Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Argentine (suite)

Principalement due à l’immigration, la population est d’origine extrêmement diverse. Certes les Italiens et les Espagnols sont les plus nombreux parmi ces immigrants, mais on compte également des Scandinaves, des Allemands, des Français, des habitants du Proche- et du Moyen-Orient. L’assimilation a pourtant été rapide et harmonieuse, et l’on peut dire que l’ensemble de cette population constitue un peuple, le peuple argentin, qui, s’il est divisé profondément pour des raisons politiques et sociales, ne l’est plus du tout par la diversité de ses origines. Beaucoup plus que des communautés de nationalités différentes, ce sont des classes sociales, aux intérêts opposés, qui se heurtent. Il existe, en effet, une aristocratie reposant sur la possession des grandes propriétés foncières ou sur l’activité industrielle, bancaire ou commerciale, et qui pèse d’un poids très lourd dans la vie économique, sociale et politique du pays.


Les activités économiques


Les phases de l’économie argentine

Au milieu du xixe s., l’Argentine était encore un pays presque vide, dont la mise en valeur restait rudimentaire et stagnante. C’est dans la seconde moitié du xixe s. et au début du xxe s. que deux facteurs nouveaux, le développement considérable de la population résultant de l’immigration européenne et la découverte de techniques frigorifiques permettant de transporter la viande, vont faire entrer l’économie dans une première phase de développement, fondée sur la production, en vue de l’exportation, des denrées de l’agriculture et de l’élevage : céréales et bovins de la Pampa, ovins de la Patagonie. Le développement de cette économie tournée vers l’extérieur reste étroitement dépendant de la demande et du commerce international ; c’est pourquoi cette première phase prendra fin lorsque la crise de 1929 freinera la demande extérieure.

Cette crise des exportations va contraindre l’Argentine à ralentir ses importations en biens d’usage et de consommation, et, pour pallier cette carence, à amorcer le démarrage de sa propre industrie. Ce démarrage est précoce, au moins par son ampleur, par rapport aux autres pays de l’Amérique latine. Le développement visant la satisfaction de l’ensemble de la demande intérieure se réalise grâce à des mesures de protectionnisme et grâce à l’importance des investissements fournis par la bourgeoisie. Pourtant, la carence en biens d’équipement constitue une entrave à ce mouvement d’industrialisation. Après la Seconde Guerre mondiale, l’économie entre dans sa troisième phase de développement, caractérisée par l’acquisition, sous l’impulsion des pouvoirs publics, d’industries de biens d’équipement. Ainsi l’Argentine a récemment réussi à installer une sidérurgie non négligeable. Cependant, l’économie reste déséquilibrée ; face à ces tentatives d’industrialisation, l’agriculture demeure stagnante. En effet, hormis la région de Buenos Aires, l’Argentine reste à l’écart d’un mouvement de modernisation agricole qui se heurte principalement à une structure foncière archaïque, fondée sur les latifundia. Malgré leurs efforts, les industries traditionnelles ne trouvent pas de marchés extérieurs ; quant aux industries d’équipement, elles ne subsistent que grâce à l’appui de l’État. Aussi, en réponse à ces problèmes non résolus, l’Argentine est-elle à la recherche d’une stratégie visant à un développement économique équilibré. Ces problèmes économiques sont cependant moins graves que les problèmes sociaux qui résultent des rapports entre les différentes classes, nées de l’organisation spécifique de l’économie, tant dans l’agriculture que dans l’industrie.


L’agriculture

Les terrains véritablement cultivés ne représentent guère que 10 ou 11 p. 100 de l’espace ; 32 p. 100 sont recouverts de bois et de broussailles, non utilisés ; 16 p. 100 sont constitués par des terrains improductifs, montagnes, marécages ou étangs ; 41 p. 100, enfin, doivent être considérés comme le domaine des pâturages naturels, plus ou moins utilisés et, dans certains cas, plus ou moins valorisés par l’homme.

• Les types d’agriculture. En systématisant, on peut distinguer cinq grands types d’agriculture.

Il existe, d’abord, une agriculture qu’on peut qualifier d’intensive, dans la région de Buenos Aires. C’est une agriculture fondée sur diverses cultures maraîchères et fruitières et sur des cultures fourragères destinées à l’élevage laitier. Il s’agit d’un type d’agriculture reposant sur l’association culture-élevage, et dont le caractère moderne et intensif est lié à la proximité de la grande ville. Au-delà, on trouve un type beaucoup plus céréalier, reposant sur la culture du blé. Celle-ci n’est plus souvent une monoculture strictement extensive, mais une culture associée soit à des plantes fourragères, soit à des céréales secondaires, avec rotation des cultures. Vient ensuite un troisième type, qui s’étend sur les régions situées à l’extérieur de l’espace influencé par les grandes villes. C’est le type traditionnel où domine l’élevage extensif, bovin ou ovin selon les régions, resté au stade de la libre pâture, et qui utilise la végétation naturelle. Un quatrième type caractérise les régions chaudes et humides, ou relativement humides, de l’Entre Ríos et du Chaco. Y domine l’exploitation des ressources naturelles, en particulier de l’arbre quebracho, d’où l’on extrait le tanin, et de l’herbe à maté, qui, séchée, permet la préparation d’une boisson. Mais on pratique également dans cette zone l’élevage et la culture du coton sur les terrains irrigables. Dans l’agriculture d’oasis, enfin, on retrouve le caractère intensif propre à toutes les zones irriguées, où l’espace cultivable est limité. Dans les oasis subandines, la vigne domine souvent, mais aussi les vergers, les légumes, les oliveraies, même les luzernières pour un élevage à l’étable.

• Le problème foncier. Il a ses racines dans la division initiale de la terre en très grandes propriétés, les estancias, répartition qui, malgré diverses évolutions et fractionnements, prévaut encore aujourd’hui. L’essentiel du territoire demeure la propriété d’exploitants dont les domaines couvrent plusieurs milliers d’hectares. Ces propriétaires laissent à un régisseur le soin d’organiser le travail et de surveiller les nombreux ouvriers agricoles, les péons. Parfois, ils divisent leur propriété en unités d’exploitation qu’ils confient à des métayers. Ces propriétaires considèrent leur domaine comme une source de revenus devant se renouveler sans qu’ils aient à réinvestir pour améliorer le système de production. Aussi l’agriculture argentine reste-t-elle souvent précaire, archaïque et stagnante.

• Les cultures. Dans le domaine des produits agricoles, le blé reste la production la plus importante. La moitié de la production suffit largement à la consommation intérieure ; le surplus, traditionnellement, est vendu à la Grande-Bretagne ; mais l’Argentine cherche à le vendre aux autres pays de l’Amérique du Sud.

Pendant longtemps, le maïs fut également une production importante. Mais, là encore, la culture reposait en grande partie sur l’exportation : celle-ci étant devenue plus difficile, la production a diminué de moitié. Même après cette forte réduction, l’Argentine doit continuer à vendre à l’extérieur une partie de sa production.