pèlerinage (suite)
Lui, du moins, savait que ce n’était pas recours « magique » de la part de cette femme : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. » Si, d’ailleurs, la guérison était le but de leur pèlerinage, les milliers de malades qui repartent de Lourdes sans amélioration notable seraient-ils si rayonnants ? C’est leur contact qui a été l’occasion de la conversion d’une Renée Massip, élevée dans les préceptes les plus stricts du laïcisme (cf. son émouvant témoignage dans le Rire de Sara, 1966). Encore moins le pèlerinage est-il une idolâtrie ! Celle que viennent prier les millions de pèlerins à Lourdes, c’est la « Sainte Vierge » ! À qui ferait-on croire que c’est la statue ? Ici encore, le passé nous offre le précédent des sages remontrances que le vieux moine Auger fait à Bernard d’Angers, frais émoulu des écoles de Chartres, très fier de sa jeune science et horrifié devant l’« idole » de sainte Foy à Conques : « On la vénère pour glorifier Dieu », qui a conduit la martyre à cette sainteté.
Au début de l’Annonce faite à Marie, Anne Vercors explique ainsi pourquoi il veut laisser sa famille et partir pour la Terre sainte : « Nous sommes trop heureux. Et les autres pas assez. » On trouve cette même réciprocité, cette « communion des saints » et des services dans l’islām, comme dans le simple « j’irai prier pour vous devant la grotte » des plus humbles pèlerins de Lourdes.
Les pèlerins forment une communauté : « Je ne suis pas seul, poursuit Anne Vercors, les voilà tous en marche avec moi, toutes ces âmes, les uns qui me poussent et les autres qui m’entraînent et les autres qui me tiennent la main. » S’il est une manifestation de masse, n’est-ce pas le pèlerinage ? Là le croyant se sent chez lui, avec une religion qui lui convient, à laquelle il peut participer à pleine gorge et de plein cœur. Où donc, au surplus, trouverait-on une telle égalité, une telle fusion des classes et de tout ce qui, d’ordinaire, sépare les hommes ?
Quant aux fruits du pèlerinage, c’est pour le croyant qui y participe la purification (que recherchent aussi bien les hindous, les musulmans que le « pèlerinage pénitentiel » cher à la chrétienté médiévale), la prière, la foi et la joie. Mais c’est surtout pour lui l’approche symbolique de sa véritable orientation : le pèlerinage éclaire l’exercice de sa vie terrestre en lui rappelant « où il va ».
C. J.-N.
L. de Sivry et M. Champagnac, Dictionnaire géographique, historique, descriptif, archéologique des pèlerinages anciens et modernes et des lieux de dévotion les plus célèbres de l’univers (Migne, 1850-51 ; 2 vol.). / M. Delcourt, les Grands Sanctuaires de la Grèce (P. U. F., 1947). / L. Vasquez de Parcal, J. M. Lacarra et J. Uria, Las peregrinaciones a Santiago de Compostela (Madrid, 1948-49 ; 3 vol.). / B. Kötting, Peregrinatio religiosa. Wallfahrten in der Antike und das Pilgerwesen in der alten Kirche (Ratisbonne et Münster, 1950). / Les Pèlerinages (Éd. du Seuil, 1960). / R. Laurentin, Lourdes, histoire authentique des apparitions (Œuvres de la Grotte, Lourdes, et Lethielleux, 1961-1966 ; 7 vol.). / C. Barthas, Fatima, 1917-1968 (Fatima Éditions, Toulouse, 1969). / R. Laurentin et A. Durand, Pontmain. Histoire authentique (Apostolat des éditions, 1970 ; 3 vol.). / C. Spicq, Vie chrétienne et pérégrination selon le Nouveau Testament (Éd. du Cerf, 1972). / Les Pèlerinages (Geuthner, 1975).