Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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paysans (suite)

La coopération* joue un grand rôle chez les paysans. Mise en place sous la IIIe République, elle est devenue une institution quasi officielle. Mais la coopération se trouve face à un dilemme redoutable. Trop petite, la coopérative n’atteint pas l’ampleur suffisante pour rémunérer au taux du marché les capitaux investis ; en outre, concurrentielle avec le marché libre, elle a l’obligation de recevoir les produits de ses adhérents, qui, eux, n’ont pas l’obligation de lui fournir toute leur production ; on voit donc trop fréquemment les paysans donner les mauvais produits à la coopérative et garder les bons pour les vendre sur le marché libre.

Trop grande, la coopérative échappe aux coopérateurs ; administrateurs et, plus encore, directeurs font la loi — celle du marché —, et les propriétaires des parts sociales sont sans prises sur les décisions.

D’autres formes de coopération, plus modestes, ont un succès certain : coopératives d’utilisation de matériel en commun, groupements agricoles d’exploitation en commun, etc. Leur réussite tient au petit nombre de personnes concernées : de 3 à 15 semble le chiffre efficace.


Les nouveaux modes de production

Talonnés par la productivité, l’endettement, le vieillissement, les paysans essayent de nouveaux élevages ou des cultures qui puissent parer à l’incertitude des marchés où à l’exiguïté de leurs terres. Ils s’orientent ainsi vers des contrats avec des banques ou des grands trusts agro-alimentaires, qui les poussent à une production de masse sur une petite surface (poulet, porc, veau, légumes), dont la quantité leur assurera de quoi vivre. L’investissement fournit la caution de l’équipement et promet l’achat du produit. Le paysan assure la main-d’œuvre. Mais si la surproduction survient, le paysan cède sa marchandise à bas prix à l’investisseur.

Cette seule perspective laisse le paysan en état d’infériorité pour fixer les prix et le conduit à n’être qu’un sous-traitant de l’investisseur, voire le simple manœuvre d’une machine complexe (un poulailler par exemple) rémunéré aux pièces à un taux faible. Il retombe dans l’incertitude tout en ayant perdu son indépendance.

On peut penser de la sorte que le système de production des biens alimentaires subsistera avec des paysans assez nombreux : les trusts alimentaires et les gros agriculteurs n’ont pas intérêt à accroître l’exode rural ; cette masse de travailleurs, réservoir de main-d’œuvre pour les usines ou producteurs à la merci d’une demande qui leur échappe, liée par les dettes, restera à la terre, docile, sauf de brèves jacqueries. Il est certain que cette situation modifie profondément l’état d’esprit paysan, et différents indices dans l’évolution du syndicalisme agricole, autrefois corporatiste, montrent que les membres de cette couche sociale tendent de plus en plus à se considérer comme des ouvriers et à adopter en conséquence des réactions et des résistances de style industriel.

J. M.

➙ Agriculture / Rural (monde).

 S. Mallet, les Paysans contre le passé (Éd. du Seuil, 1962). / H. Mendras, les Sociétés rurales françaises. Éléments de bibliographie (Fondation nat. des sciences politiques, 1963) ; la Fin des paysans (Sedeis, 1967). / G. Wright, Rural Revolution in France (Stanford, Calif., 1964 ; trad. fr. la Révolution rurale en France, Épi, 1967). / M. Gervais, C. Servolin et J. Weil, Une France sans paysans (Éd. du Seuil, 1965). / P. Boisseau, les Agriculteurs et l’entraide (S. P. E. R., 1968). / J. Duplex (sous la dir. de), Atlas de la France rurale (A. Colin, 1968). / Y. Tavernier, le Syndicalisme paysan (A. Colin, 1969). / B. Lambert, les Paysans dans la lutte des classes (Éd. du Seuil, 1970). / P. Bois, Paysans de l’Ouest (Flammarion, 1971). / H. Mendras et M. Jollivet (sous la dir. de), les Collectivités rurales françaises (A. Colin, 1971). / M. Bodiguel, les Paysans face au progrès (Fondation nat. de sciences politiques, 1975). / H. Mendras, Sociétés paysannes (A. Colin, 1976).

Pays-Bas

Région historique s’étendant approximativement de l’embouchure de l’Ems au nord-est aux collines de l’Artois au sud-est, de la mer du Nord au nord-ouest au plateau du Limbourg et au massif des Ardennes au sud-est.



Introduction

Les Pays-Bas doivent leur nom à la platitude et à la faible altitude de leur relief, dont une fraction importante se trouve à un niveau inférieur à celui de la mer, ayant été reconquise à ses dépens au cours des siècles par l’homme et transformée par lui en polders, en continuelle extension.

En fait, un tel groupe de territoires correspond pour l’essentiel à la moitié septentrionale de l’empire de Charles le Téméraire constitué progressivement depuis la fin du xive s. par ses ancêtres, les ducs Valois de Bourgogne, et augmenté de territoires restés juridiquement indépendants jusqu’en 1795. Incorporé aux domaines des Habsbourg en 1477 par le mariage de Marie de Bourgogne et de Maximilien d’Autriche, cet héritage du Téméraire constitue en 1548 l’élément principal du cercle impérial de Bourgogne, formé des dix-sept provinces sur lesquelles Philippe II d’Espagne exerce sa souveraineté jusqu’en 1579 et qu’étudie François Guichardin (1483-1540) dans sa Description de tous les Pays-Bas, autrement dit de la Germanie inférieure ; ce titre souligne que cette expression géographique englobe alors même certaines contrées rhénanes (autour de Cologne) et bas-allemandes (autour de Münster) dont le destin n’a pas toujours été parallèle à celui des régions situées à l’ouest et au nord de la principauté de Liège.


Genèse des Pays-Bas


Les temps préhistoriques

À cette époque, le Pays-Bas s’étend beaucoup plus à l’ouest qu’au xxe s., ainsi qu’en témoignent les souches d’arbres aujourd’hui recouvertes par la mer, les ruines de Valkenburg près de Katwijk et la médiocre échancrure du lac Flevo, élargie à la fin du xiiie s. dans le vaste Zuiderzee, dont la reconquête par l’homme n’est pas encore totalement achevée. Dans ces régions largement inondées, les hommes construisent de grandes buttes de terre insubmersibles, les terpen, sur lesquelles ils édifient en Frise leurs demeures. Plus à l’est dans la Drenthe, de nombreux monuments funéraires mégalithiques, notamment des dolmens (hunebedden), formés à partir d’éléments morainiques, ont été retrouvés. Les trouvailles de Voorhout permettent de situer vers 1600 av. J.-C. le passage à l’âge du bronze, qui se prolonge sans doute jusque vers 650 av. J.-C., date à laquelle débute l’âge du fer, dont l’apparition coïncide avec la mise en place des champs d’urnes funéraires découverts dans la région de Venlo et d’Eindhoven.