Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pérugin (le)

En ital. il Perugino, surnom de Pietro Vannucci, peintre italien (Cittá della Pieve, Pérouse, v. 1448 - Fontignano, Pérouse, 1523).


La formation artistique du Pérugin doit autant aux vastes horizons de son pays natal qu’à la tradition ou à l’enseignement de ses prédécesseurs ombriens : Ottaviano Nelli (v. 1370-1446), Benedetto Bonfigli (v. 1420-1496), au mysticisme ingénu, et Fiorenzo di Lorenzo (v. 1445 - av. 1525), plus éclectique. Mais elle n’a pas ignoré le langage savant et plus moderne des Toscans du quattrocento, notamment Verrocchio* et Piero* della Francesca. Quelques ouvrages de jeunesse montrent le Pérugin hésitant encore entre ces tendances, qu’il ne tarda pas à fondre dans un style personnel.

En 1481, Sixte IV appelle le peintre à Rome pour décorer la zone inférieure de la chapelle Sixtine, au Vatican, en collaboration avec Botticelli* et Ghirlandaio*. Des deux fresques commandées au Pérugin subsiste la magnifique Remise des clefs à saint Pierre. On y trouve l’équilibre entre la rigueur florentine et la douceur ombrienne, avec un souci nouveau d’ampleur et d’unité. Les figures sont modelées avec précision, et plusieurs ont permis au peintre d’affirmer un solide talent de portraitiste ; mais leur rôle se définit surtout par rapport à l’ensemble, autrement dit à un espace cohérent dont la profondeur est accusée par la perspective du dallage, comme pour l’arrière-plan, où des architectures d’inspiration classique se détachent sur le fond d’un paysage ample, paisible et lumineux, rappelant les paysages de l’Ombrie.

On voit ensuite le Pérugin partager son activité entre Rome, l’Ombrie et la Toscane. En 1492, il installe son atelier à Florence. La production de cette période comprend surtout des tableaux d’autel, d’un style harmonieux mais déjà un peu monotone, où s’exprime une religiosité plus suave qu’ardente. Avec de nombreuses madones représentées en compagnie de saints, les principaux sont la Vision de saint Bernard (pinacothèque de Munich), la Déposition de Croix des Offices et celle du palais Pitti (Florence), le Saint Sébastien du Louvre, belle étude de nu, le polyptyque peint en 1495 pour San Pietro de Pérouse et aujourd’hui démembré (Ascension au musée de Lyon, Prophètes au musée de Nantes, prédelle au musée de Rouen). Cependant, le Pérugin revient à la fresque avec la décoration commandée en 1495 par les cisterciens de Florence pour leur salle capitulaire à Santa Maria Maddalena Dei Pazzi, peut-être son chef-d’œuvre. Trois baies feintes ouvrent sur un paysage unique, baigné d’air et de lumière, tout en commandant la répartition des figures (Madeleine et Crucifixion, saints).

En 1499, à l’apogée de sa gloire, le Pérugin quitte Florence pour Pérouse. Il y achève en 1500 la décoration à fresque du Collegio del Cambio, commandée en 1496. Inspiré par l’humaniste Francesco Maturanzio, ce cycle exprime l’un des grands rêves de la Renaissance : la réconciliation du paganisme et du christianisme. On y voit les hommes illustres de la Grèce et de Rome voisinant avec les Vertus, les Prophètes et les Sibylles. Des paysages servent de fond à la Nativité et à la Transfiguration ; il s’y ajoute un autoportrait plein de vie. La voûte offre une représentation du firmament dans un décor de grotesques. On trouvera d’autres fresques à Sant’ Onofrio de Florence, à Santa Maria dei Bianchi de Città della Pieve, à Santa Maria delle Lacrime de Trevi. Appelé par Jules II pour la décoration des stanze du Vatican, le Pérugin se verra bientôt supplanté par Raphaël ; il peint cependant à la voûte de la chambre de l’Incendie des médaillons allégoriques où l’on reconnaît l’inspiration du Cambio. Cette activité de fresquiste nous apparaît le meilleur de sa période tardive. Mais le succès lui était assuré plutôt par ses tableaux d’autels, produits en grand nombre avec des aides, dans un style amolli. Le maître devait aussi participer, avec Mantegna* et Lorenzo Costa (v. 1460-1535), au cycle du « studiolo » d’Isabelle d’Este à Mantoue.

Parmi ses nombreux disciples, Lo Spagna et Giannicola di Paolo seront les plus fidèles. Mais il a pour véritable héritier le jeune Raphaël*, à qui il enseigne l’assouplissement des formes, le fondu des couleurs, l’amplification du paysage, par-dessus tout l’ampleur et l’unité de la conception.

B. de M.

 C. Castellaneta et E. Camesasca, L’Opera completa di Perugino (Milan, 1969).

Peruzzi (Baldassare)

Peintre, décorateur et architecte italien (Sienne 1481 - Rome 1536).


En 1503, on le trouve sur le chantier de Saint-Pierre de Rome, sous l’autorité de Bramante*. Peruzzi y deviendra en 1520 l’adjoint d’Antonio da Sangallo* le Jeune et restera jusqu’à sa mort attaché à la basilique — sauf durant les quatre années suivant le sac de Rome, où il se réfugie à Sienne, en restaure les fortifications, orne d’une fresque l’église de la Fontegiusta, etc. Au Vatican, il avait retrouvé son maître le Pinturicchio et son ami le Sodoma ; lorsque l’équipe fut congédiée en 1509 au profit de Raphaël*, il put se consacrer à la réalisation de la villa dont il avait dressé les plans trois ans plus tôt pour le banquier Agostino Chigi. Située sur le Janicule et réunie plus tard à la villa Farnèse — d’où son nom de Farnésine —, cette villa abrite aujourd’hui le cabinet des Estampes et l’Academia dei Lincei. Son plan est toscan, en U comme dans une autre villa Chigi (« alle Volte ») près de Sienne, enserrant le portique de la « salle de Psyché ». Aucune réminiscence des altières façades florentines dans cette gracieuse demeure, où seule la frise du couronnement, grossie à la mesure de l’édifice entier, peut paraître trop contrastée pour la faible saillie des pilastres, du fait de la disparition des sgraffiti, sur la broderie desquels ils se détachaient. Tout ici est équilibre et joie, recherche de perspectives sur les jardins : à l’est vers le Tibre, c’est la « loggia de Galatée », décorée d’admirables nus par Raphaël, et le belvédère ; au sud, vers le mur d’Aurélien et la vigne Farnèse, c’est le grand salon, dit « delle prospettive » pour avoir été orné par Peruzzi de précoces colonnades en trompe l’œil.