Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aristote (suite)

Il ne reste que très peu de fragments des œuvres de jeunesse d’Aristote, destinées à un large public (discours exotériques) : l’Eudème, qui s’interroge sur l’immortalité de l’âme ; le Protreptique, qui critique ceux qui séparent l’étude de la pratique ; le traité De la philosophie ou Du bien, qui marque le moment de rupture avec la philosophie platonicienne et contient déjà une critique de la théorie des Idées.

À la mort d’Alexandre (323), le parti national athénien, encore dirigé par Démosthène, oblige Aristote à quitter la cité ; il se retire à Chalcis, en Eubée, pour y mourir à l’âge de soixante-trois ans (322). Il laisse une fille, appelée Pythias, du nom de sa femme, et un fils, Nicomaque, qui avait reçu le nom du père d’Aristote. Théophraste est son légataire testamentaire. Le Lycée, qui devient alors une association culturelle consacrée aux Muses, connaîtra de nombreuses difficultés. L’enseignement de la philosophie est plusieurs fois (fin du ive s. av. J.-C.) soumis à des interdictions, rapidement rapportées, de la part des hommes politiques, qui lui reprochent notamment son indépendance par rapport à la religion ; Théophraste est inquiété à diverses reprises. Les disciples d’Aristote s’installeront de plus en plus à Alexandrie.

Les écrits « ésotériques » (appelés ainsi parce qu’ils étaient réservés à l’enseignement du Lycée) se répartissent selon cinq groupes.

• L’ensemble des traités qu’Aristote a consacrés à la logique — plus précisément à l’analytique, le terme de logique étant d’usage postérieur — est réuni sous le nom d’Organon (mot grec qui signifie « instrument »). La logique est considérée comme une propédeutique à la science et comprend cinq traités : les Catégories (ce traité, consacré à l’étude du terme et des différents genres de l’être, est un ouvrage élémentaire destiné aux débutants) ; De l’interprétation (sur les propositions) ; les Premiers Analytiques (qui fournissent la théorie générale du syllogisme) ; les Seconds Analytiques (qui établissent la théorie de la démonstration, ou théorie du syllogisme, dont les prémisses sont nécessaires) ; les Topiques (qui proposent la théorie du raisonnement dialectique ou simplement probable ; les prémisses ne sont que des opinions généralement admises) et les Réfutations sophistiques.

Il faut y ajouter la Rhétorique (qui expose la théorie du raisonnement oratoire, dont les prémisses sont choisies pour persuader) et la Poétique.

• La Métaphysique occupe la deuxième classe des écrits ésotériques. Son authenticité, après avoir été contestée par Jean Pic de La Mirandole et Francesco Patrizi à la Renaissance dans le but avoué de miner l’autorité de la scolastique, est certaine. Aristote confia cette œuvre à son plus fidèle disciple, Eudème de Rhodes, qui l’édita pour la première fois. Mais elle resta longtemps négligée, même par les péripatéticiens. Nous en connaissons quatre commentaires grecs : le plus important est celui d’Alexandre d’Aphrodisias (fin du iie s. - début du iiie s.). Les commentaires de l’époque médiévale sont soit arabes (notamment celui d’Averroès*, xiie s.), soit latins (celui d’Albert* le Grand et surtout celui de Thomas* d’Aquin). Notons également le commentaire de Sylvester Maurus au xviie s. Plus proches de nous, Christian Brandis (1790-1867), Emmanuel Bekker (1785-1871), Hermann Bonitz (1818-1888), en Allemagne, et Félix Ravaisson-Mollien (1813-1900), en France, ont renouvelé l’intérêt que l’on porte à la Métaphysique. Le terme de métaphysique ne se rencontre pas chez Aristote lui-même, qui devait dénommer son ouvrage Philosophie première, mais il est utilisé couramment à partir du xiie s. (Averroès) pour signifier la « connaissance rationnelle des choses divines » par opposition aux données de la Révélation.

La Métaphysique se divise en quatorze livres, qui seront désignés ici par les lettres A, a, B, C, D, E, F, G, H, I, K, L, M et N. (La dénomination a, traditionnelle, vient de ce que ce livre n’est manifestement pas à sa place. Son authenticité a toujours été discutée.) On peut légitimement parler de l’unité de la Métaphysique tout en retenant qu’il s’agit de l’unité d’un cours verbalement professé, qui n’exclut donc ni les corrections, ni les répétitions, ni les incohérences. Les livres A, B, C, E, F, G et H forment la base du traité. A, B, C et E constituent une introduction à la « science de l’être en tant qu’être » ; F et G traitent de la substance, et H de la puissance et de l’acte.

D est un simple recueil de termes ; I porte sur l’Un et le Multiple ; dans sa première partie, K est une répétition remaniée de B, C et E, la seconde partie étant composée d’extraits de la Physique. L est le livre central de la Métaphysique, qui, dans sa première partie, insiste sur la nécessité d’une cause efficiente appartenant aux seules substances individuelles, rendant possible la démonstration de l’existence et de la nature du Premier Moteur (objet de la seconde partie). M et N se rapportent à A et B, et approfondissent la critique de la philosophie platonicienne. Le livre a s’interroge sur la possibilité d’une science des premiers principes.

• Dans le troisième groupe se situent les traités consacrés à l’étude de la nature : la Physique, le traité Du ciel, De la génération et de la corruption, les Météorologiques et les Mécaniques (dont l’authenticité n’est pas établie).

• À un autre ensemble se rattachent les ouvrages importants qu’Aristote a consacrés à la biologie : Des parties des animaux, De la génération des animaux (avec les traités Sur la marche des animaux et Sur le mouvement des animaux), De l’histoire des animaux. Il convient d’y rattacher le traité De l’âme, suivi de petits traités : Sensation et sensible, Mémoire et réminiscence, Sommeil, Songes, Divination par les songes, Longueur et brièveté de la vie, Jeunesse et vieillesse, Respiration.