Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Philippe VI de Valois

(1293 - Nogent-le-Roi 1350), roi de France de 1328 à 1350.



L’avènement

Fils de Marguerite de Sicile et de Charles de Valois (frère de Philippe le Bel), il est donc le cousin germain des trois fils de Philippe IV. À la mort du dernier d’entre eux, Charles IV, la reine Jeanne d’Évreux est sur le point de donner le jour à un enfant : la situation est la même qu’en 1316, à la mort de Louis X ; en attendant la naissance de l’enfant, il faut prévoir une régence : une assemblée de prélats et de barons écarte Édouard III*, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle de France, et choisit Philippe de Valois, sans doute en considération de la place éminente qu’avait tenue son père parmi les hauts barons et du rôle de premier plan qu’il avait joué dans les affaires du royaume depuis Philippe le Bel. Le 1er avril 1328, Jeanne d’Évreux accouche d’une fille : conformément aux précédents de 1316 et de 1322 (accession au trône de Charles IV le Bel), celle-ci est écartée du trône, et une nouvelle assemblée proclame roi Philippe de Valois. Un problème restait à régler, celui de la Navarre et de la Champagne : Jeanne, fille de Louis X, et son époux Philippe d’Évreux garderont le royaume de Navarre, Philippe VI conservant la Champagne en échange des comtés de Mortain et d’Angoulême ; mais l’ambiguïté des termes de cet accord explique les revendications ultérieures de Charles II le Mauvais, le fils de Philippe d’Évreux et de Jeanne.

Le nouveau roi, le premier de la branche Valois des Capétiens, n’a pas été épargné par les chroniqueurs, qui lui ont reproché son emportement et la faiblesse de caractère dont il fera preuve dans la dernière partie de son règne ; mais il convient de nuancer ces jugements. Comme tous les Valois, il a le goût des choses de l’esprit, allant jusqu’à se passionner pour les controverses qui se sont élevées au sujet de la « vision béatifique » ; d’une piété profonde et sincère, Philippe est avant tout un chevalier épris de fêtes, joutes et tournois, comme bien des barons de son temps. Il répond avec enthousiasme à l’appel de Jean XXII et se croise en 1332, et, lorsque Benoît XII, comprenant le caractère irréalisable du projet, le relève de son vœu (1336), le roi exprime son chagrin devant l’écroulement de son beau rêve.

Philippe VI met tout en œuvre pour se recommander de la monarchie légendaire de Saint Louis (ordonnances sur la monnaie, contre les hérétiques et les blasphémateurs, retour aux usages du xiiie s. dans la rédaction des diplômes), sans doute pour faire oublier le changement de dynastie, mais aussi par vénération pour son aïeul. On a souvent reproché à Philippe VI d’avoir été dominé par son entourage et ballotté entre les factions rivales qui gravitaient autour du trône ; mais il ne faut pas perdre de vue que le royaume, trop vaste et trop divers, était encore loin d’être unifié autour du roi, et que celui-ci était contraint d’osciller entre les clientèles princières qui reflétaient ces particularismes : c’est ainsi que Philippe VI favorisa au début de son règne l’équipe qui l’entourait avant son avènement, surtout des Normands et des Tourangeaux comme Guillaume de Sainte-Maure, qui devint son chancelier, ou Nicolas Behuchet, un bourgeois du Mans, créé maître des eaux et forêts ; il accueillit aussi l’équipe de son père, maintenant Jean Cherchemont dans ses fonctions de chancelier ; ce « parti de l’Ouest », auquel se rattache Raoul de Brienne, comte d’Eu et futur connétable, fut relayé dans les conseils entre 1333 et 1345 par les gens du Centre et de Bourgogne (les Gayte, les Chauchat de Clermont et surtout des Bourguignons, comme le chancelier Gui Baudet, Miles de Noyers, bouteiller de Bourgogne, qui domine la Chambre des comptes et le Conseil royal, et Hugues d’Arcy, tout-puissant au parlement). Il semble que la première femme de Philippe VI, la « male royne boiteuse », Jeanne de Bourgogne († 1348), ait joué auprès du roi un rôle politique important : très liée avec la cour pontificale d’Avignon, elle est le principal soutien du « parti bourguignon » et c’est à elle que le roi confie le gouvernement du royaume durant son absence en 1338.


Les premières années du règne (1328-1336)

Elles sont brillantes. Le prestige incontestable du roi, souverain du plus beau royaume de la chrétienté, lui permet d’arbitrer les différends qui s’élèvent en Europe occidentale, comme l’avait fait Saint Louis (conflits entre les Génois et le roi d’Aragon, entre l’archevêque de Trèves et celui de Mayence, entre le duc de Brabant et le comte de Flandre, entre le duc de Bourgogne et les nobles du comté de Bourgogne). Il brise par sa victoire de Cassel, le 23 août 1328, la révolte des paysans de la côte flamande et des villes drapantes de Bruges, Ypres, Furnes et Cassel, soulevés contre leur comte, Louis Ier de Nevers, fidèle vassal de Philippe VI ; mais les terribles représailles qui suivent la victoire de Cassel attisent la haine des populations contre le roi. Autre incident lourd de conséquences pour l’avenir, le procès de Robert III d’Artois. Mari de la demi-sœur du roi, Jeanne de Valois, Robert, évincé de la succession d’Artois par sa tante Mathilde (ou Mahaut), espérait pouvoir obtenir réparation à l’avènement de son beau-frère, qui lui avait témoigné sa faveur au début du règne ; mais en butte à l’hostilité du « parti bourguignon », Robert, accusé de tentative d’empoisonnement sur la personne de Mahaut et de sa fille ainsi que d’usage de faux, est condamné par le parlement (mars 1331). En avril 1332, Philippe VI prononce son bannissement et la confiscation de ses biens. Robert, réfugié auprès d’Édouard III, poussera celui-ci à faire valoir ses droits au trône de France et périra à la tête d’une flotte anglaise au siège de Vannes en 1342.


Le temps des épreuves

Celles-ci commencent en 1337 avec le déclenchement de la guerre de Cent Ans, qui a pour origine principale le désir d’Édouard III de se dégager de son lien de vassalité à l’égard du roi de France ; s’il songe à faire valoir ses prétentions à la Couronne, c’est avant tout pour obtenir des avantages dans ses fiefs continentaux et pour rallier ses sujets hésitants ainsi que les Flamands. Les intérêts économiques ont sans doute joué un rôle dans le conflit, la Guyenne étant une source importante pour l’approvisionnement de l’Angleterre en blé et en vin ; quant à la Flandre, qui, au xiiie s., constituait le principal débouché des laines anglaises, elle n’avait plus le même intérêt aux yeux d’Édouard III depuis qu’il s’efforçait de développer une industrie lainière anglaise, mais elle demeurait une précieuse tête de pont pour des opérations militaires sur le continent et un important réservoir d’hommes de guerre pour le roi d’Angleterre. Le caractère féodal du conflit ne saurait faire de doute.