Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Paul VI

(Concesio, Brescia, 1897), pape depuis 1963.



Avant le souverain pontificat

Son père, Giorgio Montini, est très engagé dans les mouvements d’action catholique et dans le journalisme chrétien ; aux côtés de don Luigi Sturzo, il participe à la fondation du parti populaire italien, qu’il représentera à la Chambre italienne.

Élève des jésuites de Brescia, Giovanni Battista Montini est ordonné prêtre le 29 mai 1920 ; puis, durant deux ans, il parfait ses études au séminaire lombard de Rome, à la Grégorienne, à l’université de Rome et à l’Académie des nobles ecclésiastiques. De mai à octobre 1923, il est attaché à la nonciature apostolique de Varsovie ; en 1924, sous Pie XI*, il entre au service de la secrétairerie d’État, dont les trois titulaires successifs seront les cardinaux Gasparri, Pacelli (futur Pie XII*) et Maglione. Il restera trente ans à la secrétairerie d’État, parcourant toutes les étapes de la carrière : aiutante, minutante (1925), substitut de la secrétairerie d’État pour les Affaires ordinaires (1937), enfin prosecrétaire d’État (1952) ; ce dernier poste fait de lui le collaborateur le plus proche de Pie XII, qui, à la mort du cardinal Maglione en 1944, assume lui-même la direction de la secrétairerie d’État. Parallèlement à ce labeur considérable, l’abbé (puis Mgr) Montini se consacre au ministère de la jeunesse étudiante. De 1924 à 1934, il est aumônier du Cercle romain de la Fédération des étudiants universitaires catholiques (FUCI), poste rendu difficile à cause des obstacles posés par le régime fasciste. Afin d’élargir le cercle de son influence, Mgr Montini fonde la revue mensuelle Studium et la maison d’édition du même nom ; lui-même y publie plusieurs ouvrages, dont la Voie du Christ ; il traduit Léonce de Grandmaison et Jacques Maritain, qui marqueront fortement — le second surtout — la spiritualité du futur pape.

Préconisé archevêque de Milan le 1er novembre 1954, il reçoit la consécration épiscopale le 12 décembre ; le 15 décembre 1958, Jean XXIII* l’élève au cardinalat. Les huit années de son épiscopat sont marquées par un travail intense ; l’archevêque de Milan visite la presque totalité des 912 paroisses d’un diocèse fortement orienté à gauche et où les immigrés du Sud italien arrivent par centaines de milliers. Il organise en 1956 la « grande mission » de Milan ; lui-même parle partout, dans les usines, les casernes. On l’appellera bientôt l’« archevêque des travailleurs ».

Au cours du deuxième concile du Vatican, le cardinal Montini intervient d’une manière décisive lors du débat sur le schéma de l’Église. Le 3 juin 1963, il assiste à l’agonie de Jean XXIII, qui, avant de mourir, lui recommande « la destinée de l’Église et du concile ». Le 21 juin 1963, le cardinal Montini est élu pape ; il prend le nom de Paul VI ; le 22 juin, il adresse son premier message urbi et orbi ; le 30 juin, il est couronné sur le parvis de Saint-Pierre.


Un pape écartelé

Ce qui semble caractériser le nouveau pape, c’est une tension incessamment surmontée, une hantise pastorale ressentie jusqu’à la souffrance, et cela d’autant plus que le monde auquel s’adresse Paul VI et l’Église elle-même sont profondément bouleversés par une crise majeure de la civilisation. Avec un tempérament différent, Paul VI approfondit l’œuvre de réformation de son prédécesseur. C’est sous son pontificat que se déroulent les trois dernières sessions de Vatican II* (1962-1965) ; mais le pape en prolonge singulièrement la portée par la création de toute une série d’organismes : Conseil pour l’application de la Constitution sur la liturgie (1964), Conseil pour les communications sociales (1964), Secrétariat pour les non-chrétiens (1964). Le prolongement le plus important de Vatican II est le Synode épiscopal, dont la première session a lieu à Rome en 1967 (les trois autres en 1969, en 1971 et en 1974) ; l’expression Église-communion trouve là sa pleine application. De la réforme du droit canonique au statut du prêtre, de la refonte des séminaires à la crise de la foi, tous les problèmes brûlants sont débattus à la lumière des expériences locales.

Paul VI met en place un nouveau diaconat, pousse la réforme liturgique (généralisation de la langue véhiculaire, simplification et approfondissement des rites) et celle du calendrier. Il amorce et poursuit la réforme de la curie (1967), y introduisant un minimum d’architecture organique, limitant les pouvoirs curiaux, mettant fin au carriérisme (limite d’âge fixée aux titulaires), internationalisant le recrutement des congrégations comme celui du Sacré Collège, associant de plus en plus les évêques du monde entier au gouvernement de l’Église. La nomination d’un Français, le cardinal Jean Villot, au poste de secrétaire d’État (1969) est, de ce point de vue, symptomatique. D’autre part sont largement simplifiés le décorum pontifical (suppression de la tiare, dissolution de la plupart des corps militaires du Vatican...) et le décorum cardinalice (suppression du chapeau).

Sous Paul VI, l’œcuménisme devient un souci permanent et grandissant de l’Église romaine. Les rencontres se multiplient ; les deux plus spectaculaires ont lieu l’une en janvier 1964, à Jérusalem, quand Paul VI et le patriarche Athênagoras se donnent publiquement le baiser de réconciliation et l’autre en juin 1969, à Genève, quand le pape est reçu par le Conseil œcuménique des Églises. Rompant avec la tradition séculaire de la papauté, Paul VI se rend plusieurs fois sur des points du globe très éloignés de Rome : en Inde (1964), à Fátima et en Turquie (1967), en Colombie (1968), en Ouganda (1969), aux Philippines et en Australie (1970). Le 5 octobre 1965, le pape est au siège des Nations unies, à New York, pour y supplier les hommes, par l’intermédiaire de leurs représentants, de renoncer définitivement à la guerre.

Les encycliques de Paul VI se situent généralement dans un contexte plus traditionnel, le pape ne se croyant pas autorisé à transiger avec l’enseignement de l’Église au profit d’engouements qui lui semblent dangereux. Ecclesiam suam (1964) insiste sur la sainteté de l’Église, Mysterium fidei (1965) sur la Présence réelle dans l’eucharistie, Sacerdotalis caelibatus (1967) sur la haute valeur du célibat ecclésiastique. Quant à l’encyclique Humanae vitae (1968), qui invite les fidèles et les hommes de bonne volonté à se hisser au niveau d’un de leurs plus grands devoirs, celui de transmettre et de protéger la vie, elle provoque d’importantes et contradictoires réactions, les milieux progressistes et non catholiques considérant généralement l’acte pontifical comme anachronique.