Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pays-Bas (suite)

De l’occupation romaine à l’époque carolingienne

Les Pays-Bas sont peuplés par des tribus celtes — Ménapiens, Nerviens, Éburons — ou par des tribus germaniques, dont la plus redoutable migre au ive s. av. J.-C. de Drenthe en Frise — pays qui perpétue son souvenir — et dont l’une des plus célèbres s’établit vers 100 av. J.-C. entre la Meuse et le Rhin dans cette « île des Bataves » qui lui donne son nom. Ils sont pénétrés en 57 av. J.-C. par les forces de César. Celles-ci se stabilisent sur les rives du Vieux Rhin, le long duquel Drusus fait édifier une cinquantaine de portes fortifiées entre le Waal et Lugdunum Batavorum (Leyde), tandis que sur son ordre Domitius Corbulo fait creuser le canal dit « de Corbulo », de 30 km de long, qui unit le Rhin à la Meuse.

Érigés en province de Gaule Belgique entre 16 et 13 av. J.-C., les Pays-Bas restent pourtant une zone d’insécurité en raison de la nature particulière de leur relief et de leur éloignement de Rome. En 27 apr. J.-C., les Bataves se rebellent : ils ne se soumettront à Corbulon qu’au terme de vingt ans de guerre (27-47). Lourdement imposés par Rome, ils se révoltent de nouveau en 69 sous la direction de l’un d’eux, Civilis, finalement vaincu par Petilius Cerealis en 70 apr. J.-C. La domination romaine est facilitée notamment dans le Brabant, assez densément peuplé, par la mise en place d’un réseau routier relativement important dont l’axe essentiel est la voie Cologne-Boulogne par Maastricht et Bavay. Elle se maintient jusqu’au ive s., époque au cours de laquelle les invasions germaniques submergent la contrée, dispersant les premières communautés chrétiennes, constituées au ive s. autour de l’évêché de Tongres, dans le Limbourg, couvert de villae dont la présence témoigne de sa profonde romanisation.

Tandis que les Saxons s’établissent à l’est des futurs Pays-Bas, les Francs en occupent les territoires méridionaux ; ils fondent au cours du ve s. le royaume de Cologne et surtout celui de Tournai, que Childéric et encore plus son fils Clovis dilatent aux dimensions de la Gaule entière.

Les Pays-Bas sont traversés dès le vie s. par une grande route commerciale unissant la Méditerranée à la Scandinavie et franchissant le Rhin en un point où s’édifie bientôt le grand centre commercial de Dorestad (Wijk bij Duurstede), débouché naturel par ailleurs de l’Austrasie, dont la montée s’affirme au viie s. La région devient l’un des principaux terrains de l’expansion franque.

Tandis que Dagobert occupe Utrecht, y bâtit une église et y établit un atelier monétaire, des missionnaires francs — Amand, Éloi, Bavon — reprennent l’œuvre d’évangélisation brutalement interrompue par les invasions. Mais ces missionnaires se heurtent à l’hostilité des Saxons et surtout à celle des Frisons, qui réoccupent le delta du Rhin et de la Meuse entre 650 et 690. Animée par les Pippinides, détenteurs de nombreux fiscs dans la région de Liège, notamment le long de la Meuse (Meerssen) ainsi que dans l’Ardenne forestière et giboyeuse, cette offensive est puissamment secondée par deux missionnaires anglo-saxons : Willibrord, fondateur en 695 ou 696 de l’évêché d’Utrecht, et Boniface, évangélisateur de la Germanie assassiné à Dokkum en 754. Un missionnaire frison, Ludger, premier évêque de Münster, parachève à la fin du viiie s. leur œuvre évangélisatrice, que Charlemagne consolide au début du ixe s. en contraignant par la force les Saxons à accepter et le christianisme et la Pax carolinga.


La Pax carolinga

Établissant en fait sa capitale à Aix-la-Chapelle, possédant de nombreuses résidences aux abords (Cologne, Trèves) et au cœur de la région (tel le Valkhof à Nimègue), l’empereur confie l’administration à des comtes dans le respect des traditions et des coutumes des peuples assujettis, en faveur desquels il fait rédiger la Lex Frisionum et la Lex Saxonum. En même temps, la mise en valeur agricole des Pays-Bas est entreprise activement à l’instigation de l’aristocratie franque et des communautés ecclésiastiques (Saint-Bertin à Saint-Omer, Saint-Bavon à Gand, Stavelot), qui y développent une économie de type domanial.

Quelques rares vies de saints comme la Vita Gregorii, la Vita Liudgeri et la Vita Lebuini antiquissima, quelques trouvailles archéologiques (cimetière de Rhenen et de Wageningen), la localisation des anciens sols labourés grâce à la pédologie, la survivance actuelle de treize des trente-cinq toponymes d’époque romaine, l’abondance relative des noms de lieu en heem, mot qui signifie habitation et qui n’a été en usage qu’entre le vie et le xe s., tous ces faits confirment la relative importance du peuplement des Pays-Bas durant le haut Moyen Âge ; ce peuplement est en continuité directe dans la Drenthe avec celui de l’époque romaine et même préromaine, alors qu’il semble le résultat en Batavie orientale, en Hollande et sans doute aussi en Frise et en Groningue des migrations qui ont mis un terme à la profonde dépression démographique, consécutive dans ces régions à l’élimination de la présence romaine entre le iiie s. et le ve s.

En fait, l’intensité au moins relative du repeuplement de ces trois dernières régions ne s’explique sans doute que par leur importante économique aux confins des mondes carolingien et Scandinave. Là s’épanouit le port de Dorestad, qui échange les fourrures et l’huile de baleine des pays de la Baltique contre le vin rhénan, l’étain de Cornouailles, la laine et les draps frisons. En quête de l’or que l’Occident ne peut plus leur procurer, les Vikings pillent et brûlent tout naturellement dès 834 cette grande place du commerce, qui disparaît définitivement, victime de leurs coups, dans la seconde moitié du ixe s., tandis que le reste des Pays-Bas subit les effets de leurs raids dévastateurs, Walcheren notamment.


Entre la France et l’Empire


La constitution des principautés territoriales

Les Normands, vaincus en 891 près de Louvain par Arnulf de Carinthie, se retirent définitivement des Pays-Bas, dont la résurrection économique se fait autour des centres de Tiel, d’Utrecht et de Deventer, qui, plus heureux que Dorestad, ont survécu aux raids des Vikings, dont ils ont été également victimes.