Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pisistrate (suite)

Si le tyran sert ainsi (en même temps que le sien propre) le prestige de la cité, s’il garantit pour longtemps par ses réformes la paix sociale, il sait aussi montrer à ses concitoyens qu’ils ont une tâche à accomplir en commun, que la cité rénovée, cessant d’être une union de grandes familles égoïstes, donne à chacun sa place et sa dignité. Il organise le culte d’Athéna Poliade et fait des Panathénées la fête où chacun des habitants de la cité communie dans la même confiance en l’avenir d’Athènes.

Pisistrate devait mourir dans son lit, mais la cité ne put supporter bien longtemps le gouvernement de ses fils : Hipparque fut assassiné par Harmodios et Aristogiton, Hippias fut renversé par les aristocrates, qui n’avaient pas désarmé ; la cité allait-elle retomber dans l’ornière dont la tyrannie l’avait tirée ? les gens riches et bien nés recommenceraient-ils leurs stériles jeux politiques ? Non, car le peuple sut trouver en Clisthène* un chef qui, installant la démocratie, permit aux petits (paysans en particulier, mais aussi à ceux des villes), déjà libérés de l’esclavage économique, de participer désormais aux affaires de l’État.

J.-M. B.

➙ Athènes.

 C. Mossé, la Tyrannie dans la Grèce antique (P. U. F., 1969).

Pitt (William)

Dit le Premier Pitt, homme politique britannique (Londres 1708 - Hayes, Kent, 1778).



Les années de jeunesse

Lorsque William Pitt naît, ses parents, gens assez futiles, sont occupés à dilapider l’énorme fortune amassée par son grand-père, sir Thomas Pitt. Ce dernier, un audacieux marchand, a sans aucun doute la plus grande influence sur son petit-fils. Il insuffle au jeune William une foi ardente dans les possibilités du commerce britannique, la conviction que la fortune d’une nation dépendait avant tout de l’activité de ses marchands, et la haine des Français, adversaires et concurrents.

Éduqué à Eton, puis au Trinity College d’Oxford, Pitt, qui songe alors à une carrière ecclésiastique, poursuit sans passion des études à Oxford et à Utrecht. Il est fort indécis lorsque son frère le met en contact avec les chefs de la faction whig opposée à Robert Walpole* : Richard Temple, vicomte Cobham, William Pulteney, comte de Bath, Philip Stanhope, comte de Chesterfield, le duc Charles de Bolton. Dès 1735, il est élu député du « bourg pourri » d’Old Sarum.


Les débuts difficiles

La politique de paix de Walpole, dans la mesure où elle laisse les mains libres à la France, est très mal vue dans la Cité. Tout dans cette politique, sa prudence, ses horizons bornés et jusqu’à son habileté, est fait pour déplaire à Pitt. L’entente avec l’Espagne, alors alliée de la France, indigne tout le pays, qui a le sentiment que, sous prétexte d’éviter la guerre, on va d’humiliation en humiliation. À cette occasion, Pitt prononce son premier très grand discours : il suffit pour obliger Walpole à entrer en guerre contre l’Espagne (1739). Étant donné l’état de l’armée et de la marine, les résultats ne pouvaient qu’être médiocres, au moins Pitt a-t-il pu poser le problème fondamental en s’élevant au-dessus de la mêlée des luttes partisanes. Au profit de qui va s’effectuer la répartition des grands courants du commerce mondial ? L’Angleterre va-t-elle s’incliner devant une Espagne pourtant moribonde ? Prendra-t-elle les mesures nécessaires pour combattre la France, dont les succès (en particulier en Inde avec Dupleix*) vont grandissant ! Craint, admiré, très populaire, Pitt ne voit cependant pas s’ouvrir les allées du pouvoir : il passe pour un extrémiste, et George II le déteste. Lorsque le groupe de Stowe réussit à entrer dans le ministère Pelham (1743-1754), Pitt n’obtient aucun poste ministériel. Ce n’est qu’en 1746 que Henry Pelham réussit à obtenir pour Pitt un poste mineur, celui de trésorier-payeur des armées : c’est d’ailleurs un cadeau empoisonné, car ce poste est en général attribué aux politiciens ruinés qui ont besoin de redorer leur blason en puisant dans les caisses publiques ; la popularité de Pitt (qui a d’ailleurs depuis peu de quoi vivre grâce à un legs de Sarah Churchill, la veuve du duc de Marlborough) s’effondre d’un coup.


Pitt au gouvernement

Mais la popularité revient bien vite : Pitt donne l’exemple rare d’une gestion irréprochable et d’une activité inlassable. Il a cependant des loisirs, qu’il occupe à converser avec ses amis de la Cité, comme William Beckford : il approfondit ainsi sa vision politique. C’est ainsi que, seul du gouvernement, il est convaincu que le traité d’Aix-la-Chapelle (1748), qui met fin à la guerre de la Succession* d’Autriche, n’est qu’une paix de statu quo qui ne règle aucun problème ; pour lui, la guerre doit reprendre dès que possible. Laissé à l’écart des négociations politiques qui suivent la mort de Pelham (1754), Pitt n’est arraché à son penchant dépressif que par son mariage avec lady Hester Grenville, la sœur des deux leaders du groupe de Stowe, George Grenville et Richard Grenville-Temple, comte Temple. Animé d’une nouvelle énergie, il prononce un remarquable discours devant les Communes, réclamant une concentration de toutes les forces du pays, afin de lutter contre la France sur mer et dans les colonies, et la mise en œuvre d’une politique étrangère hardie qui ne soit plus uniquement fondée sur la défense du Hanovre au détriment de l’Angleterre, et qui, faisant fi des alliances traditionnelles, recherche l’appui du meilleur soldat d’Europe, Frédéric II*.

Après cet éclat, Pitt quitte le gouvernement (1755) : mais les événements lui donnent raison. Mal préparée, affaiblie par une crise politique (rivalité des factions whigs de Thomas Pelham Holles, duc de Newcastle, et d’Henry Fox), l’Angleterre doit se résigner à entrer en guerre contre la France (v. Sept Ans [guerre de]), aux côtés d’un Frédéric II, dont son gouvernement se méfie. Les désastres s’accumulent aussitôt ; la situation est critique en Inde* et en Amérique, et la marine subit de terribles défaites en Méditerranée. Effrayé, George II doit faire appel à Pitt (nov. 1756) ; un premier gouvernement Pitt échoue (avr. 1757) ; mais la bonne formule est bientôt trouvée (juin 1757) : elle associe à Pitt la plus importante faction whig, celle qui est dirigée par le duc de Newcastle et Philip Yorke, comte de Hardwicke ; ils se chargeront de trouver de l’argent et de la « cuisine » politique, tandis que Pitt, au poste de ministre de la Guerre, s’occupera de la guerre et de la diplomatie.