Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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personnalité (suite)

La notion de self ou de soi, en psychologie générale, ne se distingue guère de celle de moi dans le sens réfléchi, c’est-à-dire le moi comme objet de connaissance ou de conscience. La notion est beaucoup employée actuellement en rapport avec le self-concept ou le self-percept, c’est-à-dire la conception ou la perception de soi. On désigne par là l’image que le sujet se forme de ses propres opinions, sentiments, capacités et activités en général. Ce concept de soi est très lié à l’image que, selon notre perception, les autres ont de nous-même.

À l’intérieur de l’ensemble de traits différentiels qui constitue toute personnalité, on distingue plusieurs groupes. Il correspondent plus ou moins aux grandes catégories de fonctions que la psychologie générale distingue dans l’activité comportementale : les processus cognitifs (y compris la perception, l’imagination et la mémoire), les processus de réaction motrice et les fonctions affectives et dynamiques. C’est la forme individuelle que prend, chez l’homme, cette dernière composante affectivo-dynamique du comportement que l’on appelle couramment le caractère. L’autre secteur comprend tout ce qui concerne les aptitudes (sensorielles, intellectuelles et motrices). Ce terme aptitude trahit une tendance à considérer la personnalité sous son aspect « performance », aspect qui paraît en effet tellement important parce que — dans notre société au moins — le comportement humain est considéré surtout sous son aspect « rendement » (dans le travail et dans le jeu aussi bien que dans les études). Il convient d’y ajouter un troisième groupe de traits de la personnalité, à savoir les traits physiques, qui constituent surtout l’aspect expressif de l’individu et de son comportement.

Quant aux fonctions physiologiques, elles entrent dans la personnalité, en premier lieu, du fait qu’elles constituent un aspect essentiel de toute activité psychique, qui, dans sa réalité humaine complète, est toujours psychophysiologique, et, en deuxième lieu, comme support organique global qui donne à la conduite sa forme expressive et sa Gestalt concrète, c’est-à-dire la personne telle qu’elle est perçue par les autres.

Sous l’influence de la psychologie américaine, on tend actuellement à réserver le terme personnalité à l’aspect affectivo-dynamique de l’activité psychique d’une personne (c’est-à-dire au caractère). Les aptitudes, et plus spécialement l’intelligence, sont traitées souvent sous des rubriques à part.

Quant aux notions de caractère et de tempérament, il n’existe pas davantage de terminologie uniforme. Il est souhaitable de réserver le terme tempérament à la composante physiologique, en grande partie stable et héréditaire, et aux traits affectivo-dynamiques, alors que le terme caractère désigne plutôt ces mêmes traits tels qu’ils apparaissent dans le phénotype, c’est-à-dire dans l’individu tel qu’il se construit, progressivement, sous l’influence combinée des facteurs héréditaires et de l’action de l’expérience personnelle et du milieu. Le caractère désigne donc les traits affectivo-dynamiques sous leur forme concrète et éventuellement changeante, alors que le tempérament est le squelette, ou le canevas, plus ou moins fixe, qui sous-tend le développement des formes concrètes. Toutefois, il est d’usage d’employer aussi le terme tempérament pour désigner un ensemble de traits phénotypiques que l’on considère comme dépendant essentiellement de la constitution physiologique et de l’hérédité, tels le degré d’émotivité, l’humeur et son degré de stabilité ou d’instabilité, l’activité et son rythme individuel (tempo), etc.

Quant à la notion de traits de personnalité, elle est fondée sur la constance et la consistance qu’on constate à l’intérieur des conduites d’une même personne. En effet, on a tendance à caractériser chaque personne par un ensemble de propriétés ou de « traits » ; ces traits sont des inférences à partir de formes de conduite observées, formes restant plus ou moins constantes à travers plusieurs situations variées. C’est ainsi qu’on observe que Jean se conduit régulièrement d’une façon réfléchie ; Paul réagit d’ordinaire de façon plus impulsive ; les réponses de l’un sont le plus souvent plus intelligentes, etc. Cette constance dans la manière de se conduire forme la base d’après laquelle on attribue à quelqu’un des qualités ou des traits : on arrive ainsi à dire de quelqu’un qu’il est intelligent, impulsif, timide, etc. Cette notion implique que, au-delà des formes momentanées de conduite, il y a des dispositions plus stables qui caractérisent chaque personnalité. La définition courante de personnalité en psychologie est fondée sur ces notions de traits ou de dispositions (W. Stern). Malgré un grand nombre de théories et de conceptions différentes, on peut dire que, souvent, on définit la personnalité comme la structure, ou organisation dynamique, des traits ou dispositions psychophysiologiques d’un individu qui sont à la base de ses conduites.

Une personnalité se caractérise aussi par ses attitudes, qui impliquent un certain contenu d’opinion et d’affectivité à l’égard des événements et situations de notre milieu. Plus que les cadres formels que constituent les traits de la personnalité, le contenu de nos activités psychiques, c’est-à-dire ce que nous pensons, sentons, poursuivons, etc., forme la base de ce qui caractérise le plus profondément chaque individu humain et constitue son intimité.

Parmi les caractéristiques du fonctionnement propre de ce qu’on appelle une personnalité, il convient de mentionner surtout la perception et cognition non seulement du monde des objets et des autres, mais aussi de soi-même comme sujet de cette activité et des autres comme sujets d’activités similaires. Cette dernière fonction peut s’appeler la réciprocité personnelle. En d’autres termes, il ne suffit pas de concevoir une personnalité comme un élément dans un champ d’interactions. C’est-à-dire que la conduite d’une personnalité n’est pas adéquatement décrite en disant qu’elle agit sur les autres éléments du champ et en subit, à son tour, l’influence. En effet, il faut tenir compte du fait que la personnalité entretient avec le monde et avec elle-même une relation d’un type nouveau ; elle perçoit ce monde et les autres et se connaît comme connaissant le monde, c’est-à-dire qu’elle se possède dans un acte cognitif que nous appelons conscience de soi. De plus, elle connaît ou perçoit les autres non seulement comme des stimuli ou des objets qui agissent sur elle, mais comme étant eux aussi des personnes qui la perçoivent elle. Cette forme spéciale de perception réciproque joue un rôle important dans la conduite personnelle et constitue un facteur motivationnel de premier ordre. La personnalité humaine, en effet, est très préoccupée de l’image que les autres personnes reçoivent et se font d’elle.