Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

argiles (suite)

Les roches argileuses

Parmi les roches sédimentaires, les roches argileuses sont les plus fréquentes à la surface de la terre (70 p. 100 environ, en incluant les dépôts océaniques actuels). Toutefois, les roches uniquement formées de minéraux argileux, parfois nommées argilites, sont rares. Deux critères peuvent être utilisés pour préciser la dénomination d’une roche argileuse : sa composition et sa texture.

D’après la composition, on distinguera des roches essentiellement argileuses, des roches constituées par un mélange d’argile et de calcaire, et des roches argilo-sableuses.

La texture peut être homogène ou litée. Ce litage peut avoir deux origines. Il peut être d’origine purement sédimentaire (dépôt de lits successifs dans un lac ou un océan). Notre vocabulaire manque de mots pour désigner ces roches, et le terme anglais de shale est souvent utilisé. Le litage peut d’autre part être dû à des actions mécaniques postérieures au dépôt (compressions lors de la formation de chaînes de montagnes par exemple), et ces roches acquièrent alors une texture feuilletée que l’on qualifie de « schisteuse ».


Naissance, vie et mort des argiles

Comme toutes les roches sédimentaires, les roches argileuses participent à un grand cycle formé par la succession des étapes suivantes : altération et érosion - transport - sédimentation - diagenèse, suivies éventuellement de métamorphisme. (V. roche.)


La naissance des argiles au cours de l’altération

Trois types de processus interviennent.

• Héritage. Les argiles peuvent provenir de l’érosion de roches argileuses préexistantes. Elles résultent également de la fragmentation de minéraux qui, comme les micas et chlorites des roches cristallines, ont des compositions presque identiques à celles des illites et chlorites sédimentaires.

• Transformation. Au cours de l’altération, les phyllosilicates (argiles ou micas) peuvent subir des transformations chimiques, dont l’intensité dépend surtout des conditions climatiques présidant à l’altération. Exemple de séquence de transformation : mica → vermiculite → montmorillonite → kaolinite.

• Néo-formation. D’autres argiles peuvent précipiter sur place à partir des solutions libérées au cours de l’hydrolyse (mise en solution) d’autres minéraux comme les feldspaths, amphiboles, etc.


Transport et sédimentation

En même temps que d’autres particules détritiques (grains de sable par exemple) et que divers sels dissous, les argiles sont ensuite transportées par les cours d’eau, puis déposées dans les bassins de sédimentation. Elles sont parfois véhiculées à de très grandes profondeurs et forment les boues des grands fonds océaniques. Sous l’influence essentiellement du potassium et du magnésium présents dans l’eau de mer, elles subissent parfois diverses transformations (agradations). En même temps, il est probable que d’autres argiles précipitent à partir des produits en solution dans la mer.


Diagenèse et mort des argiles

C’est au cours de la diagenèse que les sédiments meubles, gorgés d’eau, qui se déposent au fond des mers, acquièrent peu à peu l’aspect de roches cohérentes. Par toute une série de transformations, l’immense variété de minéraux argileux présente à la surface de la terre tend à se réduire considérablement. Peu à peu, seules l’illite et la chlorite subsistent. Si la roche est alors soumise au métamorphisme, ces minéraux argileux recristalliseront en micas. Dans les roches métamorphiques, les argiles sont devenues instables par suite de l’augmentation de la pression et de la température du milieu.


Les gisements d’argile pure

Dans les sédiments, il est assez rare de trouver des niveaux d’argile pure (monominérale). Toutefois, il existe des gisements de bentonite comme celui de Camp-Berteau au Maroc. Ce terme de bentonite désigne généralement des argiles du groupe des smectites, et tire son origine du nom du premier gisement découvert dans le Crétacé de Fort Benton (Wyoming, États-Unis). On connaît également des couches et poches de kaolin (Provins, Dordogne, etc.). En dehors des argiles d’origine sédimentaire, certaines sont en relation avec des émanations (vapeur d’eau et autres gaz) de la profondeur. Ces argiles de gîtes hydrothermaux sont souvent très pures ; elles se rencontrent au voisinage de filons traversant des roches éruptives ou métamorphiques. Les grands gisements de kaolin de Bretagne (Plémet, Ploemeur), de bentonite de Lalla Maghnia (Algérie) appartiennent à ce type de gîte.


Les utilisations

L’utilisation des ocres (argiles riches en oxydes de fer), des argiles et roches argileuses pour la poterie, la céramique, la fabrication des briques et tuiles n’est pas nouvelle et remonte à la plus haute antiquité. Les kaolins utilisés pour la confection de la porcelaine sont, en outre, des matériaux réfractaires supportant de fortes températures (1 500 °C) sans s’affaisser, qui servent à la fabrication de briques de four. Les argiles (surtout les montmorillonites) sont également employées dans l’industrie pétrolière (au niveau du raffinage et aussi pour la stabilisation des boues injectées dans les forages), dans l’industrie nucléaire (fixation et stockage de déchets radio-actifs), l’industrie pharmaceutique (utilisation d’attapulgite comme support de médicaments), l’industrie de la papeterie (augmentation de l’opacité des papiers) et naturellement dans celle de la cimenterie (le ciment étant fabriqué à partir d’un mélange de calcaire et d’argile). On remarque ainsi la diversité de l’emploi des argiles.

M. S.

 R. E. Grimm, Clay Mineralogy (New York, 1953). / G. Brown (sous la dir. de), The X Ray Identification and Crystal Structures of Clay Minerals (Londres, 1961). / G. Millot, Géologie des argiles (Masson, 1964).