Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Paris (suite)

Le crime rôde dans les rues écartées, dans les zones encore désertes de la rive gauche. C’est le temps de Lacenaire et du Chourineur. C’est surtout le temps des convulsions politiques et sociales à répétitions : insurrections de 1830, 1832, 1834, 1839, 1848, grève générale de 1840. La topographie des barricades se superpose à celle de la misère. Les rues Saint-Denis et Saint-Martin sur la rive droite, les rues de la Harpe, Saint-Jacques et Mouffetard sur la rive gauche constituent les lignes de défenses avancées. Au cœur de la ville, les sièges de l’administration apparaissent isolés, cernés de tous côtés par les fiefs de l’insurrection : l’Hôtel de Ville à deux pas de Saint-Merri, la préfecture de police rue de Jérusalem dans la Cité. Deux autres faubourgs révolutionnaires, Saint-Denis et Saint-Martin, avec leurs chantiers de construction et leurs retranchements (canal Saint-Martin), sont venus s’ajouter à Saint-Antoine et Saint-Marcel.

Les classes aisées, promptes à confondre classes laborieuses et classes dangereuses, s’effrayent de cette marée de « barbares » qui encercle la ville et s’insinue au cœur de ses quartiers. À l’époque en effet, la ségrégation sociale est loin d’être accomplie. L’immeuble bourgeois côtoie le bouge, et l’ouvrier vit souvent sous le même toit que le notable. Même les arrondissements riches ont leurs rues, leurs îlots populaires, et le faubourg Saint-Germain jouxte le Gros-Caillou.

La pression démographique et la détérioration des conditions de vie commencent à modifier la composition sociale des quartiers dès la fin de la Restauration. Les riches abandonnent le vieux centre pour les arrondissements de l’ouest. Certaines rues commerçantes commencent à se déclasser (la rue Saint-Denis) et les grosses maisons de tissus — entre autres — quittent les rues étroites et sombres du sud du quartier des Halles (rues des Bourdonnais, aux Fers, des Mauvaises-Paroles) pour s’installer rue Vivienne, rue de Richelieu, rue du Mail et autour de la place des Victoires.


L’administration parisienne devant les problèmes


La Restauration

Le comte de Chabrol, maintenu à la préfecture par les Bourbons, entreprend dès 1815 de liquider l’arriéré. Il réduit la dette municipale et achève les travaux entrepris : la Bourse, les canaux Saint-Denis et Saint-Martin, la Halle aux vins et les marchés. Administrateur libéral, Chabrol se préoccupe d’associer les notables du conseil général à ses travaux et de gérer sainement les affaires de la ville. Malheureusement, le gouvernement n’a aucune politique en matière d’urbanisme, si ce n’est la conception traditionnelle des « embellissements », et ne se soucie guère de dégager les moyens financiers pour un éventuel aménagement d’ensemble. Calme et immobilisme. Chabrol doit se contenter de petits travaux : lancements de ponts à péage, dont celui de l’Archevêché et le pont de la Grève — futur pont d’Arcole —, plantations sur les boulevards, constructions d’égouts. Rien n’est fait pour pallier les inconvénients d’un réseau de rues et ruelles incohérent, alors que la circulation se fait chaque jour plus dense. Par contre, les pouvoirs favorisent les premiers grands lotissements. Le quartier Saint-Georges, la rue La Fayette et l’enclos Saint-Lazare sont aménagés par J. Laffitte et A. Dosne, le beau-père de Thiers. Dès 1826, entre le Cours-la-Reine et l’allée des Veuves (avenue Montaigne), naît le futur quartier François Ier. Le centre de Paris tend à se déplacer vers le Palais-Royal et les boulevards, rendez-vous du luxe et de l’élégance, avec ses cafés (Tortoni), ses théâtres (les Variétés, la salle Favard). L’éclairage au gaz se répand timidement et les premiers omnibus font leur apparition.

Gilbert Joseph Gaspard de Chabrol de Volvic

Préfet de la Seine de 1812 à 1830 (Riom 1773 - † 1843).

Sous-préfet de Pontivy (1800), préfet de Mentenotte en 1806, il doit surveiller Pie VII pendant sa détention à Savone. En 1812, il succède à Frochot à la tête de l’administration parisienne. Maintenu au retour des Bourbons, il refuse de servir l’Empereur durant les Cent-Jours. Démissionnaire après la révolution de Juillet, il est réélu député de Riom en 1839. Cultivé et compétent, Chabrol a laissé le souvenir d’un bon administrateur.


La monarchie de Juillet

Grâce à la révolution de 1830, Paris retrouve un régime libéral. La loi du 20 avril 1834 qui rétablit le système électif par l’organisation des conseils assure à la capitale une certaine autonomie. Les 44 membres du conseil général — 36 pour les 12 arrondissements, formant le conseil municipal, et 8 pour Saint-Denis et Sceaux — sont élus par les électeurs censitaires et les « capacités ». Désormais, l’influence des notables est déterminante au sein des assemblées composées de banquiers, comme Delessert, Laffitte ou Perier, de négociants comme Ganneron ou Lanquetin, d’avocats comme Cochin ou Dupin. Même à la préfecture de police, on voit succéder au négociant Henri Gisquet (de 1831 à 1836), efficace mais brutal, un des frères Delessert, le banquier Gabriel (de 1836 à 1848). Après l’épidémie de choléra de 1832, qui fait 18 000 victimes (dont Casimir Perier), l’incapable préfet de la Seine, P. M. Taillepied de Bondy, est remplacé par Rambuteau, un petit gentilhomme bourguignon, prudent et timoré. L’insalubrité et l’asphyxie progressive des quartiers centraux exigent un plan d’ensemble et des travaux d’envergure. Mais le souci des intérêts particuliers qui anime la bourgeoisie parisienne l’emporte largement sur le sens de l’intérêt public. Avant tout, il convient de ne pas « déplacer les intérêts » par des travaux inconsidérés, ni de surcharger le budget. Rambuteau, en plein accord avec ces conceptions, est résolument hostile à une politique systématique d’appel au crédit. Dans la mesure où les recettes ordinaires dégageront des excédents utilisables, alors seulement avisera-t-on aux moyens de procéder à des aménagements urgents.