Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pays-Bas (royaume des) (suite)

• Les communes. Regroupées dans l’Union des communes néerlandaises, les 842 communes des Pays-Bas sont chacune administrées par un conseil municipal (Gemeenteraad). Formé de 7 à 45 membres élus pour 4 ans, suivant l’importance de la population, ce dernier constitue l’organe suprême de la commune et peut faire tous les règlements qu’il juge utiles pour l’intérêt de celle-ci.

Le collège du bourgmestre et des échevins est chargé de préparer et d’exécuter les décrets du conseil. Nommé par la Couronne pour 6 ans, le bourgmestre préside le conseil municipal et le collège du bourgmestre et des échevins. Il est responsable de l’exécution de leurs décisions et du maintien de l’ordre public dans la commune.

Les échevins sont choisis par le conseil municipal parmi ses membres. De 2 à 6 suivant l’importance de la commune, ils sont élus pour 4 ans et peuvent être révoqués.

La Constitution autorise les provinces et les communes à défendre leurs intérêts et ceux de leurs habitants auprès du souverain et des États généraux. De plus, l’Union des communes néerlandaises s’occupe spécialement de renforcer la position des communes. Enfin, condition indispensable d’une autonomie réelle, provinces et communes disposent d’un budget propre pour une partie de leurs dépenses (Fonds des provinces et Fonds des communes).

• Les wateringues. D’origine très ancienne puisque certaines remontent au xiie s., les wateringues (Waterschapen) sont des organismes de droit public créés et réglementés par les états provinciaux avec l’approbation de la Couronne, pour remplir une mission déterminée. Souvent appelées « filles de la province », elles varient par leur compétence (contrôle du régime des eaux, surveillance des digues ou entretien des routes) et par leur nombre : 2 040 en 1960, 1 500 en 1970. Les wateringues disposent de deux organes pour les aider à remplir leur mission : un « Comité de direction générale » prend les grandes décisions et un « bureau permanent » s’occupe de la direction journalière. Il est intéressant de noter que les wateringues sont un des derniers exemples où survit un droit de vote plural : le droit de vote appartient aux « ingelanden » en fonction de leurs immeubles et de leur participation au financement des charges.


Les institutions judiciaires

Très influencés par le bref épisode napoléonien, les Pays-Bas en ont conservé, outre un droit inspiré du droit français, le système de juges professionnels et indépendants du pouvoir. Le pouvoir judiciaire est confié à des juges de carrière, en principe nommés à vie. Le droit ignore le système du « jury »* ; des non-professionnels peuvent cependant conseiller le juge dans les affaires civiles et administratives, mais non au pénal.

Le pouvoir judiciaire ordinaire est confié à 62 justices de canton (première instance), 19 tribunaux d’arrondissement (première et deuxième instance), 5 cours d’appel et la Cour suprême (Hoge Raad), chargée par la Constitution de garantir l’unité du droit.

Pour les litiges administratifs, la Constitution indique seulement que des juges administratifs peuvent être établis. Cela explique les échecs sur la voie de la création d’une juridiction administrative générale, qui pourrait être le Conseil d’État.

F. S.

 R. Fusilier, les Monarchies parlementaires (Éd. ouvrières, 1960). / G. Geismann, Politische Struktur und Regierungssystem in den Niederlanden (Francfort, 1964).


La littérature des Pays-Bas

Les Pays-Bas occupent la partie septentrionale du territoire linguistique néerlandais, dont en Belgique la Flandre constitue la partie sud. Au cours des siècles se manifestent de légères différences de langue, dues aux influences régionales, dont les lettres bénéficient dans leur ensemble très varié. Politiquement, Nord et Sud furent séparés dès la fin du xvie s. ; un certain éloignement s’ensuivit, mais à présent une étroite collaboration efface peu à peu toute trace de distinction.

Au Moyen Âge, la littérature, inexistante en Hollande, se développe forte et intense, favorisée par le voisinage de la France et par la grande prospérité régnante, dans le Limbourg, la Flandre et le Brabant. Au xvie s. se créent en grand nombre les « chambres de rhétorique », sociétés chargées de l’organisation de concours littéraires et de représentations théâtrales. Elles font leur première apparition un peu plus tard en Hollande. Ouvertes aux problèmes politiques et religieux de l’époque, elles accueillent également les nouveaux courants de l’esprit au xvie s., qui est surtout marqué par la Réforme. Certes, l’humanisme d’Érasme est exprimé en néerlandais par Dirck Volckertszoon Coornhert (1522-1590), qui créera avec le poète Henric Laurens Spieghel (1549-1612) la première grammaire de langue nationale, de même que Jan Van Hout (1542-1609), fervent admirateur des auteurs de la Pléiade, applique les mètres classiques. Mais l’épanouissement total des nouvelles idées est retardé par la guerre de religion et de l’indépendance. Celle-ci inspire les « chants de Gueux », poèmes de résistance, émouvants d’ardeur, parmi lesquels figure le magnifique hymne national des Pays-Bas, d’auteur inconnu.

La chute d’Anvers fait fuir vers la Hollande, libérée en 1609 de l’oppression espagnole, l’élite de la population flamande. Celle-ci participera activement à l’essor de la vie littéraire, qui se concentre à Amsterdam, devenue un port mondial, une capitale dont l’importance s’accroît de jour en jour et où peintres, écrivains et savants donneront un véritable éclat au « siècle d’or ». L’esprit de la Renaissance s’est imposé dans la poésie, qui s’exprime principalement en alexandrins. Le drame prend la forme classique, la prose se raffine. Quatre grands écrivains se révèlent. Gerbrand A. Bredero (1585-1618) débute dans la peinture à Amsterdam et s’intéresse rapidement à la poésie et au théâtre. Dans ses œuvres, le réalisme pétillant s’allie à un sens rare du mouvement et des couleurs, le rapprochant de Jan Steen et d’autres peintres célèbres de son époque. Bredero mourut très jeune des suites d’un accident de traîneau sans avoir pu donner toute la mesure de son talent comique (le Brabançon espagnol, 1617) et lyrique. Pieter Corneliszoon Hooft (1581-1647) naît également à Amsterdam. Fils du bourgmestre de la ville, il reçoit une bonne éducation et sera négociant. Un voyage en France et en Italie en décide autrement. Hooft s’éprend de la Pléiade et de la Renaissance italienne. À son retour, il écrit des sonnets et une pastorale, fait son droit et s’installe dans une demeure moyenâgeuse où il réunit artistes et savants de toutes tendances. Ce « cercle de Muiden » est connu de Descartes, de Grotius, de Vondel et peut être comparé au salon de Mme de Rambouillet. Les œuvres historiques qui intéressent Hooft l’élèvent au premier rang des prosateurs de son siècle. Joost Van den Vondel (1587-1679) habite dès l’âge de neuf ans au cœur de la capitale, dont la vie le passionne et où il défend infatigablement les causes politiques et religieuses qu’il estime justes. À ses débuts, Vondel est intéressé par l’actualité. Hymnes et satires se suivent jusqu’à ce qu’il se tourne vers la scène. En 1637, le premier théâtre de la ville est inauguré avec son drame historique Gijsbreght van Aemstel. La conversion de Vondel au catholicisme contribuera à la naissance de chefs-d’œuvre : Lucifer (1654), Jephté (1659). L’Antiquité, la Bible, l’histoire fournissent les sujets de ses pièces, traitées avec une force et une profondeur qui font de Vondel un écrivain européen. Constantijn Huygens (1596-1687), père du célèbre physicien, parle sept langues. Il est l’homme de confiance de la maison d’Orange et connaît personnellement Corneille, Descartes, John Donne. Musicien et poète, il fréquente le cercle de Muiden. Tout lui réussit : la poésie lyrique, religieuse, précieuse, mais son style est souvent affecté et obscur, victime du courant littéraire à la mode, le marinisme. L’antipode de cette recherche est une farce colorée et crue, Trijntje Cornelis, divertissement réaliste bien hollandais, genre que Bredero et Hooft affectionnent également. Tout différent est Jacob Cats (1577-1660), poète moralisateur dont les ouvrages, truffés de proverbes, de conseils pratiques et de lieux communs, connurent un succès extraordinaire pendant plus de deux siècles. C. Busken Huet, critique averti, dira plus tard à son sujet : « Sa popularité fut une catastrophe nationale. »