Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pays-Bas (royaume des) (suite)

Autre genre spécifiquement hollandais, le paysage, très différent de la conception flamande inaugurée par Patinir*. Hendrick Avercamp (1585-1634) et Esaias Van de Velde* sont parmi les premiers à s’en tenir à la stricte traduction du motif. Dans des gammes presque monochromes, Jan Van Goyen*, gagné aux larges espaces, y ajoute une note sensible, presque impressionniste. Salomon Van Ruysdael* le suit d’assez près. Son neveu, Jacob Van Ruysdael*, au tempérament plus sombre, aime les sites sauvages, les arbres foudroyés et compose des paysages savamment ordonnés malgré leur climat presque tragique. Son élève, Meindert Hobbema (1638-1709), suit la même voie, sur un mode moins dramatique. Ce sont les deux représentants les plus caractéristiques de ce paysage hollandais dont l’influence se manifestera en différents pays jusqu’au milieu du xixe s. Les paysages animés de personnages ou d’animaux ont des interprètes, tous plus probes artisans que grands artistes : Albert Cuyp (1620-1691), Nicolaes Pietersz, Berchem (1620-1683), Karel Dujardin (v. 1622-1678). Certains sont plutôt des animaliers : Paulus Potter (1625-1654), Philips Wouwerman (1619-1668) et Melchior De Hondecœter (1636-1695). Hercules Seghers* est le seul, avec Rembrandt, à créer un paysage qui soit une évasion de la stricte réalité.

Saenredam*, Gerrit Adriaensz, Berckheyde (1638-1698), Emanuel de Witte (v. 1617-1692) peignent des images de villes ou des intérieurs d’églises. Les peintres de marine s’appliquent à traduire des ciels chargés de nuages et les flots gris de la mer du Nord. Simon de Vlieger (1605-1653) et surtout Jan Van de Cappelle (v. 1626-1679) sont les maîtres du genre ainsi que les frères Adriaan et Willem Van de Velde*, ce dernier se complaisant dans les combats navals qui évoquent une branche de l’architecture, généralement oubliée, dans laquelle la Hollande a toujours excellé : la construction de navires.

En tête des intimistes et des peintres de genre, un grand nom : Johannes Vermeer* de Delft*, évocateur de personnages paisibles dans des intérieurs empreints d’un charme quiet et non moins remarquable paysagiste. Dans une manière semblable, mais avec un moindre pouvoir de transfiguration : Pieter de Hoogh*. Le populaire Jan Steen (1626-1679) retrace en s’amusant des scènes de famille ou de cabaret. Ses confrères Gabriël Metsu (1629-1667), Gerard Dou et Van Ostade traitent les mêmes sujets, la truculence en moins.

Enfin, la nature morte a ses fidèles : Willem Claesz Heda (1594-1680) et Willem Kalf (1619-1693) ont le souci d’une composition bien ordonnée qu’ignorait leur lointain prédécesseur Pieter Aertsen. Beaucoup de peintres se sont adonnés à la gravure, depuis Lucas de Leyde, Goltzius, Hercules Seghers et Willem Pietersz. Buytewech (v. 1592-1624) jusqu’à Rembrandt, qui les écrase tous. Seul, après lui, un Van Ostade mérite quelque attention.

Au xvie s., la sculpture, qui ne fut jamais très brillante, a en outre des iconoclastes. L’architecture au contraire, grâce à la prospérité régnante, connaît un grand essor. Au départ, les architectes, Lieven de Key (v. 1560-1627) en tête, imbus de l’esprit de la Renaissance, lui confèrent un style national. Des pignons à redans couronnent les façades sur lesquelles des bandes de pierre blanche égaient la brique rouge. De nos jours, ce style marque encore le pays. Au xviie s., le goût classique à la Palladio* le supplante dans les édifices publics. L’hôtel de ville d’Amsterdam (l’actuel Palais royal) en est l’illustration la plus fameuse. Appelé par le poète J. Van den Vondel la « huitième merveille du monde », il est dû à Jacob Van Campen (1595-1657), qui, pour les travaux de sculpture, fit appel à l’Anversois Artus Quellinus (1609-1668), le seul sculpteur hollandais de quelque valeur, Hendrick de Keyser, étant mort en 1621. Le fécond Van Campen eut comme continuateur Pieter Post ([1608-1669] ; Mauritshuis de La Haye). Le style classique entama jusqu’aux maisons typiquement hollandaises. Philips Vingboons (v. 1607-1678) remplaça les redans des pignons traditionnels par de longues courbes ornées parfois d’éléments décoratifs.

Ainsi s’achève cette période que les Néerlandais appellent, non sans raison, leur « siècle d’or ».

Au siècle suivant, seule l’architecture demeure intéressante. Le classicisme se maintient, touché parfois par le rococo, notamment dans les œuvres de Daniel Marot (1660-1752), un Français immigré, auteur de nombreuses maisons patriciennes. La peinture connaît une profonde décadence, et les œuvres de Cornelis Troost (1697-1750) ne réussissent pas à donner le change.

Les premières décennies du xixe s. sont tout aussi décevantes. En architecture, comme dans les autres pays de l’Occident, l’académisme règne sans partage, incarné par un retour à la Renaissance hollandaise. Le Rijksmuseum et la gare d’Amsterdam, de Petrus J. H. Cuypers (1827-1921), en fournissent des exemples typiques. L’académisme sévit également en peinture avec quelques pointes romantiques : faut-il citer Ary Scheffer (1795-1858), qui fit toute sa carrière en France ? Il en est de même de Jongkind*. Celui-ci, d’abord romantique, se libère de tout poncif d’école et devient un remarquable paysagiste dont les travaux annoncent l’impressionnisme.


Floraisons et révolutions de l’époque moderne

Le climat change vers 1860 avec l’école dite « de La Haye* » (Haagse school) ; les peintres de ce groupe, essentiellement des paysagistes — Anton Mauve, les trois frères Jacob, Matthijs et Willem Maris ainsi que Jozef Israëls —, finissent, non sans de vives résistances, par imposer leur vision réaliste. Proches d’eux, quelques peintres d’Amsterdam sont surtout attirés par les images de la vie moderne. George Hendrik Breitner (1857-1923), la figure la plus importante de ce groupe, est un coloriste ardent et sensible. Vincent Van Gogh*, génie singulier qui, par l’audace et la violence de sa palette, sera le précurseur des fauves et des expressionnistes, ne trouvera que bien tard audience dans son pays natal. Vers 1900, une nouvelle génération se manifeste avec Jan Toorop (1858-1928), Johan Thorn Prikker (1868-1932) et Floris Verster (1861-1927). Les deux premiers annoncent au départ un goût très vif pour la couleur, mais évoluent ensuite vers un style fortement décoratif, souvent teinté de symbolisme.