Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

pédologie (suite)

• La végétation, elle-même conditionnée par le climat, exerce une triple influence : lorsqu’elle est suffisamment dense, elle crée au niveau du sol un milieu ombragé qui favorise le maintien de l’humidité et influe sur la décomposition de la matière organique. Par son enracinement plus ou moins profond, ensuite, elle joue un rôle dans le lessivage en prélevant à plus ou moins grande profondeur l’eau dont elle a besoin. Enfin, en fonction des débris végétaux qu’elle fournit ainsi que de la microflore et de la microfaune qu’elle favorise, elle exerce sur l’humus une influence parfois essentielle.

• La nature de la roche mère est surtout sensible dans les sols peu évolués ; elle reste cependant notable dans les horizons inférieurs des sols évolués et elle peut, dans certains cas, être déterminante (andosols). Son action se manifeste de deux façons : par la perméabilité, qui rend le lessivage plus ou moins aisé ; par la composition chimique, particulièrement la teneur en calcium et en magnésium, qui agit sur la vie biologique, laquelle peut, en favorisant une bonne structure, freiner le lessivage.

• La topographie joue un rôle essentiel dans la pédogenèse. L’écoulement des eaux dans le sol est accéléré sur les pentes et tend à se faire obliquement, engendrant des chaînes de sols. Inversement, les zones mal drainées connaissent le phénomène d’hydromorphie, caractérisé par une évolution en milieu réducteur. Mais le relief a aussi d’autres conséquences : plus la pente est forte, plus l’eau tend à ruisseler en surface au détriment des infiltrations. Le lessivage est alors ralenti, et les horizons superficiels tendent à être décapés ; le sol, constamment rajeuni, n’évolue guère. Cela n’est cependant possible que dans les milieux où la couverture végétale ne protège pas efficacement le sol (milieux rhexistasiques de H. Erhart) ; dans les milieux biostasiques, au contraire, l’érosion (s. s.) reste insignifiante et les sols peuvent s’approfondir et évoluer.

• Le facteur temps est également important. Les sols ne se forment que lentement. Les sols jeunes restent largement conditionnés par la roche mère, et ce n’est qu’au bout d’une longue évolution qu’ils sont en équilibre avec le milieu bioclimatique (climax climatique), sauf conditions locales particulières (climax stationnel). Mais plus un sol évolue depuis longtemps, plus il y a de chance qu’il ait été soumis à des conditions bioclimatiques variées en rapport avec les changements de climat. La pédogenèse, particulièrement complexe, superpose alors plusieurs modes d’évolution : ce sont les sols polygéniques.

• L’homme, enfin, perturbe la pédogenèse, aussi bien en modifiant le couvert végétal qu’en travaillant les horizons superficiels du sol.

R. L.

➙ Sol.

 G. W. Robinson, Soils (Londres, 1932 ; 3e éd., 1949). / P. Duchaufour, Précis de pédologie (Masson, 1960 ; 3e éd., 1970) ; l’Évolution des sols. Essai sur la dynamique des profils (Masson, 1968). / G. Aubert et J. Boulaine, la Pédologie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1967 ; 2e éd., 1972). / Y. Dommergues et F. Mangenot, Écologie microbienne du sol (Masson, 1970). / H. Margulis, Pédologie descriptive (Privat, Toulouse, 1973). / J. Boulaine, Géographie des sols, (P. U. F., 1976). / P. Duchaufour, P. Faivre et M. Gury, Atlas écologique des sols du monde (Masson, 1976).

Peel (sir Robert)

Homme d’État anglais (Chamber Hall, Bury, Lancashire, 1788 - Londres 1850).


L’une des grandes figures dirigeantes de l’Angleterre du xixe s., Peel a façonné par son réalisme et sa clairvoyance le conservatisme moderne. Ses dehors hautains cachaient un tempérament vif et passionné, d’une susceptibilité presque maladive. Pleinement conscient de ses capacités, Peel a dominé pendant des années, en particulier entre 1832 et 1850, les hommes du parti conservateur, mais il a rencontré sur sa route l’opposition têtue des tories ultras.

Pour lui, le conservatisme, bien loin de se confondre avec la réaction ou l’immobilisme, était synonyme de mouvement et de hardiesse. Pour « conserver » les institutions et les traditions britanniques, il fallait sans cesse les adapter. L’ouverture aux réformes apparaissait à Peel comme le seul moyen de tenir compte des changements continuels de la société. De là un esprit foncièrement modéré et pratique, soucieux d’éviter les aléas de la démocratie et le chaos de la révolution. Leader pendant quinze ans du parti conservateur, Peel non seulement a introduit le libre-échange, mais a largement contribué à faciliter à la Grande-Bretagne la transition du stade agricole et mercantiliste à la prépondérance industrielle et commerciale.

Il avait hérité d’une des plus grandes fortunes d’Angleterre (avec un revenu de 40 000 livres par an, il se classait au septième rang dans le pays). Son père, sir Robert Peel l’aîné (1750-1830), était un manufacturier qui, parti de presque rien, avait amassé une richesse colossale dans la fabrication des cotonnades et était devenu député. Le jeune Peel, né le 5 février 1788, bénéficie d’une éducation soignée : au collège de Harrow, où il se lie avec Byron, puis à l’université d’Oxford, où il réussit brillamment à la fois en lettres classiques et en mathématiques. Une belle carrière s’ouvre aussitôt devant lui : à vingt et un ans, Peel est nommé sous-secrétaire à la Guerre ; à vingt-quatre ans, en 1812, il accède au poste délicat de ministre délégué pour l’Irlande. Pendant six ans à Dublin, face aux revendications tumultueuses des catholiques, il s’efforce de maintenir l’ordre (il crée un corps de police, le « Royal Irish Constabulary », ou peelers) et acquiert une réputation d’administrateur habile et compétent.

De 1822 à 1827 et de 1828 à 1830, il est ministre de l’Intérieur, d’abord dans le gouvernement Liverpool, puis dans celui de Wellington*. Par une série de réformes, il assouplit, simplifie et humanise le Code pénal. Afin de prévenir la criminalité, il fait voter en 1829 le Metropolitan Police Act, qui institue la police londonienne (d’où le surnom de « bobbies » donné familièrement aux policemen en souvenir du prénom, Robert ou « Bob », de leur fondateur). En 1827, Peel, opposé à toute mesure d’émancipation des catholiques, avait décliné de faire partie du cabinet Canning*, mais en 1829, devant la pression irrésistible de l’agitation conduite en Irlande par O’Connell*, il doit, à contrecœur, se résigner à la loi d’émancipation, ce qui lui vaut de violentes attaques de la part des ultras, qui lui reprochent sa volte-face.