Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Peuls (suite)

Au Fouta-Toro, ils vécurent en contact étroit avec les sédentaires (Ouolofs, Sérères, Toucouleurs) et fournirent plusieurs dynasties, dont les Déniankés. Vers 1500, un des souverains de ces dynasties, Kolia Tenguéla, étendit son autorité sur toute la vallée du Sénégal et vers la haute Gambie. En conflit avec l’empereur du Mali, il ne put se rendre maître du Bambouk, mais réussit du côté du Djolof. Les exactions de ses descendants fortifièrent les positions des Toucouleurs musulmans, qui finirent par triompher en 1776.

Au Fouta-Djalon, les infiltrations s’accentuèrent à partir du xvie s., venant du Boundou (Sénégal) ou du Macina. De pacifiques, elles devinrent guerrières au début du xviiie s. et se firent sous le signe de l’islām. Les autochtones Djalonkés d’ascendance mandingue, furent réduits à l’état de captifs. Karamoko Alfa († 1751) organisa le pays en un royaume théocratique divisé en neuf provinces avec Timbo pour capitale. Une société féodale prit corps. Ibrahima Sori (1751 - v. 1784) fut un des plus célèbres almami. Ensuite les deux grandes familles auxquelles appartenaient les almami se partagèrent le pouvoir à tour de rôle.

Il faut noter que, dans les espaces intermédiaires (Kasso, Wassoulou, Ségou), des Peuls s’installèrent aussi et se métissèrent avec les indigènes allant même jusqu’à adopter leur langue (le malinké).

Au Macina, un royaume d’essence théocratique s’édifia un peu plus tard en 1810. Un bouvier du nom d’Ahmadou Lobo (le futur Cheikhou Ahmadou), disciple fervent de Mahomet, s’imposa à ses concitoyens, auxquels il demanda la conversion à l’islām et l’obéissance en matière temporelle. En 1818, il défit ses rivaux ligués aux Bambaras et, à partir de ce moment, entreprit des guerres qui lui assurèrent la liberté sur les frontières et la possession de Tombouctou, grand centre économique et intellectuel de la boucle du Niger. Organisateur, il construisit sa capitale à Hamdallahi (ou Hamdallaye), d’où il dirigea ses représentants dans les cinq provinces, et surtout il entreprit la sédentarisation des familles, entre lesquelles il partagea les riches pâturages de la zone d’inondation du fleuve. Enfin, il fut le chef religieux de la cité, dont la loi fut conformée à celle de l’islām. À sa mort en 1845, son fils Ahmadou Cheikhou devint son digne successeur. Il n’en alla plus de même après lui en 1853, et le royaume succomba en 1862 sous les coups du rival toucouleur El-Hadj Omar, fondateur, lui aussi, d’un empire théocratique, et Ahmadou Ahmadou, son souverain, fut décapité. Mais les Peuls se révoltèrent, et leur conquérant périt à son tour en 1864, laissant à son neveu Tidjani une situation difficile.

Dans le pays haoussa (Niger et Nigeria septentrional), des Peuls étaient installés depuis le xve s. Ils s’islamisèrent comme les autres au cours du xviiie s. et entrèrent en conflit avec les principautés en place, dont la religion était largement païenne. Le tournant décisif intervint en 1804 avec la révolte du Gober. Ousmane dan Fodio (v. 1754-1817), lettré et prédicateur itinérant, se posa en réformateur, fut acclamé comme commandeur de la foi et engagea la guerre sainte (djihād). Fort de la cohésion de tous les groupes peuls, qui sont aussi d’excellents cavaliers, il bénéficia de la désunion des souverains houssas et parvint à se rendre maître, en dix ans, de toute la région comprise entre Say et Maroua, s’installant puissamment sur les plateaux de ce qui allait devenir l’Adamaoua, exerçant une forte pression sur le Noupé et le Yorouba, où il s’empara des grands centres d’Oyo et d’Ilorin. Il échoua seulement au Bornou, où Mohammed al-Kanemi parvint à se maintenir. Ces événements — liés aussi à ceux d’Arabie avec la réforme wahhābite — eurent les répercussions en chaîne qu’on a vues sur le Macina, mais ils inspirèrent aussi un peu plus tard El-Hadj Omar et Samory (ou Samori) Touré. À la mort d’Ousmane dan Fodio (v. 1817), l’empire fut partagé entre son frère Abdullahi, qui eut la partie occidentale avec Gando, et son fils Mohammed Bello, qui eut la partie orientale, la plus vaste, avec Sokoto.

Les principes de la Charī‘a inspirèrent au départ l’organisation politique, qui comportait un gouvernement central à Sokoto et des émirats à la tête des provinces. Les lettres connurent un grand essor. Le commerce prospéra, ainsi que l’esclavagisme, alimenté par les raids en pays ibo ou sur le plateau de Jos. La corruption ne tarda pas à s’installer. La colonisation anglaise (en 1900) maintint le pays dans l’Indirect Rule et confirma avec les « Northern Territories » l’autorité des Peuls jusqu’à la Bénoué et largement au sud du Niger, jusqu’à son confluent avec celle-ci.

Ainsi le xixe s. aura-t-il été le grand siècle de l’histoire des Peuls. Sans doute, de nombreux petits groupes continueront à mener une vie nomade, marginale, mais les autres seront devenus les maîtres, sédentarisés eux-mêmes, exploitant la force de travail de leurs captifs (les rimaïbé, les matchoubés). La colonisation anglaise et française a donné à ceux-ci la possibilité de se libérer, posant de nombreux problèmes sociaux qui n’ont pas encore tous trouvé leur solution. Les maîtres, de leur côté, étaient, avec l’administration directe française, dépouillés, là où ils l’exerçaient, du pouvoir souverain, et plus ou moins des droits fonciers qu’ils s’étaient constitués. L’indépendance a consolidé cette situation. Cependant, dans les nouvelles nations, beaucoup de Peuls parfaitement intégrés exercent de hautes fonctions à la suite des mandats qu’ils tiennent de collectivités où la notion ethnique joue encore un rôle déterminant.

G. B.

 M. Dupire, l’Organisation sociale des Peuls (Plon, 1970).

Pevsner (les frères)

Nota (Orel 1886 - Paris 1962) et Naoum (Briansk 1890) Borissovitch Pevzner, dits Antoine Pevsner et Naum Gabo, sculpteurs et peintres d’origine russe.