. Gastoué, les Origines du chant romain. L’antiphonaire grégorien (A. Picard, 1907). / J. de Valois, le Chant grégorien (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1963 ; 2e éd., 1973). / A. J. Bescond, le Chant grégorien (Buchet-Chastel, 1972).