Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Phidias (suite)

Des œuvres originales de Phidias, seules nous sont parvenues les sculptures ornant le Parthénon, et encore sa main n’est-elle pas présente partout. Cette création surhumaine est due à un « atelier » dirigé par le maître, et non à un homme seul. Pour le reste, ce n’est qu’à des copies, de plus ou moins bonne qualité, à des descriptions ou à des interprétations (monnaies, statuettes) que nous devons l’essentiel de nos connaissances sur Phidias. L’Apollon du musée de Kassel, copie antique en marbre d’un bronze remontant à la première partie de la carrière du sculpteur, nous aide à saisir la manière du « faiseur de dieux ». Dans cette figure classique, hiératique, du dieu debout, armé de l’arc et paré du laurier, l’inclinaison de la tête laisse transparaître une humanisation.

Pour que son Athéna Parthénos pût se dresser dans un volume qui fût digne d’elle, Phidias avait demandé à Ictinos, l’architecte du Parthénon, de concevoir une cella plus large et plus haute que de coutume. C’est pourquoi le Parthénon est doté de huit colonnes en façade, au lieu de six. La déesse était représentée debout, vêtue de la longue tunique (peplos), de l’égide, avec en son centre la tête de Méduse, et du casque dont le cimier était porté par un sphinx. Dans sa main droite, Athéna tenait une victoire, haute à elle seule de 1,80 m, et, de la gauche, elle portait la lance et le bouclier, celui-ci s’appuyant contre sa jambe, richement orné de scènes mythologiques peintes et sculptées. Ses sandales aussi étaient décorées de bas-reliefs à thèmes mythologiques. Le plus étrange dans cette statue colossale était le jeu des couleurs et des matériaux : or et polychromie des attributs, blancheur, à peine dissimulée par quelques rehauts de peinture, du visage, des bras, des mains et des pieds (v. W.-H. Schuchardt, « Athena Parthenos », dans Antike Plastik, II, 1963).

Dans sa diversité, le décor du Parthénon forme un tout indissolublement lié à Athéna. Les frontons illustrent deux aspects principaux du mythe de la déesse, celui de sa naissance miraculeuse (fronton est) et celui de sa dispute avec Poséidon pour la possession de l’Attique (fronton ouest). Les métopes de la façade orientale rappellent des épisodes de la guerre qui opposa les dieux de l’Olympe aux Géants, et dans laquelle Athéna joua un rôle important. Au sud et à l’ouest, les thèmes utilisés (Lapithes et Centaures ; Grecs et Amazones) mettent en scène non pas Athéna elle-même, mais son protégé, Thésée, héros « national » athénien. Le côté nord, enfin, nous est le plus mal connu en raison de sa mauvaise conservation. Mais nous savons qu’il évoquait des scènes de la prise de Troie dans lesquelles les héros attiques se distinguèrent particulièrement. Si donc la gloire d’Athéna est chantée par les sculptures des façades extérieures, c’est le culte honorant la déesse tutélaire qui est représenté sur la longue frise continue des murs de la cella. Cette frise illustre la procession solennelle qui, tous les quatre ans, apportait à Athéna, sur l’Acropole, une tunique nouvelle. On y reconnaît toutes les classes de la population athénienne, sages vieillards drapés dans leur manteau, jeunes gens bavardant joyeusement, porteurs d’amphores, cavaliers domptant de fougueuses montures. Les Athéniens, sur la frise, partent de l’angle sud-ouest de la cella et se dirigent en deux théories vers la façade principale, à l’est. Là siégeait l’assemblée des dieux de l’Olympe, prête à recevoir l’offrande de la cité. Ainsi, le mythe et la réalité se trouvaient rassemblés, en une composition grandiose, dans le décor sculpté du Parthénon.

C’est la fouille récente de l’atelier de Phidias à Olympie qui a permis de montrer que la statue chryséléphantine de Zeus avait été réalisée après 438, postérieurement donc à l’inauguration de l’Athéna Parthénos. Zeus, représenté sous les traits d’un auguste vieillard, siégeait sur un trône décoré d’une profusion de figures diverses : victoires, sphinx, statues d’athlètes. Sur les montants du dossier se dressaient les images des Grâces et des Saisons. Curieusement, la représentation du dieu lui-même, en dépit ou peut-être à cause de sa célébrité, nous est presque inconnue dans le détail. Nous savons que Zeus portait une longue barbe, que son manteau recouvrait l’épaule gauche et le bas du corps, qu’il tenait une victoire de la main droite, le sceptre de la main gauche. Peut-être la meilleure description de la statue se résume-t-elle en ce qu’elle fut — et reste — l’archétype de l’image du dieu père.

P. B. D.

➙ Athènes.

 G. Becatti, Problemi fidiaci (Milan, 1951).

Philadelphie

En angl. Philadelphia, ville de la côte atlantique des États-Unis (Pennsylvanie*), quatrième agglomération urbaine de ce pays ; 4 820 000 hab.



Le développement historique

Lorsque William Penn reçut de Charles II en 1681 le territoire qu’il baptisa Pennsylvanie, il s’assigna un objectif : attirer tous les persécutés et construire une « cité de l’amour fraternel », Philadelphie. Il voulut en faire une ville au plan harmonieux et Philadelphie, capitale des quakers, devint l’« Athènes de l’Amérique coloniale » ; jusqu’au début du xixe s., elle demeura la plus importante et la plus raffinée des villes de l’Amérique anglo-saxonne.

Philadelphie a été fondée dans l’interfluve de la confluence de la Delaware et de son affluent, la Schuylkill. Sa fortune provient, d’abord, de sa situation géographique, ensuite de son commerce. Négociants avisés, les quakers exportent vers les Antilles les produits de l’arrière-pays, le blé, le maïs, le chanvre, le lin, les bovins et les porcins, le bois, les produits métallurgiques qui commencent à apparaître. De là, ils reviennent avec du rhum et des mélasses, font du cabotage, trafiquent avec la Grande-Bretagne. Au lendemain de la Révolution, la ville dépasse avec une population de 70 000 habitants toutes ses rivales. En 1793, elle exporte pour 7 millions de dollars, alors que tous les ports de la Nouvelle-Angleterre atteignent à peine le chiffre de 1 700 000, et New York celui de 2 900 000 dollars. Elle est aussi le plus grand centre financier des États-Unis : Robert Morris (1734-1806) y a fondé la Bank of North America en 1781 ; dix ans plus tard, la Première Banque centrale des États-Unis s’y installe, tout comme à partir de 1816 la Deuxième Banque. Métropole des quakers, Philadelphie accueille volontiers les fidèles des autres sectes protestantes. Elle accorde une place de premier plan à la science et à la culture : Benjamin Franklin* y fait prospérer ses journaux et ses almanachs, y fonde la Société philosophique américaine, l’académie qui deviendra l’université de Pennsylvanie et la première bibliothèque publique. Tout naturellement, les colons réunissent à Philadelphie leur Congrès, qui en 1776 proclame l’indépendance ; à l’exception de l’hiver 1777-78, au cours duquel les troupes anglaises occupent la ville, elle est la capitale politique de la Confédération. En 1787, une convention s’y tient et élabore la Constitution fédérale, et jusqu’en 1800 — à l’exclusion d’un court intermède — c’est à Philadelphie que siège le gouvernement des États-Unis. L’Independence Hall avec la cloche de la liberté, le Congress Hall, le Carpenters’ Hall évoquent les principaux moments de la période révolutionnaire ; Elfreth’s Alley rappelle ce que fut la cité au temps de William Penn. Philadelphie résume à elle seule une grande partie de l’histoire coloniale.