Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aride (domaine) (suite)

Le ruissellement

Bien que sporadique, il est très actif. La brutalité des rares averses le favorise, ainsi que la maigreur des sols, la faible densité de la couverture végétale et la raideur des pentes. Diffus dans le haut du versant, il tend à se concentrer vers le bas ; mais, le plus souvent, les débris grossiers qui tapissent les roches meubles au pied des corniches l’en empêchent, et, lors des grosses averses, la base des versants peut être balayée par un ruissellement en nappe.


Le modelé des piémonts et des plaines

Piémonts et plaines sont d’une extrême platitude. Du pied des reliefs qui les dominent brutalement, ils s’inclinent avec des pentes de plus en plus faibles en direction de vastes zones d’épandage parfois occupées par des nappes d’eau plus ou moins temporaires.

Les auteurs américains ont décrit depuis longtemps ces formes dans les régions arides du sud-ouest des États-Unis. Ils y ont défini le pédiment, aplanissement en roche cristalline façonné au pied d’un versant abrupt, auquel il se raccorde par une concavité accusée ou même par un angle net, le knick ; parfois, cet angle est masqué par un cône détritique convexe, la bajada. Plus ou moins loin vers l’aval, le pédiment disparaît sous une surface d’accumulation, la playa. En France, on a pris l’habitude de désigner des formes identiques, mais façonnées en roche sédimentaire tendre, du nom de glacis. Lorsque pédiments et glacis se développent au pied de reliefs où aucun organisme hydrographique concentré ne s’est constitué, ils sont parfaitement plats ; dans le cas contraire, ils sont formés de multiples cônes surbaissés, accolés les uns aux autres, et pénètrent parfois au sein de la montagne en des sortes de golfes (les embayments de la terminologie américaine).

Pédiments et glacis sont des formes d’érosion, tronquant la roche sur laquelle ils sont modelés. Mais, le plus souvent, celle-ci est masquée par une pellicule détritique, parfois discontinue, parfois épaisse de plusieurs mètres. Très hétérométriques, anguleux, peu structurés au voisinage des reliefs, les éléments de ces couvertures tendent vers l’aval à s’amenuiser, à s’émousser et à se disposer en lentilles témoignant d’un certain triage. Leur nature alluviale ne fait donc pas de doute.

La genèse des pédiments et des glacis donne cependant lieu à une vive controverse : pour certains, le pédiment naît du recul des versants parallèlement à eux-mêmes ; la rupture de pente brutale entre le versant et le pédiment s’expliquerait par le fait que la roche se désagrège directement en sable, que le ruissellement peut prendre en charge sur des pentes très faibles. Un tel processus n’est donc concevable que pour des roches sensibles à la désagrégation granulaire. Mais, même dans ce cas, il paraît à bien des auteurs incapable de réaliser un aplanissement parfait ; d’ailleurs, il subsiste souvent à l’avant du versant des aspérités qui ne sont réduites qu’ultérieurement. D’autres insistent sur l’érosion latérale des oueds, qui, arrivant fortement chargés au débouché des montagnes, déposent leurs débris les plus grossiers en des cônes étalés, et divaguent sans pouvoir inciser leur lit mais en sapant leurs berges. Dans cette hypothèse, le glacis se forme par planation latérale, ce qui ne peut se concevoir que dans des roches faiblement résistantes. Une troisième explication fait appel aux écoulements en nappe. Les auteurs américains ont accordé une grande importance au sheet-flood : il s’agit d’un écoulement turbulent qui s’étale au sortir d’une montagne en une lame d’eau épaisse d’une trentaine de centimètres au maximum, s’avançant à grande vitesse, charriant une masse énorme de débris. Le sheet-flood apparaît brusquement après un violent orage, dure quelques minutes et s’épuise rapidement. Mais s’il est capable d’entraîner un matériel grossier, c’est toujours sur une courte distance, et c’est un phénomène rare et toujours limité dans l’espace. D’autres attribuent donc le rôle essentiel au ruissellement diffus, dont les innombrables filets instables finissent par balayer l’ensemble de la surface du glacis ; c’est sans doute un processus beaucoup plus général, mais sa compétence est aussi beaucoup plus limitée.

Finalement, si les divers processus envisagés permettent de comprendre l’ablation en roche tendre, on imagine mal quel processus est susceptible d’aplanir des roches cohérentes. C’est pourquoi nombre d’auteurs pensent que le pédiment est façonné par les processus arides sur une roche préalablement ameublie par une altération biochimique imputable à une phase climatique antérieure plus humide.

Les matériaux, généralement fins, qui transitent sur les glacis et les pédiments, vont s’accumuler dans des dépressions rigoureusement plates, le plus souvent fermées. Dans leur partie la plus basse, elles sont fréquemment occupées par des lacs temporaires, dans lesquels les argiles et limons se décantent et se mêlent aux sels apportés en solution, et qui précipitent par évaporation. Ces cuvettes salines, les garaas et sebkhas d’Afrique du Nord, les kewirs d’Iran, les takyrs d’Asie centrale, les bolsóns, salinas et salars d’Amérique latine, présentent des aspects variés : dans certaines (garaas et takyrs), le sel provenant uniquement des écoulements superficiels n’est pas très abondant et accroît la résistance de l’argile ; lorsque celle-ci se dessèche, il s’y développe des fentes de retrait délimitant des polygones réguliers qui n’offrent pas de prise au vent. Dans d’autres (sebkhas), le lac est essentiellement alimenté par une nappe salée souterraine, dont le niveau oscille en fonction de l’intensité de l’évaporation. Chlorures et sulfates s’y accumulent en abondance sous forme d’efflorescences, de vases ou de croûtes reposant sur des limons et argiles plus ou moins gorgés d’eau et riches en cristaux déliquescents. En période d’assèchement, le sel, en cristallisant, laboure littéralement les argiles, qui deviennent pulvérulentes et très sensibles à la déflation éolienne. La dépression tend donc à se creuser, et les produits de la déflation vont s’accumuler sur la rive sous le vent en des petites dunes en croissant, les dunettes.