Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pilniak (Boris) (suite)

L’effort que fait l’écrivain pour s’adapter aux normes du réalisme socialiste l’amène à renoncer de plus en plus à la fiction tout en restant fidèle à ses procédés de style et de composition ; ses derniers livres publiés sont des reportages sur le Japon (Korni Iaponskogo solntsa [les Racines du soleil japonais], 1927, et Kamni i korni [Pierres et racines], 1933), sur la Chine (Kitaïskaïa povest [le Récit chinois], 1927) sur les États-Unis (O’keï, amerikanski roman [O. K., roman américain], 1932), sur l’artisanat traditionnel de Palekh (Sozrevanie plodov [le Mûrissement des fruits], 1935), sur l’industrie alimentaire (Miasso [la Viande], 1936). Les deux derniers romans qu’il écrit au cours des années 30, Dvoïniki (les Doubles, 1933), qui a pour héros un malade mental, et Solianoï ambar (le Grenier à sel, 1936-37), qui décrit la montée du mouvement révolutionnaire dans une petite ville de province, ne verront pas le jour en U. R. S. S. (à l’exception d’un fragment de ce dernier roman, publié en 1964). Arrêté en 1937, Pilniak a sans doute été exécuté la même année. Il a été réhabilité en 1956, mais ses œuvres restent proscrites dans son pays.

M. A.

 B. Pilniak, Articles et éléments (en russe, Leningrad, 1928). / L. D. Trotsky, Littérature et révolution (trad. du russe, Julliard, 1962).

Pilon (Germain)

Sculpteur français (Paris v. 1528 - id. 1590).


Il naît dans une famille de sculpteurs. Ses premiers travaux pour la chapelle de la corporation des orfèvres à Paris et le jardin de la reine à Fontainebleau le montrent attaché encore à la vieille tradition du bois polychrome et confirment l’existence de rapports étroits entre les sculpteurs et les orfèvres spécialement en ce qui concerne la famille Pilon.

Dès 1550, il fait partie de l’équipe de Pierre Bontemps (v. 1506 - v. 1570), chargée de l’exécution du tombeau de François Ier, et sa participation, encore modeste, est le prélude d’une collaboration incessante aux chantiers royaux, pour lesquels il travaillera le plus souvent d’après les projets du Primatice*, maître des Bâtiments de la Couronne et des sépultures royales.

La sculpture funéraire tient une place essentielle dans ces commandes. Du monument du cœur d’Henri II (1560-1563, auj. au musée du Louvre), inspiré d’un modèle de cassolette établi par Raphaël pour François Ier (et connu par la gravure), il exécute les Trois Grâces de marbre personnifiant les vertus profanes du roi en des silhouettes souples, fidèles au canon maniériste* défini dans le décor de Fontainebleau, avec un élan continu bien que réprimé et une sensualité délicate. La rotonde des Valois, chapelle funéraire de la dynastie entreprise sur l’ordre de Catherine de Médicis à Saint-Denis, devait abriter en son centre le tombeau d’Henri II et de sa veuve (auj. dans la basilique). C’est donc en accord avec une architecture inspirée de Bramante* qu’est élevé le tombeau royal en forme d’arc de triomphe abritant des gisants, supportant des priants et veillé, aux angles, par quatre Vertus de bronze. Ce monument de la glorification terrestre des souverains peut être attribué en totalité à Pilon, tant la maîtrise du modelé et l’homogénéité du style sont évidentes. Mais unité n’est pas monotonie, et le pathétique naît du contraste épique entre l’ombre baignant les gisants nus, malgré la splendeur de leurs formes qui traduit le goût italien de la représentation du corps humain, et la gloire des effigies dressées au-dessus de l’entablement où le roi et la reine, en costume de sacre, sont hissés comme des triomphateurs. On ignore où devait prendre place une autre représentation du couple royal, commandée en 1583 : deux gisants en costume de sacre où la virtuosité à rendre les broderies ciselées et les étoffes diaprées s’allie à la très forte sensibilité des portraits. On a voulu y voir le dernier fleuron de la tradition médiévale du gisant magnifié par le cérémonial des pompes funèbres ; en réalité, l’intensité d’un tel ensemble, le brio de ses détails préfigurent plutôt les grands monuments baroques du xviie s.

Hors des chantiers royaux, Pilon réalise de nombreux tombeaux où alternent formules traditionnelles et tendances décoratives italianisantes. De cette production émergent deux œuvres capitales, les monuments funéraires du chancelier René de Birague et de son épouse Valentine Balbiani. Conservées au Louvre, ces effigies allient l’ampleur de leur conception à une minutie qui exalte le luxe décoratif du costume. Dans le priant du chancelier, surtout, un réalisme implacable, mais sans sécheresse, dégage un lyrisme surprenant, amplifié par la splendide simarre où le bronze prend la souplesse et l’aspect soyeux de la moire et étend sur le vieillard impénétrable la majesté de la pompe romaine.

Mais Germain Pilon, fervent catholique, ligueur, est aussi un étonnant sculpteur religieux, tout préparé à illustrer l’art de la Contre-Réforme, à magnifier le goût de l’extase pour impressionner les fidèles, sans pour cela tomber dans l’excès. Telles sont les qualités des grands chefs-d’œuvre destinés à la rotonde des Valois : la Vierge de pitié (maquette de terre cuite en vraie grandeur au Louvre ; marbre à l’église Saint-Paul-Saint-Louis, Paris), à la composition pyramidale sans doute inspirée de Michel-Ange*, qui frissonne de douleur sous un drapé opulent et laisse seulement émerger des étoffes qui la noient ses mains longues et crispées ainsi que l’arête d’un visage marqué par l’accablement ; le Saint François d’Assise recevant les stigmates (église Saint-Jean-Saint-François, Paris), œuvre d’un mysticisme éclatant qui suggère le surhumain en conservant les tendances gracieuses du maniérisme ; le Christ de la Résurrection (Louvre), dont le rythme élancé est un écho des formules de Fontainebleau, rendues pathétiques par une expression de tendresse miséricordieuse.

À l’écart des chantiers royaux, Pilon a de multiples commandes, comme la Vierge à l’Enfant (Notre-Dame-de-la-Couture, Le Mans), datée de 1570-71, qui appartient aussi au monde des formes bellifontaines avec sa silhouette étirée, sa taille haute, son corps infléchi et ses mains fuselées, si caractéristiques des créations maniéristes. L’élégance un peu mondaine et languissante de cette œuvre a fécondé une production importante de statues en terre cuite dans le Maine et en Anjou.

L’activité de Pilon médailleur (il est nommé en 1572 contrôleur général des poinçons et effigies à la Cour des monnaies) perpétue la grande tradition italienne, celle de Pisanello* et de Francesco Laurana, avec des innovations comme la présentation de trois quarts qui semble due à l’influence des dessins de François Clouet*.

L’atelier de Pilon a aussi participé à diverses entreprises de caractère ornemental à Paris : bustes décoratifs pour le Palais-Royal, horloge du palais de la Cité et sans doute une partie des mascarons décorant les claveaux du Pont-Neuf.

L’influence du maître fut considérable. Le style qu’il a illustré sans le forger de toutes pièces allie un sentiment réaliste traditionnel aux formules maniéristes. Sa connaissance des œuvres postmichélangelesques a entretenu dans la sculpture française un climat italien qui la rendra plus réceptive aux grands apports baroques du xviie s.

M. L.

 J. Babelon, Germain Pilon (les Beaux Arts, 1928).