Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

phosphore (suite)

État naturel

Le phosphore se trouve toujours à l’état combiné : les minerais principaux sont des phosphates et des composés mixtes d’halogénures et de phosphates, tels que l’apatite 3Ca3(PO4)2, CaF2. Le phosphore se trouve aussi dans les tissus des organismes vivants : dans les os frais environ 58 p. 100 ; les graines de céréales en contiennent 0,4 p. 100, les sols ordinaires 0,1 p. 100, et la lithosphère 0,16 p. 100.


Atome

Le phosphore a le numéro atomique 15 et se trouve dans la colonne V B du tableau périodique. L’état fondamental de l’atome a une structure électronique correspondant à 1s2, 2s2, 2p6, 3s2, 3p3. Les cinq premières énergies successives d’ionisation ont pour valeurs respectives en électrons-volts : 11,0 ; 19,7 ; 30,2 ; 51,4 ; 65,1.

Le rayon atomique est de 1,10 Å, et le rayon attribué à un ion P+5 serait de 0,34 Å. La présence de cinq électrons sur la couche externe entraîne une forte attraction du noyau sur ces électrons, et, en conséquence, les liaisons de l’atome du phosphore avec ses proches voisins sont essentiellement des liaisons de covalence. Le phosphore naturel n’est constitué que d’un isotope de nombre de masse 31.


Corps simple

Le phosphore est solide à la température ordinaire. Le phosphore blanc fond à 44,1 °C en donnant un liquide incolore. En présence d’iode ou sous l’action de la lumière, le phosphore blanc se transforme irréversiblement en phosphore rouge, qui fond à 590 °C. Sous fortes pressions, on obtient un phosphore noir. La vapeur de phosphore est formée de molécules tétraédriques P4 qui se dissocient, entre 1 000 et 1 700 °C, en molécules diatomiques, puis, à plus haute température, en atomes libres. Le phosphore est très réactif, et particulièrement le phosphore blanc. L’oxydation du phosphore liquide est rapide, alors que le phosphore rouge ne brûle spontanément à l’air qu’à partir de 250 °C. Le phosphore est donc réducteur. Il réagit aussi avec la plupart des métalloïdes et avec de nombreux métaux. On prépare le phosphore industriellement en chauffant vers 1 500 °C du phosphate de calcium avec de la silice et du carbone.

Le corps simple a quelques usages pour préparer certains dérivés (halogénures, sulfure), et le phosphore rouge sert à la préparation de frottoirs pour allumettes, mais l’usage le plus important est réalisé sous la forme de phosphates qui servent à la constitution d’engrais* phosphatés, d’un très large emploi. Généralement, les phosphates naturels sont traités à cet effet par un acide et transformés en orthophosphates acides (cas des engrais dits « superphosphates ») ou en acides orthophosphoriques, à leur tour convertis en phosphates appropriés à la formation d’engrais riche en éléments fertilisants.

Toxicologie du phosphore

Le phosphore blanc est un produit hautement toxique. La dose mortelle est de 20 à 50 mg pour l’adulte, plus faible pour l’enfant. Le phosphore découple les oxydoréductions phosphorylantes ; il perturbe le métabolisme des graisses et des protéines dans le foie, provoquant stéatose et nécrose hépatiques, accompagnées de lésions plus diffuses : hémorragies digestives, atteinte tubulaire rénale.

Il peut être détecté très précocement dans les vomissements et les liquides digestifs, par phosphorescence du distillat, par réaction avec le nitrate d’argent, provoquant la formation de phosphure.

Les manifestations cliniques essentielles de l’intoxication phosphorée sont l’ictère grave et un collapsus irréversible (chute de la tension artérielle). Une à deux heures après l’intoxication par ingestion apparaissent des nausées, des vomissements, et la mort peut survenir après un coma de vingt-quatre à quarante-huit heures. L’odeur alliacée de l’haleine est assez caractéristique. Dans certains cas, après la phase digestive initiale, apparaissent les signes d’ictère grave, des hémorragies, une prostration, de la photophobie, puis surviennent le collapsus et un coma convulsif. La mort survient habituellement au bout d’une à trois semaines par insuffisance hépatique aiguë, troubles cardio-vasculaires, anurie.

Le contact avec du phosphore enflammé provoque des brûlures très profondes, cicatrisant difficilement (bombe au phosphore).

L’inhalation de vapeurs de phosphore est cause d’œdèmes pulmonaires.

Une intoxication chronique par des traces de phosphore a été observée chez des ouvrières d’allumettes phosphorées (fabrication abandonnée). Elles provoquent des troubles osseux, en particulier des nécroses des os maxillaires au bout de plusieurs années.

Le traitement de l’intoxication par le phosphore est symptomatique : lavage d’estomac et purgation saline. L’antidote classique est le sulfate de cuivre (100 g de solution à 1 p. 100) ou le permanganate de potassium (0,2 g p. 1 000), qu’il est indispensable de retirer après un temps de contact de quelques minutes, grâce à un lavage gastrique prolongé. L’exsanguino-transfusion précoce peut être proposée seulement chez l’enfant pour éviter l’insuffisance hépatique mortelle. Dans certains cas, des tentatives de greffe hépatique ou de circulation croisée ont été proposées, mais sans grand succès, comme traitement de l’insuffisance hépatique consécutive à cette intoxication. Le foie artificiel en est au stade expérimental.

Contrairement au phosphore blanc, le phosphore rouge est peu toxique ; c’est un des exemples les plus classiques où deux variétés allotropes d’un même élément ont des effets biologiques entièrement différents.

E. F.


Principaux composés

On connaît les oxydes P2O3, P2O4 et P2O5. L’oxyde P2O3 est l’anhydride phosphoreux ; en présence d’eau, le tétroxyde P4O10 donne un mélange d’acides phosphoreux et phosphorique. L’anhydride phosphorique P2O5, qui se forme facilement par combustion vive du phosphore, réagit vivement avec l’eau. Il existe divers acides phosphoriques et de nombreux sels de ces acides, les phosphates. Les trois acides phosphoriques principaux sont : l’acide orthophosphorique H3PO4, l’acide pyrophosphorique H4P2O7 et les acides métaphosphoriques (H PO3)n. On connaît des orthophosphates et des polyphosphates. Ceux-ci présentent des enchaînements de tétraèdres d’atomes d’oxygène ayant en leur centre un atome de phosphore. Ces enchaînements se font par mise en commun d’un atome d’oxygène et réalisent des chaînes, des cycles et des réseaux bi- ou tridimensionnels. Il y a des hétéropolyacides et leurs sels. Ainsi, le sel de formule (NH4)3 PO4(MoO3)4, 6 H2O est utilisé pour l’analyse qualitative ou quantitative du phosphore. Il y a aussi des fluorophosphates, tels que BaPO3F, et des thiophosphates, tels que Na3PS4.

On connaît des composés peroxydes, tels que l’acide peroxomonophosphorique H3PO5 et l’acide peroxodiphosphorique H4P2O8.

Il existe un certain nombre d’autres acides et sels oxygénés du phosphore (acides phosphoreux, acide hypophosphorique H4P2O6, acide hypophosphoreux H3PO2).