Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Phéniciens (suite)

Le mode de sépulture général est l’hypogée. De petits cippes en forme de pilier ou de naos abritant un sacrum, pilier ou « bouteille », les surmontent (Burdj al-Chimālī, Akziv). À la fin de la domination perse, on voit d’imposants monuments funéraires se dresser dans le nécropole d’Amrit, les meghazil, ou fuseaux, en forme soit de cylindres dressés sur des socles ornés de lions et coiffés de coupoles, soit de troncs de cône ou de pyramide. Les tombes royales ont livré de magnifiques sarcophages : cuve couverte de bas-reliefs représentant le roi ou son divin maître recevant des présents (Ahiram de Byblos), sarcophages anthropoïdes venus d’Égypte (Tabnit et Eshmounazar de Sidon), ou de style classique (Sidon), cuves en forme de temple, portant des sculptures (colonnade ionique aux pleureuses, scènes de chasse et de combat de style hellénistique [« sarcophage d’Alexandre », Sidon]).

Des patères en or, en argent ou en bronze, découvertes en Assyrie, à Chypre, en Grèce et en Étrurie, comptent parmi les productions les plus remarquables de l’art phénicien. Elles sont ornées d’un décor couvrant disposé le plus souvent en zones concentriques et gravé ou travaillé au repoussé. Sur les patères de Nimroud (palais de Sargon II, viiie s.), les bandes sont réparties autour d’un médaillon central (défilés d’animaux) et traversées de motifs rayonnants (étoiles). Les patères chypriotes (800-550) représentant des scènes de combat, de chasse et de culte, avec des divinités égyptiennes, des génies de type traditionnel, l’Arbre de Vie et des guerriers grecs. Les patères étrusques (viie s.) portent des décors nilotiques (Préneste).

Tout aussi remarquables sont les appliques de meubles en ivoire, ajourées et sculptées (palais de Nimroud, d’Arslan Tash, de Samarie ; Engómi à Chypre). Les décors rappellent deux des patères avec des motifs égyptisant (déesses ailées, sphinx) et traditionnels (génies, Arbres de Vie, dame à sa fenêtre, animaux), l’influence hittite est souvent sensible dans le rendu des animaux. Des peignes en ivoire étaient gravés (animaux, fleurs de lotus) dans les colonies d’Espagne (Carmona) : un lot de ces peignes a été retrouvé dans le sanctuaire d’Hera à Samos. Colliers à pendentifs, boucles d’oreilles, bracelets et bagues en or ciselé et garnis de grènetis, ouvrés à Chypre et en Espagne (Carambolo, Aliseda...), prouvent la maîtrise des orfèvres phéniciens. D’Espagne également proviennent des œnochoés de bronze pansues ou bicônes, ornées de motifs égyptisants, de palmettes et de serpents (Malaca, Huelva, Niebla...).

Des amphorisques (petits vases en forme d’amphore) en verre opaque zébré de rayures multicolores, de petits masques, des perles ocellées étaient fabriqués par les verriers de Chypre. Les coupes et les flacons irisés recueillis dans les tombes de Sidon justifient l’admiration de Pline pour la verrerie phénicienne. La céramique, médiocre, s’apparente à celle des pays syro-palestiniens : vases à col en bobèche et œnochoés à embouchure trilobée en céramique lustrée rouge, vases bicônes, lampes en forme de coupe à un bec...

La glyptique est bien représentée par de nombreux scarabées de style égyptisant, qui reproduisent les thèmes traditionnels connus par les patères et les ivoires.

C. P.

 S. Moscati, Il Mondo dei Fenici (Milan, 1966 ; trad. fr. l’Épopée des Phéniciens, Fayard, 1971). / V. Karageorghis, Chypre (Nagel, 1968). / Tartessos, Ve Symposium internacional de Prehistoria peninsular (Barcelone, 1969). / A. Parrot, M. H. Chehab et S. Moscati, les Phéniciens (Gallimard, 1975).

phénols

Composés hydroxylés sur un noyau aromatique.


Le phénol ordinaire est le dérivé monohydroxylé du benzène, C6H5OH. D’abord extrait du goudron de houille grâce à sa fonction légèrement acide, il fut appelé acide carbolique, puis acide phénique. Le goudron de houille renferme de nombreux homologues, en particulier les dérivés monométhylés sur le noyau, appelés crésols, et les dérivés diméthylés, appelés xylénols.

Généralement, les phénols sont désignés du nom de l’hydrocarbure aromatique correspondant précédé du préfixe « hydroxy » ; mais les phénols dérivés du naphtalène sont les naphtols.

En dehors de leur présence dans le goudron de houille, des phénols existent dans les huiles essentielles (thymol dans l’essence de thym), mais beaucoup, engagés sous forme d’hétérosides dans le règne végétal, en sont libérés par hydrolyse.

Néanmoins, actuellement, tous les phénols sont préparés synthétiquement, à partir des carbures aromatiques. La synthèse du phénol ordinaire à partir du benzène a employé, successivement, quatre méthodes.
a) La nitration, suivie d’une réduction du nitrobenzène en aniline. Celle-ci est diazotée en milieu sulfurique vers 70 °C :
Φ—NH2 + HNO2 → Φ—N=N—OH → N2 + ΦOH.
b) La sulfonation suivie d’une hydrolyse sodique à 250 °C du benzène-sulfonate de sodium :
Φ—SO3Na + 2 NaOH → Na2SO3 + H2O + ΦONa.
Un courant de gaz carbonique libère le phénol de son sel.
c) La fusion alcaline du chlorobenzène :
ΦCl + 2 NaOH → H2O + NaCl + ΦONa.
d) Un dernier procédé tend à supplanter les autres ; en présence de BF3, le benzène s’unit au propène pour former le cumène :

Le cumène est peroxydé par l’air, et l’hydroperoxyde se décompose par chauffage :

On valorise ainsi, simultanément, le benzène et le propène.

Tous ces procédés sont plus ou moins facilement généralisables à l’obtention des homologues.

L’α-naphtol et le β-naphtol :

résultent de la fusion alcaline des sulfonates correspondants ; en effet, la sulfonation du naphtalène conduit, selon les conditions, à l’un ou l’autre des acides naphtalènes-sulfoniques α ou β.

Le phénol est un solide fondant à 43 °C. Il est miscible à l’eau au-dessus de 70 °C, et partiellement soluble en dessous ; hygroscopique, il forme un hydrate C6H5OH, H2O fondant à 15 °C ; il bout à 185 °C.

La solubilité dans l’eau diminue lorsqu’on passe aux homologues ; les naphtols sont pratiquement insolubles.

Tous les phénols sont solubles dans l’alcool et dans le benzène.

Doués d’une odeur forte, ils possèdent des propriétés antiseptiques, mais les termes simples sont assez corrosifs. Néanmoins, les mélanges phénol-crésols-xylénols, extraits du goudron de houille, ont quelques applications en désinfection et en médecine vétérinaire.

Les phénols sont, thermiquement, assez stables, mais très riches en réactions ; celles-ci peuvent être classées en quatre groupes.