Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pise (suite)

La chaire du baptistère inspire celle que Giovanni Pisano termina vers 1310 pour la cathédrale, où l’animation et le sens dramatique des scènes de l’Évangile atteignent une étonnante tension, en contrepoint avec la fermeté architectonique de l’édicule dans son ensemble. L’histoire de la sculpture pisane se poursuit au xive s. avec Andrea* et Nino Pisano. Des sculptures de Nino sont notamment conservées à l’église de Santa Caterina, qui marque le passage du roman au gothique dans l’architecture de Pise. D’autres sculptures dues aux ateliers locaux participent à l’exubérant décor gothique des parties hautes de la petite église Santa Maria della Spina.

Le campanile de la piazza dei Miracoli fut entrepris, avec la participation de l’architecte et sculpteur Bonanno Pisano, en 1174. La construction fut interrompue par un affaissement du sol, qui, malgré une légère correction dans la suite des travaux, repris et terminés pour l’essentiel par Giovanni di Simone à partir de 1275, donna à l’édifice son inclination célèbre et aujourd’hui préoccupante. Tour de marbre cylindrique, l’édifice reprend les dispositions de la cathédrale : un premier niveau d’arcades pleines au tympan orné d’un losange évidé et marqueté, au-dessus duquel s’élèvent des étages de galeries à petites arcatures sur colonnettes. L’étage des cloches porte l’ensemble à une hauteur de 54 m.

Au nord de la cathédrale, le Camposanto offre, autour de son aire de sépulture, une très vaste galerie rectangulaire (129,5 × 44,5 m) commencée par Giovanni di Simone en 1278 et agrandie au xive s. Couverte d’une charpente, elle comporte un mur d’enceinte à hautes arcatures aveugles vers l’extérieur, revêtu de fresques à l’intérieur, tandis qu’elle s’ouvre sur l’espace interne par de grandes baies qui ont reçu au xve s. leur organisation à quatre lancettes gothiques. Détériorées par un incendie en 1944, détachées et réparées depuis, les fresques constituent un ensemble exceptionnel, confié dans la seconde moitié du xive s. à des artistes pour la plupart étrangers à Pise. La plus célèbre de ces œuvres, d’attribution discutée, est l’allégorie du Triomphe de la Mort, qui enchaîne ses épisodes avec une puissance expressive soutenue par le sens naturaliste, la vigueur du dessin et de la couleur. Le cycle du Jugement universel, de l’Enfer et du Paradis revient peut-être au Pisan Francesco Traini ; l’Histoire de Job est due à Taddeo Gaddi, celle de saint Rainier, patron de la ville, à Andrea da Firenze et à Antonio Veneziano ; etc. Au xve s., enfin, Benozzo Gozzoli* exécuta de nombreuses scènes de l’Ancien Testament, dont subsistent, altérées, les Vendanges et l’ivresse de Noé ainsi que la Tour de Babel.

Le quattrocento voit la ruine de Pise au profit de Florence. Au xvie s. se dessine un redressement : les Florentins enrichissent la cathédrale d’œuvres d’art (peintures d’Andrea del Sarto et du Sodoma, bronzes de Giambologna*, lampe en bronze dite « de Galilée »), et Vasari* collabore à la parure architecturale de la piazza dei Cavalieri, centre de la vieille ville. L’âge baroque a peu touché celle-ci.

E. M. et G. G.

Pisistrate

En gr. Peisistratos, tyran d’Athènes (v. 600 - 528/527 av. J.-C.).


Originaire de la région de Braurôn (à l’est de l’Attique), dont les habitants ne cessèrent jamais de lui être favorables, Pisistrate sait gagner auprès des Athéniens une grande popularité par ses victoires durant la guerre de Mégare (prise de Nisaia en particulier). Il peut ainsi envisager de jouer un rôle politique ; s’opposant aux partis aristocratiques de Lycurgue et de Mégaclès, qui épuisent la ville par leurs intrigues et leurs vaines querelles, il veut entreprendre des réformes assez radicales pour donner enfin au peuple des petits paysans des dèmes (les villages de l’Attique), aux ouvriers et artisans de la ville, la place qui devait leur revenir dans la cité (les réformes de Solon* avaient su maintenir une paix sociale précaire, mais il fallait continuer son œuvre).

En 561/560, il s’impose, avec une garde de trois cents porte-massues que le peuple l’avait autorisé à recruter, après qu’il l’eut fait frissonner au récit d’un attentat dont il aurait été la victime ; il s’empare de l’Acropole et gouverne désormais la cité. Sa tyrannie n’est pas sanglante : il ne trouble pas l’exercice des magistrats ordinaires et respecte la constitution « en bon citoyen plutôt qu’en tyran », comme dit Aristote ; il n’en gouverne pas moins Athènes jusqu’en 528/527. Deux longs exils auxquels il sera contraint (l’un durera onze ans, l’autre trois) permettront aux Athéniens de le regretter, d’admirer l’activité d’un homme qui, chassé de chez lui, continuera d’œuvrer pour leur bonheur en colonisant en Thrace la région du mont Pangée, jetant ainsi les bases du futur empire athénien, ouvrant la route du blé et mettant la main sur de riches mines d’or.

Son régime est très favorable au peuple des campagnes : sans vouloir confisquer leurs terres aux riches, il libère les campagnes de leur tutelle en prêtant aux petits propriétaires des capitaux qui leur permettent de se lancer dans des cultures véritablement rémunératrices : la vigne et l’olivier feront du paysan athénien un homme heureux jusqu’à la guerre du Péloponnèse (les Spartiates ravageront alors des plantations qui ne peuvent être reconstituées sans un fort long délai, les oliviers ne devenant vraiment rentables qu’après vingt ans de soins attentifs).

Cette politique agricole est bien sûr rendue possible par le contrôle désormais assuré des sources d’approvisionnement en blé sur le Pont-Euxin et par le développement d’un grand commerce international qu’alimentent les premières « chouettes », ces belles monnaies d’argent qui feront prime sur les marchés de l’Égée jusqu’à l’époque romaine.

Les gens de la ville ne sont pas oubliés : Pisistrate attire à Athènes des potiers spécialistes qui permettent à la cité de ravir à Corinthe la place de premier exportateur de Grèce (c’est vers 530 av. J.-C. qu’est inventé le procédé nouveau de la poterie à figure rouge qui supplante les vases à figures noires). Il fait aussi construire la superbe fontaine à neuf bouches (Enneakrounos), l’autel des douze dieux (sur l’agora), le premier Parthénon (que détruiront les Perses en 480 av. J.-C.).