Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

phytotron (suite)

Autres types de phytotrons

Les grandes installations, telles que celles de Gif ou de Pasadena par exemple, nécessitent une grosse mise de fonds pour leur construction (plusieurs millions de francs) ; les frais d’exploitation sont aussi fort lourds (charbon, électricité, eau), ainsi que les traitements des divers types de techniciens. Le coût de ces dépenses a été diminué à Canberra (Australie) par l’installation, à l’extérieur des serres, d’unités climatisées de faible taille, où la température est réglée par de petits climatiseurs et l’éclairement par des volets télécommandés dont il est possible de programmer le jeu pour étudier le photopériodisme. Chaque enceinte est autonome, ce qui est une sécurité en cas de panne, car le trouble ne porte que sur une portion de l’expérience en cours, et il est facile de transporter les végétaux dans une autre.

On vend des microphytotrons, petites enceintes dont la régulation est plus précise que celles de Canberra. Certains fabricants les appellent unités phytotroniques ou bien encore armoires climatiques. La climatisation est obtenue par des batteries chaudes et froides, des rampes lumineuses, l’arrosage automatique et des contrôleurs d’humidité. Les régulations sont précises, rigoureuses, et le maniement est assez souple. On a également construit des types de microphytotrons adaptés à la culture des Algues. On y maîtrise la température, l’agitation de l’eau, l’éclairement, le taux d’oxygène de l’eau et des diverses substances minérales que celle-ci contient. On peut rapprocher de ces types d’appareils perfectionnés et très précis de petites enceintes climatisées plus économiques, qui rendent de grands services en horticulture pour l’obtention de fleurs à contre-saison. Leurs régulations sont moins fines, mais suffisantes pour les besoins. On passera vraisemblablement de quelques éléments à de vastes installations, où de nombreuses unités seront groupées ; alors, les prix de revient auront tendance à baisser. Les serres actuelles, qui utilisent quelques-unes des techniques des phytotrons sans en rechercher la très grande précision, fort onéreuse, s’améliorent peu à peu en Autriche, en Grande-Bretagne, etc.


Applications scientifiques et pratiques des phytotrons

La phytotronique a fait des progrès considérables ces dernières années, et les travaux effectués sur le rôle de l’environnement climatique des végétaux ont déjà apporté de nombreux résultats.


Croissance et développement des plantes

À Pasadena, Went a montré que la croissance des tiges de Tomate était, pour une température constante, maximale à 26 °C, mais, si l’on abaisse la température à 17 °C la nuit, il y a alors accélération du phénomène qui a lieu à l’obscurité. La croissance et la production de matière sèche en fonction de la température et de la durée de l’éclairement ont pu être étudiées à Gif... Sur quelques espèces, on a montré le rôle de l’humidité, de la sécheresse ou des vents.

La germination* a fait le sujet de nombreux travaux, et l’on a ainsi pu mettre en évidence que certaines graines sont incapables de germer si elles n’ont pas été préalablement refroidies.


Morphogenèse

L’action du climat sur l’aspect des végétaux est connue depuis longtemps. En cultivant des plantes sur un même substrat dans des conditions climatiques très dissemblables, on arrive à reproduire ces variations et à déterminer pour chaque cas quels sont les facteurs dominants.

Le problème de la différenciation des tissus et de l’apparition des organes reproducteurs est éclairé par des cultures en phytotrons. Le Lierre, par exemple, ne forme des rameaux fertiles — dont les feuilles sont ovales et entières, par opposition aux feuilles pennées des rameaux végétatifs — que si la plante reçoit un éclairement supérieur à 20 p. 100 du plein soleil.


Floraison

On a beaucoup étudié l’induction florale dans de nombreuses espèces : Brome, Courge, Trèfle... On a aussi noté que température et longueur du jour semblent être les deux facteurs qui se combinent pour commander l’apparition des bourgeons floraux, puis le développement des étamines ou du gynécée. Pour certaines espèces (la Tomate par exemple), c’est la température nocturne qui entraîne le phénomène. Pour d’autres, c’est la longueur des jours et des nuits ou les écarts de température.


Physiologie

À partir des expériences, on est amené à rechercher quels sont les déterminismes de la floraison* ou de la croissance*. On tente d’isoler les substances fabriquées par les organes en croissance ou en fructification, puis, en les injectant à d’autres, cultivés dans des conditions telles que la fonction est bloquée, on vérifie l’efficacité du produit isolé.

La physiologie est aussi aidée par le phytotron, qui peut fournir un matériel régulier, obtenu dans les mêmes conditions et ainsi apte à servir à des recherches de pure physiologie : les chloroplastes d’Épinards n’ont pas la même structure ni la même composition lorsqu’ils sont produits sous des éclairements de huit ou de seize heures par jour, et il est nécessaire de travailler sur des matériels identiques, qui permettent des comparaisons.


Pratique horticole

Enfin, c’est dans le domaine des applications pratiques que le rôle du phytotron apparaît le plus nettement. On peut, en effet, résoudre de nombreux problèmes sur les conditions de vie de telle ou telle espèce et, par là, savoir où implanter une culture. Les pharmaciens américains s’adressèrent au professeur Went pour connaître les caractères du Veratrum, qui doit avoir des racines au froid (0 °C) pendant six mois, puis qui doit subir ensuite des alternances de températures de 17 °C le jour à 10 °C la nuit. On fut ainsi en mesure de choisir les localités où il convenait de cultiver cette plante. Connaissant les conditions climatiques d’un lieu, on peut aussi trouver les espèces que l’on y implantera et surtout celles qu’il faut éviter (le Saintpaulia exige des nuits de 24 °C et ne peut être en pleine terre en France). On a découvert également de nouvelles façons culturales : la Tomate a besoin de 22 °C la nuit pour effectuer une belle fructification. Si l’on n’a cette température que le jour, on place un voile noir sur les cultures pendant les heures les plus chaudes de la journée, et l’on obtient une récolte hâtive et abondante.

Le rendement peut être augmenté par accélération de la croissance. En soumettant les Laitues à des nuits longues, on limite la formation de leurs fleurs et les développements de leurs feuilles. Les Betteraves produisent un maximum de sucre accompagné d’un développement important de la racine pour des températures nocturnes de 14 °C.

Il faut donc choisir pour les cultures des régions et des périodes de l’année apportant les conditions requises.

Ainsi, les phytotrons et la phytotronique permettent à la science de progresser rapidement dans la connaissance des effets de l’environnement climatique sur la flore et aussi d’améliorer la pratique horticole à une époque où la productivité des sources alimentaires est essentielle à l’espèce humaine.

J.-M. T. et F. T.

 H. Augier, Phytotrons et phytotronique. La bioclimatologie expérimentale (Centre régional de documentation pédagogique, Marseille, 1972). / Phytotronique et prospective horticole (Gauthier-Villars, 1972).