Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

patrons et patronat (suite)

Le rôle économique et politique du C. N. P. F. est considérable, dans la mesure où, dialoguant avec le gouvernement, il est en mesure d’infléchir des questions aussi importantes que la législation douanière, le crédit*, les aménagements postulés par l’insertion des firmes dans la communauté économique européenne, la représentation des intérêts commerciaux auprès des nations étrangères, etc. Son rôle social n’est pas moins important. Négociant avec les syndicats de travailleurs des conventions nationales, qui portent sur différents aspects du droit du travail et des relations sociales dans l’entreprise, le C. N. P. F. est confronté à des choix historiques cruciaux, notamment lorsque, figurant au côté de l’État et des syndicats de salariés, il prend part à la signature des accords de Grenelle (1968).

Le Conseil national du patronat français (C. N. P. F.)

Constitué officiellement le 12 juin 1946, le C. N. P. F. est destiné à grouper les établissements industriels, commerciaux, bancaires, les transports et les assurances. Comme dans le syndicalisme ouvrier, la représentation doit être à la fois professionnelle et géographique, mais les associations professionnelles jouent ici un rôle plus important que les groupements géographiques.

L’assemblée générale du C. N. P. F. comporte un maximum de 535 membres (dont 30 « associés »). La gestion courante est assumée par l’assemblée permanente (215 membres). L’assemblée générale désigne un conseil exécutif de 35 membres, qui fixe la politique générale du C. N. P. F. Un président, assisté de plusieurs vice-présidents, dirige l’organisation, cependant que trois commissions spécialisées préparent les décisions. Au total, l’état-major comprend 200 personnes.

Tous les trois ans au moins, le C. N. P. F. se réunit en assises nationales, assemblée générale élargie ; en octobre 1974, elles ont eu lieu à Lille.

La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (C. G. P. M. E.), organisée dès la Libération par Léon Gingembre et qui soutient une politique au besoin différente de celle du Conseil national du patronat français, est adhérente de ce dernier.

Georges Villiers (né en 1899), employeur métallurgiste de Lyon, déporté par les Allemands à Dachau, fut appelé à la présidence en 1946. Il y demeura jusqu’en 1966 et fut remplacé alors par Paul Huvelin (né en 1902), auquel a succédé, en décembre 1972, François Ceyrac.

J. L.

François Ceyrac

Né en 1912 à Meyssac (Corrèze), ce fils de notaire, diplômé de l’École des sciences politiques, entre jeune à l’Union des industries métallurgiques et minières (U. I. M. M.), le grand syndicat de la sidérurgie. Il participe à ce titre aux conventions qui suivront les accords de Matignon de 1936, relatives à l’application de la semaine de 40 heures. En 1936, en plein Front populaire, il abandonne la préparation à la carrière publique qu’il a entamée et opte pour le secteur privé, dont il va devenir un « fonctionnaire syndical » très influent.

Après la guerre et la captivité, il contribue, comme délégué général de l’U. I. M. M., à la création du C. N. P. F. Il croit aux bienfaits du dialogue : il faut tout faire pour éviter de retomber dans les errements du passé, à savoir refuser de s’isoler dans la non-négociation. Secrétaire général de la commission sociale du C. N. P. F. (1946), il participe aux négociations de 1947 et gravit les échelons dans l’organisation du patronat français.

Les négociations de Grenelle de 1968 vont achever de faire connaître cet homme de cinquante-six ans. François Ceyrac devient président de la commission sociale du C. N. P. F. en juillet 1968, membre du Conseil économique et social en 1969, un des quatre vice-présidents du C. N. P. F. en mars 1970. Enfin, en décembre 1972, il remplace P. Huvelin comme président du C. N. P. F.

J. L.

Le Centre des jeunes dirigeants d’entreprises (C. J. D.)

Le Centre des jeunes dirigeants d’entreprises (ex-Centre des jeunes patrons, C. J. P.), exprimant la crainte de voir le C. N. P. F. s’ancrer dans l’immobilisme, a pris des positions nettement tranchées en matière de relations du travail : développement de la politique contractuelle, réforme de l’organisation patronale (amorcée en 1969, mais à parachever), politique de développement régional.

En même temps, le C. J. D. recommande à ses adhérents de pénétrer les « bases » du patronat français en s’engageant dans les fédérations professionnelles locales et régionales, de manière à pouvoir infléchir de l’intérieur le C. N. P. F. et l’aider à évoluer

J. L.


La problématique présente du patronat français

Le patronat français, plus peut-être que celui d’autres nations occidentales, porte le poids de son passé : les problèmes du travail, en France, sont intimement conditionnés par le souvenir que conservent les travailleurs des événements qu’a, depuis la révolution industrielle de 1830, connus et vécus le monde du travail ; 1936, le régime de Vichy, 1968, tendent a effacer chez les salariés le souvenir de certains progrès sociaux volontairement réalisés par quelques chefs d’entreprises aux conceptions généreuses. Le souvenir d’une législation du travail particulièrement dure, dont l’héritage n’est pas entièrement liquidé (v. juridiques [sciences]), l’aliénation du monde du travail, durement ressentie au xixe s., l’emportent sur la conscience d’une amélioration sociale (Romanet à Grenoble, le patronat textile dans le Nord) que certains patrons entre 1919 et 1939 surent mettre à leur actif avant l’intervention de l’État.

Le dialogue « patronat-salariat » se trouve, par ailleurs, empoisonné par l’impossibilité d’utiliser des concepts concordants : pour les salariés, le procès du « profit » est le procès de la « confiscation » d’une partie des fruits créés dans l’entreprise par le travail. Mais le patronat voit dans cette attaque une atteinte à l’autofinancement, indispensable à la survie et à la croissance de la firme. Ainsi, doit-il lutter sur un double front, aborder un double théâtre d’opérations : améliorer systématiquement la condition de ceux qui, n’étant pas des associés au capital de l’entreprise, sont reliés à celle-ci par des contrats de travail (des voies nouvelles, au côté de la formation*, sont suivies : l’aménagement de l’intéressement*, la réforme du droit de licenciement, une certaine participation à la gestion) ; lutter, par ailleurs, pour expliquer, pour convaincre, cet effort passant par l’amélioration systématique des aptitudes du patronat au dialogue social.