Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Picardie (suite)

L’architecture féodale se perpétue dans une partie des remparts de Saint-Valery-sur-Somme et de Montreuil-sur-Mer, ces derniers, ainsi que la citadelle qui les scelle au nord-ouest, entièrement repris aux xvie et xviie s. Les ruines du château de Lucheux sont celles d’un ensemble considérable élevé du xiie au xve s. par les comtes de Saint-Pol ; Rambures est du xve s., édifice compact fait de quatre tours rondes reliées par des courtines convexes et qui étage en trois strates de couleurs ses matériaux, brique, craie, ardoise.

Les siècles classiques voient la lente reconstruction en style gothique de Saint-Pierre de Corbie, dont le chœur et le transept furent rasés en 1815 en même temps que son vaste ensemble conventuel du début du xviiie s. De la fin du siècle précédent (comme le nouveau mobilier de son église), les bâtiments abbatiaux de Saint-Riquier subsistent. De même l’ancienne abbaye cistercienne de Valloires, fondée au xiie s. et reconstruite au milieu du xviiie dans une manière simple et élégante ; sa chapelle conserve un remarquable ensemble de boiseries de style baroque allemand ainsi que les gisants d’un comte et d’une comtesse de Ponthieu (xiiie s.). Enfin, l’abbaye de Prémontré, aux trois nobles bâtiments en équerre, chacun à avant-corps convexe et fronton sculpté, se rattache plus à Laon et à l’Île-de-France qu’à la Picardie. L’architecture civile du xviiie s. brille aux portes d’Abbeville par la « folie » de Bagatelle, petit château de brique et pierre construit pour les réceptions du drapier Abraham Van Robais et qui a conservé son décor et son mobilier raffinés.

Si le musée de Saint-Quentin* abrite les quelque quatre-vingts portraits au pastel laissés à sa mort par Maurice Quentin de La Tour, celui d’Abbeville possède, outre des collections de préhistoire et des peintures des xviie et xviiie s., plusieurs milliers de dessins et de gravures dus à l’étonnante pléiade de graveurs nés à Abbeville et qui pour la plupart ont fait leur carrière à Paris : de Claude Mellan (1598-1688) à Émile Rousseaux (1831-1874), en passant par François de Poilly (1623-1693), Jean Daullé (1703-1763), Jacques Firmin Beauvarlet (1731-1797), etc. À l’inverse, le xixe s. voit la Picardie recevoir la visite d’artistes attirés par les « motifs » que constituent ses paysages côtiers et ses monuments : Bonington, Delacroix, Corot, Jules Dupré, Boudin, Degas, Seurat.

G. G.

 Congrès archéologique de France, Amiens, 1936 (Picard, 1938). / H. Zanettacci, les Ateliers picards de sculpture à la fin du Moyen Âge (Compagnie fr. des arts graphiques, 1954). / R. Agache, Vues aériennes de la Somme et recherche du passé (Musée de Picardie, Amiens, 1963). / P. Pinchemel, J. Godard et C. Lamy - Lassalle, Visages de la Picardie (Horizons de France, 1967). / J. Sartre, Châteaux « brique et pierre » en Picardie (Nouv. Éd. latines, 1973).

Picasso (Pablo Ruiz)

Peintre, dessinateur et sculpteur espagnol (Málaga 1881 - Mougins 1973).



Introduction

Peintre le plus célèbre du xxe s., il n’a cessé jusqu’à son dernier souffle de poursuivre une œuvre déroutante et surabondante, ni d’alimenter les controverses comme aucun autre artiste ne l’a fait. Tenu par beaucoup pour l’incarnation même de l’esprit malin acharné à ruiner la tradition artistique, il n’était plus cependant, dans les quinze ou vingt dernières années de sa vie, considéré par les nouvelles générations artistiques comme participant encore de l’avant-garde. Le mythe de sa perpétuelle verdeur, largement entretenu par la grande presse autant que par ses nombreux fidèles, ne pouvait tout à fait dissimuler en effet une stagnation sensible de l’inventivité, surtout dans la peinture. C’est que les profonds bouleversements qu’il avait introduits tant dans la sculpture que dans la peinture avaient, par une suite de réactions en chaîne, abouti à de telles conséquences qu’en comparaison la récente activité de Picasso pouvait passer pour confortable et conservatrice. Toutefois, cela n’enlevait rien de leur importance révolutionnaire aux années 1907-1914 ou 1926-1934 de sa production, ni à la contribution décisive que fut la sienne au cubisme, puis au surréalisme. Picasso avait seulement cessé d’être un véritable chef de file pour devenir un symbole lointain, sans lien réel avec les problèmes de l’art dans la seconde moitié du siècle.


L’enfant prodige

La légende, qui s’est emparée très tôt de Picasso, veut que ce soit à l’âge de quatorze ans qu’il ait reçu des mains de son père, lui-même artiste peintre et professeur de dessin (à Málaga, à La Corogne, puis à Barcelone), la palette et les pinceaux paternels : par ce geste, José Ruiz Blasco signifiait le génie précoce de son fils. De fait, celui-ci ne tarda pas à s’affirmer et, si les œuvres de cette période qui nous sont parvenues trahissent encore quelque gaucherie dans la composition, l’acquisition du « métier » académique s’y montre déjà éclatante, dans les portraits notamment. En 1897, Science et Charité (musée Picasso, Barcelone), qui reçoit une mention honorifique à l’Exposition nationale des beaux-arts de Madrid et une médaille d’or à Málaga, témoigne que cette acquisition atteint désormais à la perfection. Peintre académique consommé à l’âge de seize ans, Pablo Ruiz Picasso n’a plus qu’à devenir un peintre moderne, en somme qu’à devenir Picasso. Cela se fera à travers l’exemple de Théophile Alexandre Steinlen et de Toulouse-Lautrec* et dans l’atmosphère culturelle de l’Art* nouveau, qui parvient alors à son épanouissement international, sensible aussi bien à Barcelone qu’à Paris.


« un peintre modern style »

Picasso ne s’est pas caché d’avoir été, selon ses propres termes, « un peintre modern style ». Ce qui, dans son cas particulier, aboutira à une synthèse entre un certain vérisme misérabiliste, marqué par le choix de sujets populaires et pathétiques (enfants, mendiants, infirmes, mères douloureuses), et un traitement décoratif de l’image dérivé du « synthétisme » de Gauguin* et de Pont-Aven, qu’une quasi-monochromie (en bleu et chair) pousse vers l’idéalisme. C’est de 1901 à 1904 que se situe ce que l’on nommera plus tard son « époque bleue ». Elle correspond à une hésitation du jeune peintre entre Barcelone et Paris (où il fait trois séjours de 1900 à 1903). En 1904, il s’installe définitivement à Paris, au fameux « Bateau-Lavoir » de la rue Ravignan, décision d’une importance capitale, car il est sûr que, si Picasso n’avait pas connu les stimulations de la vie culturelle parisienne, son œuvre ne se serait pas développée de la même manière. Or, dès cet instant s’accomplit pour lui la rencontre décisive, celle de la poésie, en la personne de Guillaume Apollinaire*, de Max Jacob, un peu plus tard de Pierre Reverdy. L’admirable texte qu’Apollinaire lui consacre dans le numéro de la Plume du 15 mai 1905 scelle cette alliance, qui ne sera jamais dénoncée, entre Picasso et la poésie. Et déjà sa peinture change : c’est l’« époque rose ».