Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

pétrole (suite)

Le pétrolier géant (supertanker) est de loin le moyen le plus économique pour transporter de l’énergie sous quelque forme qu’elle soit ; il a également l’avantage d’une grande souplesse d’utilisation, toutes les mers du globe étant sillonnées en permanence par une flotte totalisant 175 Mt de capacité, constituée par des milliers d’unités radiocommandées à chaque instant suivant les exigences de la logistique.

Le pipe-line à pétrole brut (oléoduc) est le complément indispensable et parfois le concurrent du navire de haute mer : en effet, il amène l’huile du gisement, situé à une distance plus ou moins grande à l’intérieur des terres, au port d’embarquement, du gisement sous-marin à la côte la plus proche, du gisement directement à la raffinerie ou enfin du port de débarquement à la raffinerie.

En Europe, le ravitaillement de zones industrielles éloignées de la mer exige l’équipement de ports capables de recevoir les superpétroliers de 300 000 et bientôt de 500 000 t de cargaison, des stockages géants pour le déchargement et des pipe-lines à très grande capacité, comme celui de Fos-sur-Mer-Strasbourg (85 Mt par an).


Le raffinage

Le pétrole brut n’est pas directement utilisable, sauf parfois comme combustible, alors qu’on peut le valoriser en le « raffinant » pour en tirer, par centaines, les produits finis et les matières chimiques les plus diverses. Cette fonction est dévolue aux « raffineries », usines de transformation et secteur clé par définition de l’industrie pétrolière, charnière articulant l’activité primaire et extractive avec l’activité tertiaire.

Le terme de raffinage, hérité du xixe s., où l’on se contentait de raffiner du pétrole lampant, recouvre aujourd’hui trois opérations :
— la séparation des produits pétroliers les uns des autres, et notamment la distillation du brut (topping) ;
— l’épuration chimique des produits par des réactifs ou par hydrogénation, et notamment leur désulfuration ;
— la synthèse d’hydrocarbures nobles par des combinaisons nouvelles des atomes de carbone et d’hydrogène, leur déshydrogénation, leur isomérisation ou leur cyclisation, obtenues sous l’effet conjugué de la température, de la pression et de catalyseurs appropriés.

En plus de ces unités de procédés, une raffinerie comprend une centrale thermo-électrique, un parc de réservoirs de stockage, des pomperies d’expédition par pipe-line, un triage pour les wagons-citernes, une gare routière pour le chargement des camions-citernes : c’est donc une usine complexe, fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec des équipes de techniciens prenant leur quart à tour de rôle. Alors que les anciennes raffineries occupaient des centaines et parfois des milliers d’ouvriers à des tâches manuelles, salissantes, voire insalubres, les plus modernes sont dotées maintenant d’automatismes généralisés pour le contrôle et la conduite des procédés, et n’exigent plus qu’un effectif réduit à quelques personnes.

À l’origine, le raffinage se pratiquait directement sur les lieux de production du pétrole, mais on constata assez vite qu’il était plus économique de transporter massivement le brut jusqu’aux zones de grande consommation et de construire les raffineries dans les pays industrialisés, en adaptant leur conception et leur programme de marche aux besoins locaux. Les plus grosses usines, dont la capacité atteint 20 Mt par an, se sont donc développées à côté des grands ports maritimes, mais elles sont complétées par des raffineries dites « intérieures », comme celles de Lyon, de Strasbourg ou de la région parisienne, ravitaillées par pipe-line.


La distribution

On groupe sous ce vocable les opérations finales, mais non les moins délicates, de l’industrie pétrolière, consistant à transporter les produits issus des raffineries, à les stocker dans des dépôts et des points de vente, et enfin à les livrer à la clientèle grâce à un réseau de commercialisation couvrant l’ensemble du territoire. Certains gros clients peuvent être servis « en droiture » des raffineries. C’est ainsi qu’une centrale électrique recevra son fuel-oil directement par pipe-line ou par chalands et convois poussés, mais, en règle générale, la distribution exige un éparpillement des moyens mis en œuvre multiplié par une infinie variété de besoins des clients, et ce non seulement pour les produits eux-mêmes, mais aussi pour les services accessoires à la vente. Dans ces conditions, les investissements et les dépenses opérationnelles de distribution sont beaucoup plus élevés que ceux du raffinage, couvrant, comme ils le font :
— les oléoducs à produits (Le Havre-Paris, Berre-Lyon-Genève) ;
— les caboteurs de haute mer ;
— les transports fluviaux (péniches, chalands, pousseurs) ;
— les dépôts de stockage (près d’un millier en France, totalisant 60 Mm3 de capacité) ;
— les wagons-citernes (15 000 en France) ;
— les camions-citernes, gros porteurs de 35 t ou petits distributeurs de fuel domestique (20 000 en France) ;
— les stations-service (50 000 en France), dont les plus modernes sont de véritables centres commerciaux où l’automobiliste trouve tout ce qu’il lui faut pour sa voiture et de la distraction contre la monotonie de l’autoroute ;
— l’avitaillement des aéronefs (150 t de carburéacteur pour un Boeing « 747 ») par camion spécialisé et par réseau de canalisations enterrées (hydrant system) ;
— le soutage des navires dans tous les ports par barge ou par des lignes de quai reliées au dépôt de fuel-oil ;
— l’emplissage des bouteilles de gaz liquéfié (butane et propane).


La recherche

Une industrie aussi complexe et au développement aussi rapide que celle du pétrole ne peut prospérer et, à long terme, survivre face à la concurrence d’autres formes d’énergie que si elle pratique un effort constant pour approfondir la connaissance scientifique des hydrocarbures et pour innover dans tous les domaines. La recherche fondamentale, surtout à l’Institut français du pétrole, porte sur les propriétés physiques et chimiques du brut et des produits, sur les phénomènes de combustion, d’oxydation ou de comportement extrême. Les méthodes de prospection et l’étude des gisements sont du ressort des spécialistes en paléontologie, en géologie et en géophysique ; de leur côté, les procédés de raffinage font l’objet d’une recherche incessante sur les catalyseurs, la séparation améliorée des produits, l’hydrogénation ou la synthèse chimique à l’aide d’unités pilotes d’échelle semi-industrielle. D’autres investigations portent sur la qualité et les conditions d’utilisation des produits finis, en liaison étroite avec le consommateur, tels les essais « longue durée » de lubrifiants au banc ou sur autodrome. Certaines recherches pétrolières débouchent, parfois fortuitement, sur des domaines entièrement nouveaux ou concernant d’autres industries, comme les plastiques ou la microbiologie.