Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pasteur (Louis) (suite)

 J. Nicolle, Un maître de l’enquête scientifique : Louis Pasteur (la Colombe, 1953) ; Pasteur, sa vie, sa méthode, ses découvertes (Gérard, Verviers, 1969). / J. L. Pasteur Vallery-Radot, Images de la vie et de l’œuvre de Louis Pasteur (Flammarion, 1956). / A. George, Pasteur (A. Michel, 1958). / H. Cuny, Louis Pasteur et le mystère de la vie (Seghers, 1963). / A. Delaunay, Présence de Pasteur (Fayard, 1973).

pastiche

« Le Geai paré des plumes du Paon » : cette fable où La Fontaine dénonce les plagiaires permettra d’introduire quelques remarques concernant le pastiche en le rattachant à un phénomène beaucoup plus vaste, avec lequel il offre une indéniable parenté : celui du mimétisme* animal.


Une telle introduction et le rapprochement qu’elle propose entre un phénomène biologique et un certain type d’activité artistique se justifieront d’une suggestion de Roger Caillois : selon lui, en effet, le mimétisme relèverait, dans le monde animal, d’une fonction équivalente à celle qui, chez l’homme, serait à l’origine de la peinture.

En réalité, il faut distinguer dans le mimétisme deux mécanismes distincts, bien qu’ils soient l’un et l’autre défensifs : dans le premier, l’animal s’assimile au milieu dans lequel il vit, alors que, dans le second, il adopte l’aspect d’une autre espèce que la sienne, d’une espèce généralement plus menaçante pour les prédateurs qu’il a à redouter. L’acception la plus courante du pastiche évoquerait plutôt cette dernière forme de mimétisme : genre mineur réservé à des artistes qui, faute de personnalité, n’attirent l’attention que par l’emprunt qu’ils font aux autres de leur style, de leurs attributs (le geai paré des plumes du paon).

C’est au xviie s. que le mot pastiche apparaît dans le vocabulaire des beaux-arts, qui l’importe d’Italie. En italien, pourtant, si pasticcio désigne effectivement un certain type de productions artistiques, ce n’est là qu’un sens rare, un emploi technique d’un mot qui désigne, de manière plus courante, une entreprise ratée, une situation inextricable (et, dans le vocabulaire de la cuisine, un pâté). On peut, du moins, retenir de cette origine que le pastiche n’évoquera rien de particulièrement noble ou glorieux. Les beaux-arts, responsables donc de cette francisation, ne parlent d’abord de pastiche qu’à propos de peinture. C’est encore le seul usage que signale l’Encyclopédie : « Les pastiches, en italien pastici, sont certains tableaux qu’on ne peut appeler ni originaux, ni copies, mais qui sont faits dans le goût, dans la manière d’un autre peintre, avec un tel art que les plus habiles y sont quelquefois trompés. » À l’origine, simple et honnête exercice d’école qui permet à un jeune peintre de montrer qu’il a su faire siennes les leçons des grands maîtres, le genre va pourtant se trouver rapidement en butte à un soupçon d’immoralité sensible dans le glissement, qu’opère le rédacteur de l’Encyclopédie, du pastiche proprement dit au faux. Si la figuration pose déjà, en tant que telle, toutes sortes de problèmes que l’on peut effectivement qualifier de « moraux » (a-t-on le droit de faire prendre pour de vrais raisins ce qui n’en reproduit que l’apparence ?), ces scrupules sont redoublés par le pastiche, trompe-l’œil qui non seulement ferait prendre une image pour une réalité, mais ferait attribuer la paternité de cette image à quelqu’un qui n’y est pour rien. Heureusement, beauté et vérité s’unissent pour garantir au chef-d’œuvre son authenticité et limiter aux œuvres de rang inférieur les effets de tromperie induits par le pastiche : l’attribution n’est douteuse que lorsque la qualité l’est aussi. Le génie a sa marque, et celle-ci ne saurait être contrefaite. « On ne saurait, continue en effet l’Encyclopédie, contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c’est-à-dire la manière de coucher la couleur et de tirer les traits, les airs de tête qu’ils répètent et ce qui pouvait être vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d’imiter les défauts des hommes que leurs perfections. »

Telle sera aussi la conviction d’un Marmontel qui, à l’article « pastiche » de ses Éléments de littérature (1787), donne le jugement de la rhétorique classique à l’endroit de cet exercice, dont il rappelle que le nom a été emprunté à la peinture par les lettres. Le pastiche, écrit-il, est « une imitation affectée de la manière et du style d’un grand artiste ». Le mot important de cette définition est évidemment l’adjectif affectée. L’esthétique classique, en effet, ne condamne pas, bien au contraire, l’imitation en tant que telle. Marmontel ne manque pas de le rappeler : « Un talent rare et fort au-dessus du petit mérite de cette singerie qu’on appelle pastiche, c’est de savoir réellement s’assimiler un grand écrivain. » Mais il y a deux manières d’imiter un grand écrivain : l’une — qui fait de celui qui imite un égal de son modèle — consiste à « s’assimiler » ce par quoi il est grand ; l’autre, qui est le pastiche, à n’en retenir que les plumes, à le singer en n’en reprenant que ce qui reste le plus extérieur à sa grandeur, soit le « style » et la « manière ». Le pastiche n’a de prise que sur l’extérieur, le vêtement linguistique, les artifices rhétoriques. Imitation affectée, il n’imite que ce qui dans un auteur est déjà affectation. L’originalité d’un naturel fort et spontané lui échappe. Marmontel écrit : « Plus un écrivain a de manières, c’est-à-dire de singularité dans le tour et dans l’expression, plus il est aisé de le contrefaire. [...] Qui contrefera jamais, qui même imitera de loin l’heureux et riche naturel de La Fontaine ? » L’imitation est sélective, comme le pastiche, mais celui-ci l’est d’une manière négative, ne retenant de son modèle que les défauts. Si l’imitation peut être définie comme « prendre (à l’écrivain que l’on imite) non ses défauts, ses négligences, s’il en a, mais ce qu’il y a de beau, de grand, d’exquis dans le caractère de son génie et de son style » (article « imitation »), le pastiche suit la démarche exactement inverse ; évoquant une page des Caractères où La Bruyère a fait un pastiche de Montaigne, Marmontel la commente ainsi : « Montaigne cause quelquefois nonchalemment et longuement ; c’est ce que La Bruyère en a copié, le défaut. » On reconnaît la conclusion de l’Encyclopédie.