Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Picardie (suite)

L’économie

L’agriculture est une agriculture de pointe. Ses actifs voient diminuer aides familiaux et saisonniers, remplacés par des ouvriers qualifiés, et à peine se réduire le nombre déjà très limité des exploitants venus jeunes (45 p. 100 ont moins de 45 ans contre 33 p. 100 en France) à la tête de leurs exploitations. L’exploitation est souvent vaste (plus de 40 ha en moyenne, plus du double de la moyenne française) : plus petite au nord-ouest (Vimeu, Ponthieu, Bray) et au nord-est (Thiérache), elle dépasse 100 ha au sud et au sud-est (Vexin, Valois, Brie, Soissonnais). La culture est très mécanisée (blé, maïs, betterave à sucre), et l’engrais très utilisé malgré la fréquence des sols limoneux. La Picardie occupe ainsi une place de choix parmi les régions pour nombre de productions : première pour la betterave à sucre (avec 40 p. 100 du sucre français), pour les pois, deuxième pour le blé, l’orge, l’endive et le chanvre, troisième pour la pomme de terre. Une grosse exportation de céréales est dirigée vers la C. E. E. (blé, orge, maïs). L’élevage (deux cinquièmes du revenu agricole) est important. L’élevage porcin traditionnel cède devant la concertation entre producteurs et engraisseurs. Les bovins sont élevés pour le lait dans le nord-ouest et le nord-est, ailleurs pour la viande. La Picardie alimente en produits laitiers le Nord et la Région parisienne. Cette agriculture, très dynamique, joue de plus un rôle pilote pour toute l’agriculture nationale, à laquelle elle fournit depuis longtemps beaucoup de ses dirigeants.

L’industrie manque d’énergie et de matières premières autres qu’agricoles, mais jouit d’une vieille tradition textile et métallurgique et a exploité sa situation entre le Nord et la Région parisienne, d’abord pour utiliser le charbon du Nord, puis pour attirer à elle la décentralisation parisienne. Elle est, surtout depuis 1950, en plein développement avec un mélange d’établissements anciens et petits, nouveaux et grands. Les actifs industriels se partagent surtout entre métallurgie (39 p. 100), textile (14 p. 100), bâtiment (12 p. 100), chimie (10 p. 100) et industries agricoles et alimentaires (8 p. 100). Deux secteurs sont en renouvellement plus ou moins aisé. Dans le textile, le jute s’affaiblit ; le coton, la confection et la bonneterie, concentrés autour d’Amiens et de Saint-Quentin, y survivent difficilement ; seuls les textiles artificiels et synthétiques se développent, près de Saint-Quentin et de Beauvais. L’industrie agricole concentre de plus en plus sucreries et laiteries en gros établissements (grande sucrerie à Eppeville) et accroît la transformation des légumes (pois, pommes de terre). D’autres secteurs se développent ou naissent. Dans la métallurgie, la sidérurgie reste rare (Beautor, Montataire), et la fonderie de Thiérache (Guise) survit difficilement, tandis que se multiplie la transformation. Le Vimeu fournit 80 p. 100 des serrures et la moitié des robinets français, mais surtout la Picardie tient une place importante pour les constructions mécaniques allant des accessoires d’autos (Montataire, Beauvais, Amiens), cycles (Saint-Quentin), avions (Albert) aux machines agricoles (Beauvais, Montataire) et de travaux publics (Le Plessis-Belleville) ou à l’appareillage électrique (Amiens, Beauvais, Saint-Quentin, Soissons) ; la Picardie livre ainsi presque tous les embrayages d’autos françaises et beaucoup de freins. La chimie et les matériaux de construction ont un nouveau visage : le verre, né au xviie s. à Saint-Gobain, a gagné toute la Picardie (Thourotte, Rantigny, Soissons, vallée de la Bresle), cimenteries et céramiques longent l’Oise (Origny-Sainte-Benoîte, Pont-Sainte-Maxence), la chimie s’égrène dans la vallée de l’Oise, de Creil à Compiègne, et gagne Beauvais, Saint-Quentin et Amiens ; la Picardie est aussi devenue la deuxième zone caoutchoutière de France (Amiens, Compiègne, Soissons).

Le tertiaire est le point faible avec 39,5 p. 100 des actifs (45 p. 100 en France), mettant la Picardie au quinzième rang régional pour la valeur ajoutée (septième et neuvième rang pour l’agriculture et l’industrie). Cette faiblesse se manifeste par un rayonnement très localisé des grands centres picards (40 km pour Amiens, 30 km pour Saint-Quentin, 25 km pour Beauvais, Laon, Compiègne, Soissons et Abbeville) devant l’emprise de Paris sur le sud et le centre, de Reims sur l’est. Elle se traduit aussi par le faible pourcentage de voitures neuves, de demandes de raccordements téléphoniques, de chiffres d’affaires du commerce de détail, révélant une faiblesse des ressources peut-être en rapport avec un retard encore sensible de la qualification professionnelle, incomplètement effacé par le développement scolaire et universitaire apporté par la création de l’académie d’Amiens (1964) et de l’université de Picardie (1968). La Picardie manque d’un tertiaire moyen et supérieur, qui la quitte, et commence à manquer d’un secondaire qualifié, les campagnes ayant été vidées de leur main-d’œuvre par le récent développement industriel.

Cependant, la Picardie a un atout solide à côté de son agriculture de pointe et de son industrie en essor : sa position sur les voies de communication du Nord de la France. L’autoroute A1 relie Paris à Lille et Bruxelles et doit croiser bientôt l’autoroute Calais-Bâle par Saint-Quentin. L’Oise* et les canaux de Saint-Quentin et du Nord ont près de 10 Mt de trafic, et les projets d’aménagement au gabarit européen (Oise, canal de Saint-Quentin) ou de jonction nouvelle (liaison Seine-Est) accroîtront encore ce rôle de trait d’union de la basse Seine et la Région parisienne vers le nord et l’ensemble rhénan. La même liaison est assurée par le rail avec l’éventail de lignes tendues de Paris vers Calais, Dunkerque, Lille ou Maubeuge et, au-delà, la Grande-Bretagne, l’Europe du Nord ou de l’Est. L’avion relie Beauvais à la région londonienne ; aux portes de la Picardie, Le Touquet et Roissy-en-France apportent des dessertes nouvelles.