Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pie IX (suite)

Le bas clergé français, conduit par Louis Veuillot, suivit d’enthousiasme, ainsi qu’une foule de catholiques qui ne concevaient pas qu’on pût mettre en doute les assertions pontificales. Chez les catholiques libéraux, on se soumit, tout en mesurant la profondeur du fossé que le Syllabus semblait avoir creusé entre la société moderne et l’Église romaine. Accablés par leurs adversaires intransigeants — dont l’infatigable porte-parole était l’évêque de Poitiers —, ces libéraux trouvèrent un défenseur habile en Mgr F. Dupanloup (1802-1878), l’évêque d’Orléans. Ce dernier, dès le 26 janvier 1865, faisait paraître un opuscule intitulé la Convention du 15 septembre et l’encyclique du 8 décembre, où, distinguant la thèse et l’hypothèse, il affirmait que seules les doctrines révolutionnaires étaient condamnées par Pie IX et que le pape était en réalité favorable aux libertés civiles et politiques. La brochure de Dupanloup — 34 000 exemplaires vendus en quelques semaines — donna de l’air à une opinion qui, depuis un mois, respirait mal ; et Pie IX se crut obligé d’adresser un bref de félicitations à l’évêque d’Orléans.

P. P.

➙ Catholicisme libéral / Église catholique / Kulturkampf / Papauté / Révolutions de 1848.

 J. M. Stepischnegg, Papst Pius IX und seine Zeit (Vienne, 1879 ; 2 vol.). / D. Demarco, Pie IX e la revoluzione romana del 1848 (Modène, 1947). / F. Hayward, Pie IX et son temps (Plon, 1948). / R. Aubert, le Pontificat de Pie IX (Bloud et Gay, 1952). / P. Fernessole, Pie IX, pape (Lethielleux, 1960). / O. Russell, The Roman Question, 1858-1870 (Londres, 1962). / R. Mori, La questione romana, 1861-1865 (Florence, 1963).

Pie X (saint)

(Riese, Vénétie, 1835 - Rome 1914), pape de 1903 à 1914.


D’origine modeste, Giuseppe Sarto fait ses études à Padoue et est ordonné prêtre en 1857. Vicaire à Tombolo, curé de Salzano (1867), chanoine et chancelier de Trévise (1875), évêque de Mantoue (1884), il devient patriarche de Venise et cardinal en 1893. Au conclave d’août 1903, il est élu pape contrairement à toutes les prévisions, l’Autriche ayant signifié l’exclusive contre le cardinal M. Rampolla (1843-1913), qui, dès le 1er tour de scrutin, avait semblé devoir être élu.

On a souvent opposé Léon XIII, le diplomate délié, à son successeur Pie X, qui garda sur le trône pontifical des allures de curé de campagne. Sa devise, Instaurare omnia in Christo, montre Pie X moins soucieux d’innover que d’approfondir et de défendre. En préconisant la réforme de la musique sacrée (1903), un enseignement plus systématique de la religion (encyclique Acerbo nimis, 1905), une fréquentation plus régulière des sacrements, notamment de la communion (communion quotidienne, 1905 ; communion des enfants, 1910), en réformant le bréviaire (1911) et en refondant le Code de droit canonique, Pie X voulut mettre à la disposition des membres de l’Église des instruments plus adaptés de sanctification.

Mais ce pape éminemment religieux — Pie XII, en le canonisant (1954), témoignera de sa sainteté — eut à faire face aux plus graves problèmes nés d’une époque sans entraves. Car, avant de considérer Pie X comme un « intégriste borné », il convient de se rappeler dans quelle atmosphère orageuse se déroula son pontificat. Quand le gouvernement français, en 1905, dénonça le concordat de 1801 et proclama la séparation* des Églises et de l’État, Pie X condamna cette rupture unilatérale et les associations cultuelles (encycliques Vehementer et Gravissimi officii [1906]) : il livrait ainsi l’Église de France à des conditions matérielles difficiles, mais en même temps il la libérait pour des tâches toutes spirituelles.

La démocratie chrétienne, la démocratie tout court et leurs doctrines socialisantes n’eurent jamais les sympathies de Pie X, qui considérait même la formation d’un « parti catholique » comme incompatible avec la constitution monarchique de l’Église, à moins que le « parti » ne fût étroitement soumis à l’épiscopat. Ainsi toléra-t-il — il encouragea même — le parti catholique belge, qui grandissait dans la grande ombre du cardinal Mercier, et, en Autriche le solide parti social-chrétien dont l’anticapitalisme se corsait d’un antisémitisme violent. Le « Centre » allemand était, par contre, trop indépendant aux yeux du pape. En France et en Italie, Pie X réagit violemment contre une démocratie chrétienne, qui n’était plus, à son gré, une entreprise authentiquement religieuse. En cela, il reprenait certaines positions de Léon XIII, qui avait condamné dans l’américanisme (1899) une certaine forme d’activisme trop éloignée de l’union à Dieu et à ses représentants.

En 1909, Pie X excommunia un prêtre italien, don Romolo Murri (1870-1944), qu’on a parfois comparé à La Mennais, dont il avait la fougue et la popularité : fondateur de la Culturia sociale, puis de la Ligue démocratique italienne, Murri mêlait à ses anathèmes contre la civilisation moderne, matérialiste et oppressive, des expressions dignes de Savonarole ; mais Pie X n’était pas Alexandre VI. En France, la condamnation de deux journaux dirigés par des « abbés démocrates » fut suivie par celle du Sillon* (lettre Notre charge apostolique, 25 août 1910), mouvement démocratique et social dont les contours doctrinaux assez vagues et la liberté d’allure ne plaisaient guère à certains évêques. Contrairement à Murri, Marc Sangnier, âme du Sillon, se soumit aussitôt. Dans le camp opposé, celui de l’Action* française, mouvement monarchiste et nationaliste, on trouvait nombre de prêtres et de catholiques dont beaucoup oubliaient l’athéisme de certains de leurs maîtres, dont Maurras, pour se laisser fasciner par une Église de l’ordre.

Sillon et Action française, progressistes et intégristes, novateurs et réactionnaires, actuels et traditionnels : le clivage qui séparait les deux tendances du catholicisme se prolongea jusqu’à nos jours ; si la pente est actuellement plus favorable à la « gauche », avant 1914 le catholicisme conservateur dominait.