Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

phonétique (suite)

Phonétique auditive

La perception et l’interprétation des signaux parlés font l’objet d’études approfondies dans différentes voies : l’audiométrie (mesure de l’aptitude à saisir la parole), l’utilisation de l’oreille électronique (qui permet le conditionnement audio-vocal par le filtrage et le renforcement de certains traits acoustiques), l’analyse tomo-acoustique (avec ralentissement et fragmentation de la parole). Ces recherches ont des applications en pathologie : le traitement de la surdité, l’entraînement des sourds-muets à la phonation, le traitement des maladies et de l’imperfection du langage (orthophonie et phoniatrie), l’enseignement de la diction et la correction de la prononciation (orthoépie). L’étude de la perception du son doit tenir compte du phénomène de feed-back, c’est-à-dire du fait que l’auditeur interprète le message à la lumière de sa propre expérience et effectue une sélection dans la matière phonique qui lui est transmise. Le son perçu n’est donc pas exactement celui qui apparaît au physicien, et il semble bien que la matière phonique du langage ait un aspect psychologique aussi bien que physique.

M. G.

 H. A. Gleason, An Introduction to Descriptive Linguistics (New York, 1955, nouv. éd., 1961 ; trad. fr. Introduction à la linguistique, Larousse, 1969). / G. Straka, Album phonétique (Presses de l’université Laval, Québec, 1965). / B. Malmberg, la Phonétique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1966) ; A Manual of Phonetics (Amsterdam, 1968) ; les Domaines de la phonétique (en suédois, Stockholm, 1969 ; trad. fr., P. U. F., 1971) ; Phonétique générale et romane (Mouton, La Haye, 1971). / O. Mettas, Techniques de la phonétique instrumentale et l’intonation (Presses universitaires, Bruxelles et Maloine, 1971).

phonologie

Science qui étudie les sons du langage du point de vue de leur fonction dans le système de communication linguistique.



Phonétique et phonologie

Pendant longtemps, les deux termes ont été employés concurremment pour désigner l’étude des sons du langage. En 1871, E. Littré appelle phonétique l’ensemble des sons d’une langue et phonologie la science de la phonétique. Les néogrammairiens distinguent la phonétique, ou description des sons, de la phonologie, ou étude de l’évolution des sons F. de Saussure* intervertit ces deux sens.

La nécessité d’une distinction entre deux manières d’étudier les sons avait été entrevue par la grammaire indienne ; Patañjali, le commentateur de Pānini, avait différencié le substrat phonique du mot, le sphota ou son signifiant, des réalisations phoniques individuelles de celui-ci. On trouve des traces de cette distinction chez Platon, et la confection de certains alphabets en suppose également l’intuition.

Le développement, au cours du xixe s., de l’étude physique et physiologique des sons, d’une part, et de leur étude historique, d’autre part, fait sentir la nécessité d’une phonétique fonctionnelle. En effet, les méthodes de plus en plus perfectionnées d’observation et de mensuration des sons ont montré qu’un mot n’était jamais prononcé de la même façon : le problème se poserait donc de savoir ce qui permet de le reconnaître à travers la multiplicité de ses réalisations concrètes.

Une distinction entre deux types de phonétique, la psychophonétique (l’actuelle phonologie) et la physiophonétique (la phonétique générale), avait été ébauchée dès 1870 par un linguiste polonais, J. Baudouin de Courtenay.

Mais le départ de la phonologie n’a été possible que par l’application à l’étude des sons des notions qui sont à la base de la linguistique contemporaine : les notions de système et de valeur ainsi que les distinctions langue/parole, synchronie/diachronie, signifié/signifiant, paradigme/syntagme, etc., telles qu’elles ont été dégagées par F. de Saussure dans le Cours de linguistique générale (1916).

Les travaux du cercle linguistique de Prague, fondé en 1926, marquent les débuts de la phonologie. Au Ier Congrès international de phonologie, en 1928 à La Haye, N. Troubetskoï*, R. Jakobson* et S. Kartsevski définissent les tâches de la phonologie. Ce sont à la fois des travaux de phonologie synchronique, étudiant le système des sons d’une langue à un moment donné de son évolution, et des travaux de phonologie diachronique, rendant compte de l’évolution du système des sons d’une langue par sa dynamique interne. Cette deuxième dimension de la phonologie permet ainsi d’intégrer et de reformuler dans une perspective structurale les travaux de phonétique historique.

À peu près dans le même temps, le cercle de Copenhague, avec L. Hjelmslev*, reproche à l’école de Prague son « substantialisme » et lui oppose une formalisation plus poussée de la langue. La terminologie exclut toute référence à la substance concrète de la langue afin de pouvoir s’appliquer à d’hypothétiques systèmes de communication qui ne seraient pas vocaux, tout en ayant une structure semblable à celle des langues naturelles. Aux termes de phonème et de phonologie sont substitués ceux de cénème (unité vide) et de cénématique. La cénématique tend à une algèbre de la langue.

Aux États-Unis, les premières recherches linguistiques menées par E. Sapir* aboutissent à des résultats semblables à ceux de l’école de Prague, mais sont infléchies dans une direction différente par L. Bloomfield* et ses disciples, qui se méfient du « mentalisme » européen et affirment vouloir s’en tenir aux messages effectivement réalisés dans la chaîne parlée.


L’analyse phonématique


Inventaire des phonèmes

L’analyse phonématique est considérée traditionnellement comme la principale tâche de l’analyse phonologique. La première étape en est l’inventaire des phonèmes de la langue étudiée. L’identification des phonèmes peut être réalisée par l’essai de commutation, qui consiste à rapprocher des mots de signifié différent, mais de signifiant identique, à l’exception d’un segment qui varie phonétiquement d’un mot à l’autre. Dans les mots basse et masse, c’est l’initiale qui varie, entraînant un changement de sens. La différence phonétique entre b et m permet de distinguer deux mots différents. Si les deux séquences sont minimales, c’est-à-dire non décomposables dans la successivité temporelle, on peut les considérer comme des unités minimales distinctives, ou phonèmes. La recherche de paires de mots de ce type (paires minimales) dans une langue donnée permet de dégager de nouvelles unités, dont le nombre finit par s’avérer limité (le français en a 36 ; peu de langues en présentent plus de 50). Les phonèmes se combinent dans la successivité temporelle de la chaîne parlée (axe syntagmatique), et chacun, en un point donné, peut commuter avec d’autres (axe paradigmatique). On dit que le phonème est une unité discrète, car sa présence en un point donné exclut tous les autres. Le phonème est composé d’éléments sonores dont certains l’opposent aux autres phonèmes de la langue (traits distinctifs ou pertinents) : /m/ s’oppose à /b/ par le fait que c’est une nasale, à /n/ (masse/nasse) par le fait que c’est une labiale. En général, /m/ est réalisé comme une voisée, mais, comme il n’existe pas en français de nasale labiale non voisée à laquelle /m/ pourrait s’opposer, le voisement est ici un trait non distinctif ou redondant.