Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pignon (Édouard) (suite)

Après la Libération, il se met à peindre par séries de thèmes qui se suivent et se recoupent : ainsi les Catalanes (1945-46) et les Remailleuses de filets (1946), monumentales et statiques, d’une conception formelle voisine de celle de Picasso*, avec qui il se liera d’une profonde amitié. Sa manière de travailler s’est précisée à Ostende durant l’hiver 1945-46, mais les toiles qui naissent de l’observation des pêcheurs dans leurs bateaux, bien qu’animées d’une sorte de balancement léger, demeurent encore très construites (1947-1949). De son séjour dans le Midi en 1950 datent la première rencontre de Pignon avec l’olivier, qui restera l’un de ses sujets de prédilection, et la découverte d’une de ses idées majeures : supprimer toute distance entre le peintre et le thème qu’il développe, et du coup, si possible, entre le spectateur et la toile (Oliviers de 1957-58).

Désormais, Pignon suit une voie solitaire, inclassable dans l’abstraction comme dans la nouvelle figuration. La conception d’un espace ouvert et mouvant transforme progressivement sa manière de procéder : éprouvant le besoin impérieux d’une fusion avec la réalité, Pignon se place dans le spectacle pour appréhender la multiplicité des formes et des couleurs telles qu’elles se situent les unes en fonction des autres, dans la dialectique complexe de leurs rapports et de leurs articulations. Pour saisir cette réalité de l’intérieur, il accumule dans ses innombrables dessins et aquarelles une somme de notations et de sensations qui formera la matière première des toiles.

Il n’y a pas de rupture entre les différentes séries qui forment la trame de l’œuvre, mais une continuité plastique et une progression dans cette Quête de la réalité (titre d’un ouvrage publié par Pignon en 1966, suivi en 1974 de Contre-Courant) et dans cette approche de la forme désormais en mouvement. Ainsi, de 1958 à 1962, apparaissent les Combats de coqs et, parallèlement, des centaines de lavis à l’encre de Chine sur le thème des Moissons, d’où naîtront les séries des Battages et des Pousseurs de blé, dans lesquelles l’éclatement des formes et des couleurs atteint une grande violence. La dernière moisson est intitulée la Moisson-Guerre (1962). Y font suite presque naturellement les grandes Batailles de 1963-64, où l’on peut voir les « pousseurs de lances » se substituer aux « pousseurs de blé », puis les Têtes de guerriers de 1967-1970. Entre-temps, Pignon aborde la série des Plongeurs (1962-1966), dans laquelle le mouvement est devenu le vrai thème ; un mouvement qui ne serait plus figé dans l’espace et dans le temps, mais capté dans la vitesse de sa trajectoire, et qui peut être purement plastique, comme dans les Nus de 1971-1973. La peinture est pour Pignon un moyen de matérialiser les rapports essentiels qui organisent le désordre apparent de la réalité.

H. H.

 R. J. Moulin et A. Calles, Pignon (G. Fall, 1970). / J. L. Ferrier, Pignon (Presses de la Connaissance, 1977).

Pigou (Arthur Cecil)

Économiste anglais (Ryde 1877 - Cambridge 1959).


Il fait ses études à Harrow, puis à Cambridge, au King’s collège, où il est l’élève d’Alfred Marshall*. En 1908, il succède à ce dernier dans la chaire d’économie politique de Cambridge, qu’il occupera jusqu’en 1943. Parallèlement à sa carrière universitaire, il a été un conseiller écouté du gouvernement britannique.

Son œuvre est importante et, en général, orientée vers les problèmes économiques du moment. Si l’on avait à classer Pigou, on pourrait le définir comme l’un des derniers néoclassiques. Il s’est particulièrement attaché à l’analyse de l’« économie de bien-être » (décrite dans The Economics of Welfare) ainsi qu’aux problèmes de chômage (The Theory of Unemployment).

• L’économie de bien-être est la recherche d’un « dividende national » maximal (qu’on appellerait de nos jours un rendement social, c’est-à-dire une utilité sociale, maximale). Néoclassique, Pigou utilise l’ensemble des concepts marginalistes : les individus cherchent à maximiser l’utilité que leur apporte leur revenu* et ils répartissent leurs achats de façon que l’utilité marginale d’un bien* ou d’un service s’égalise avec l’utilité marginale des autres biens ou services.

Cette répartition idéale des dépenses est subordonnée à la réalisation de trois conditions :
a) l’utilisation rationnelle des facteurs de production* (l’utilité marginale [c’est-à-dire, dans ce cas, la productivité marginale des facteurs de production évaluée en valeur] doit être égale pour tous les facteurs de production ; c’est ici la transposition au niveau national de la théorie de la firme) ;
b) la répartition la plus équitable des revenus (on entend par là que l’utilité marginale des revenus doit tendre à être la même pour tous ; on peut, en effet, considérer que l’utilité marginale d’une unité monétaire n’est pas la même en ce qui concerne un mendiant et un magnat du pétrole ; pour le premier, l’utilité est maximale, car cette unité lui permettra de survivre, tandis que le second ne l’utilisera peut-être qu’à l’achat d’un cigare d’excellente qualité) ;
c) un « dividende national » sans fluctuations, ces dernières empêchant toutes prévisions et tous calculs.

Cependant, pour que soient réalisées ces conditions, Pigou préconise des techniques qui ne sont pas celles des libéraux : contrôle par l’État des monopoles, nationalisations*, impôt* progressif sur le revenu, la plupart de ces mesures étant d’ailleurs reprises par les travaillistes entre 1945 et 1950.

• Dans sa trilogie sur le sous-emploi, publiée entre 1913 et 1941 (Unemployment, 1913 ; The Theory of Unemployment, 1933 ; Employment and Equilibrium, 1941), Pigou recherche quelles sont les conditions qui permettront à la machine économique d’assurer le plein emploi : il réfute en particulier le fait que la rigidité des salaires à la baisse soit génératrice de sous-emploi.