Photios (suite)
Un élément nouveau va envenimer les choses. Le prince bulgare Boris Ier a reçu le baptême en décembre 864 de missionnaires byzantins ; l’empereur Michel III a été son parrain. Mais, en 866, Boris Ier se tourne vers Rome et chasse bientôt de Bulgarie les missionnaires byzantins. Au printemps 867, Photios condamne en synode les « erreurs latines » répandues en Bulgarie ; dans une encyclique aux patriarches orientaux, il demande la convocation d’un concile contre le pape Nicolas, puis le fait déposer et anathématiser. Mais, en septembre 867, Basile Ier le Macédonien, co-empereur depuis l’année précédente, fait assassiner l’empereur Michel ; Photios doit démissionner, et Ignace est rétabli sur son siège au moment même où meurt le pape Nicolas. En juin 869, son successeur, Adrien II, anathématisé Photios en synode romain et fait brûler les actes de l’assemblée de 867. Cette décision est confirmée à Constantinople, au cours de l’hiver 869-70, dans un concile présidé par les légats du pape. Connu sous le nom de « Constantinople IV », ce concile est considéré en Occident, au moins depuis la fin du xie s., comme le VIIIe concile œcuménique en dépit des suspicions dont il sera bientôt l’objet.
Le second patriarcat (877-886)
La situation ne tarde pas, en effet, à évoluer en faveur de Photios. D’abord relégué dans un monastère, il est rappelé à la Cour vers 875 comme précepteur des enfants de Basile. D’autre part, contrairement à ce qu’on avait espéré à Rome, Ignace se montre plus attaché encore que Photios à assurer les droits de Constantinople sur la Bulgarie, que la mission romaine a dû évacuer dès 870. À la fin de 872, le pape Jean VIII succède à Adrien II et se montre favorable à une réconciliation souhaitée par Basile. La mort d’Ignace (23 oct. 877), qui semble, d’ailleurs, s’être réconcilié avec son adversaire, facilite la solution. Photios succède à Ignace avec l’accord de la majorité de l’épiscopat byzantin.
Au début de 879, Basile et Photios sollicitent de Rome un appui pour la restauration de la paix religieuse. Bientôt un synode romain se montre favorable, sous certaines conditions, à la réintégration de Photios. Un concile « Constantinople V » s’ouvre en novembre. Il confirmera le rétablissement de Photios, annulant même le concile de 869, si, du moins, on peut se fier aux textes qui nous ont été conservés et dont l’authenticité est discutée. C’est en particulier le cas en ce qui touche la condamnation de l’incise Filioque (« et du Fils ») dans le texte du Credo de Nicée-Constantinople tel qu’on avait pris l’habitude de le proclamer dans l’Empire franc. Jean VIII approuve les décisions du concile le 13 août 880. Ses successeurs, malgré des réticences de plus en plus formelles, ne semblent pas — quoi qu’on en ait dit longtemps en Occident — avoir rompu la communion avec Photios. Mais, après la mort de l’empereur Basile (août 886), son fils putatif, Léon VI, oblige Photios à démissionner de nouveau pour le remplacer par son propre frère Étienne. Les motifs réels de cette déposition demeurent obscurs. Quoi qu’il en soit, Photios finira ses jours (sans doute vers 891/92) dans un monastère. Au cours de ces dernières années, revenant sur un sujet auquel il avait consacré une partie importante de son encyclique de 867, il développe à l’encontre de la conception, prédominante dans la théologie latine, de l’origine du Saint-Esprit à partir du Père et du Fils (Filioque) une origine « du Père seul, par le fils », durcissant ainsi l’enseignement communément reçu dans les chrétientés grecques depuis les Pères cappadociens du ive s.
Cette divergence théologique ne cessera, par la suite, d’envenimer les controverses entre Grecs et Latins. Il est incontestable que c’est à cette époque, sous des influences multiples et du fait de personnalités aussi affirmées que celles de Photios et de Nicolas Ier, que commencent à s’exacerber les oppositions doctrinales et disciplinaires — notamment sur la nature et le rôle de la primauté romaine — qui conduiront à la rupture entre Rome et Constantinople. Mais, s’il est peut-être exagéré — comme le propose F. Dvornik — de voir en Photios l’« apôtre de l’Union », il est assuré que cette grande figure, complexe et tourmentée, a été longtemps calomniée en Occident, victime pour une part de l’acharnement du parti ignacien, puis de l’utilisation arbitraire qui fut fait de certaines décisions du concile de 869 aux dépens de celui de 879, cependant à tous égards beaucoup plus important dans sa volonté de réconciliation.
H.-I. D.
➙ Schisme d’Orient.
J. A. G. Hergenröther, Photius, Patriarch von Constantinopel (Ratisbonne, 1867-1869 ; 3 vol.). / F. Dvornik, le Schisme de Photius (Éd. du Cerf, 1950).