Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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physique (suite)

L’expression d’une loi ne saurait être définitive : il est possible qu’une méthode plus précise fasse apparaître des différences systématiques entre les résultats obtenus et ceux qui sont prévus par l’énoncé de la loi : la loi de Mariotte n’est plus vérifiée pour les gaz ordinaires au voisinage de leur point de liquéfaction ou sous forte pression ; c’est une loi approchée pour les gaz dans les conditions ordinaires, ou, mieux, une loi limite vérifiée rigoureusement pour un corps idéal, le gaz parfait, vers lequel tendent les gaz réels quand on réduit leur pression.

Une loi est donc une vérité d’origine expérimentale, valable dans un domaine donné, dont on a précisé les frontières.


L’hypothèse

L’étude expérimentale permet assez souvent de construire par voie inductive une hypothèse, c’est-à-dire une explication du phénomène et de sa cause : c’est là une opération créatrice. Cette hypothèse nous amène à faire certaines prédictions, à entreprendre de nouvelles expériences : c’est là une activité déductrice. Expliquer plusieurs faits à l’aide d’une même hypothèse ou toute une série de phénomènes par un ensemble d’hypothèses conduit à une théorie dont les conséquences doivent être soumises à l’expérience. Cette confrontation conduit à une nouvelle théorie, qui peut n’être qu’une modification de la précédente ou, au contraire, entièrement nouvelle.

Donnons un exemple. L’expérience de James Bradley (1727) sur l’aberration de la lumière issue d’une étoile suggère que le milieu intermédiaire, l’éther, est absolument immobile. À partir de la mesure de la vitesse de la lumière dans un courant d’eau, L. Foucault déduit que l’éther se déplace à une vitesse égale à la moitié de celle de l’eau. Enfin, le résultat de l’expérience « cruciale » de A. Michelson peut s’interpréter en admettant que l’éther se déplace intégralement avec la Terre. Les divers résultats obtenus dans ces trois expériences sont incompatibles avec la théorie de l’éther, laquelle dut être abandonnée.

Ainsi, la chaîne « expérience, théorie, expérience, théorie » est une chaîne sans fin qui permet de serrer de plus en plus près le comportement de la matière.


Les principes

Ce sont des hypothèses dont l’énoncé est très simple, émises par généralisation de faits contrôlés, même grossièrement, mais dont nous postulons l’absolue généralité. De ce fait, ils constituent des moyens d’investigation. Tels sont les principes de conservation et de symétrie.

Ainsi, c’est pour satisfaire au principe de la conservation de l’énergie dans la désintégration du neutron (n → p + e + ν) qu’en 1934 Wolfgang Pauli* imagina le neutrino, qui ne fut mis en évidence qu’en 1955.

Un des problèmes de la physique actuelle est la construction d’une classification des particules élémentaires ; a priori, ce tableau doit être indépendant du système de référence. Si ce problème est résolu un jour, il le sera probablement par application des principes de symétrie.


Les modèles

La tendance actuelle de la physique est d’expliquer les phénomènes macroscopiques à partir du comportement d’objets microscopiques qui ne sont pas directement observables et dont l’existence et la nature sont, le plus souvent, découvertes par les effets que ces corpuscules produisent. Dans cette recherche dans l’invisible, nous avons besoin de nous représenter certains aspects d’une situation. Pour mieux comprendre des processus éloignés du niveau de l’expérience courante, le physicien imagine un modèle traduisant une analogie, une similitude. Parmi ces modèles explicatifs et prévisionnels, citons les modèles moléculaires des chimistes. Au fur et à mesure que la science se développe, le modèle se modifie et évolue d’une représentation visuelle à une forme moins figurative, qui peut aller jusqu’à une formule mathématique : l’atome d’hydrogène, après avoir été représenté par une sphère électrisée contenant son électron au centre (atome de J. J. Thomson), a été modélisé successivement par un système planétaire, par un oscillateur mécanique, jusqu’à atteindre la forme de l’équation de E. Schrödinger. Les modèles ne doivent pas être identifiés avec le système lui-même ; ils n’ont pas une valeur universelle et ne représentent le phénomène que dans les limites pour lesquels ils ont été conçus.


L’apport des mathématiques

Le grand rôle des mathématiques tient au fait qu’elles fournissent un système universel de symboles dans tous les domaines : nombres complexes, vecteurs, tenseurs..., grâce auxquels on peut traduire une loi. Les mathématiques apportent aussi une réduction de l’effort de pensée et de raisonnement (usage des nombres complexes dans l’étude des phénomènes périodiques). Elles permettent d’éliminer des erreurs de logique : c’est grâce au calcul différentiel que l’on a pu lever le paradoxe de Zénon, qui prétendait qu’Achille n’atteindrait jamais la tortue partie avant lui. Enfin, les mathématiques accroissent le pouvoir prévisionnel et conduisent à de nouvelles découvertes : c’est en modifiant l’expression du potentiel des forces nucléaires que Yukawa postula l’existence du méson, particule qui fut découverte plus tard dans les rayons cosmiques ; c’est parce que le produit de deux matrices n’est pas toujours commutatif qu’Heisenberg fut conduit aux relations d’incertitude ; c’est, enfin, en considérant que la relation entre l’énergie d’une particule et sa quantité de mouvement, donne pour E non seulement une solution positive, mais aussi une solution négative, difficilement interprétable, que l’on découvrit les antiparticules.

Mais, si, à mesure qu’elle s’affine, toute science devient de plus en plus mathématique dans ses idées, il n’en reste pas moins que le physicien ne doit pas perdre le contact avec la réalité physique et doit interpréter à chaque instant les opérateurs qu’il utilise.