Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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pétrole (suite)

Depuis le début des années 50, l’équilibre du marché est profondément bouleversé par l’apparition de producteurs indépendants, par la multiplication des compagnies nationales, par la politique de plus en plus indépendante des pays producteurs et par le rôle des fournisseurs du monde socialiste. Dès avant la Seconde Guerre mondiale, le Mexique, l’Argentine, le Brésil et la Bolivie avaient nationalisé leurs industries pétrolières. L’expérience avait été généralement peu concluante. La première réussite des pays producteurs, c’est le Venezuela qui l’obtient quand on lui accorde la clause de partage par moitié des bénéfices. Au Moyen-Orient, le vent tourne avec la nationalisation de l’Anglo-Iranian par Mossadegh : à partir de 1951, le poids des producteurs croît donc partout. Un temps, les compagnies peuvent jouer sur la timidité de souverains mal informés ; elles courtisent les émirats de la rive sud du golfe Persique ou encore elles inscrivent leur action au sein de structures coloniales, comme la France en Algérie. Au total, on ne gagne ainsi que quelques années de tranquillité.

Au fur et à mesure que le temps passe, on se rend compte que la part du Moyen-Orient dans les réserves mondiales est prépondérante. La baisse des prix qui résulte des formes nouvelles de la compétition accélère la substitution du pétrole à la houille en Europe et aux États-Unis : la dépendance des grandes puissances industrielles vis-à-vis des fournisseurs du tiers monde s’accentue. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (O. P. E. P.) pèse de plus en plus sur le marché ; ces États obtiennent une part croissante des bénéfices, veillent à ce que les cours ne se dégradent plus, sont prêts à limiter le volume de leurs ventes si cela doit se traduire par des bénéfices plus importants. On comprend du coup l’intérêt que suscite la découverte de champs comme ceux de la mer du Nord ou de l’Alaska.

Au total, à l’heure actuelle, les producteurs du Moyen-Orient, avec en tête l’Arabie Saoudite, l’Iran et le Koweït, fournissent 39 p. 100 de la production mondiale, plus si l’on y ajoute l’Algérie et la Libye (on dépasse alors les 40 p. 100). Le reste de l’Afrique ne comporte qu’un producteur important, le Nigeria. L’Extrême-Orient n’intervient que par deux producteurs moyens, la Chine et l’Indonésie. L’Europe est plus mal partagée encore, puisque la Roumanie est le seul pays dont l’extraction soit importante, mais la mise en valeur des réserves de la mer du Nord va donner d’ici quelques années une importance certaine à la Grande-Bretagne et à la Norvège. L’Amérique latine compte trois producteurs moyens, l’Argentine, le Mexique et la Colombie, et un producteur important, le Venezuela, où l’extraction plafonne depuis une dizaine d’années. C’est un peu ce qu’on observe en Amérique du Nord : les États-Unis assurent 14 p. 100 de la production mondiale, mais leur extraction recule, alors que le poids du Canada augmente régulièrement. L’U. R. S. S. ne connaît pas les mêmes difficultés que les États-Unis : les découvertes du Second-Bakou ont été complétées par celle des très riches bassins de la Sibérie occidentale ; la production soviétique approche du cinquième du total mondial.

La consommation demeure le fait des pays industriels. Comme les États-Unis (jusqu’en 1970 du moins) et surtout l’U. R. S. S. assurent plus ou moins la couverture de leurs besoins, les transports les plus importants sont à destination de l’Europe occidentale et du Japon. Les approvisionnements se font par les ports de la Méditerranée et par ceux du golfe Persique. La fermeture du canal de Suez n’a pas eu les conséquences que l’on aurait pu redouter, car les superpétroliers, qui empruntent la route du Cap, sont très économiques.

La capacité de raffinage est localisée pour près d’un quart aux États-Unis, un huitième en U. R. S. S., plus du quart en Europe occidentale. Le développement de la consommation dans les pays du tiers monde tend à diversifier sans cesse les localisations.

On commence à se demander combien de temps la production pourra se développer au rythme actuel. On évalue les réserves à environ trente ans de production si le niveau ne change pas, vingt seulement si l’on tient compte de la croissance prévisible. On découvrira d’autres ressources, mais les chances pour trouver des réserves aussi accessibles que celles du Moyen-Orient sont nulles : les coûts agmenteront sans doute au fur et à mesure qu’on forera plus profond et qu’on ira plus loin dans l’exploitation des plates-formes continentales. Il est difficile de fixer l’ordre de grandeur du pétrole qu’on peut espérer trouver : les optimistes le situent vers 300 000 Mt, et les pessimistes vers 180 000 Mt ; dans le premier cas, on peut estimer que 80 p. 100 du stock mondial devraient être produits dans les soixante-quatre ans qui vont de 1968 à 2032. La production passerait par un maximum vers l’an 2000 et serait alors de l’ordre de 7 000 ou 8 000 Mt. Dans l’hypothèse pessimiste, 80 p. 100 du stock mondial seraient extraits entre 1961 et 2019, et le maximum serait atteint vers 1990 ou 1995 avec 5 000 Mt.

Les estimations des réserves prouvées (82 Gt) en 1977 donnent 6 p. 100 des réserves à l’Amérique du Nord, 5 p. 100 à l’Amérique latine, 55 p. 100 au Moyen-Orient, 10 p. 100 à l’Afrique, 4 p. 100 à l’Europe, 3 p. 100 à l’Extrême-Orient et 7 p. 100 à l’U. R. S. S. et à la Chine. De telles estimations ont le mérite de souligner le déséquilibre profond dont la gravité apparaît aujourd’hui, entre répartition des réserves et répartition de la consommation.

Aussi, dans tous les pays industriels, on commence à chercher les moyens de réduire la dépendance à l’égard du pétrole et à développer la production d’énergie nucléaire. Cette tendance est accentuée par l’augmentation du prix du brut à la fin de 1973, qui explique, avec la récession, un recul, inédit, de la production en 1975 (2,7 Gt).

P. C.

➙ Énergie.