Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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parenté (suite)

Selon C. Lévi-Strauss*, les règles de mariage (définissant les unions prohibées et les unions préférentielles) sont des modalités des lois de l’échange. Corrélatives de la prohibition de l’inceste, elles « représentent toutes autant de façons d’assurer la circulation des femmes et des biens au sein du groupe social, c’est-à-dire de remplacer un système de relations consanguines d’origine biologique par un système sociologique d’alliance », garantissant ainsi la permanence et la cohésion du groupe social.

La prohibition de l’inceste, en ce qu’elle fonde l’exogamie, conditionne la possibilité même de l’échange. Ainsi, la structure élémentaire (atome ou élément) de parenté regroupe nécessairement quatre termes : père, mère, fils et oncle maternel. « Dans la société humaine, un homme ne peut obtenir une femme que d’un autre homme qui la lui cède sous forme de fille ou de sœur » (Lévi-Strauss). À elle seule, la famille élémentaire ne saurait constituer la « parenté » — une relation supplémentaire d’alliance étant indispensable.

Lévi-Strauss distingue deux formes d’échange : l’échange restreint et l’échange généralisé — les deux groupes mis en relation par le mariage contractant, dans les deux cas, en vertu du principe de réciprocité, une série d’obligations mutuelles à long terme, voire permanentes : prestations et contre-prestations de biens tangibles ou non.

Définition de quelques termes

Les symboles de la parenté utilisés dans les diagrammes sont représentés sur la figure 1.

cousinage, relation de parenté dans une même génération, selon deux systèmes, les cousin(e)s parallèles et les cousin(e)s croisé(e)s.
1. cousin(e)s parallèles, enfants issus de germains de même sexe.

Voici le schéma des cousins parallèles (filiation agnatique par exemple), dans lequel B, b, C, c sont les cousins parallèles de A et a (ego masculin et ego féminin) [fig. 2].
2. cousin(e)s croisé(e)s, enfants issus de germains de sexes opposés :
— cousin(e) croisé(e) matrilatéral(e), fils (fille) du frère de la mère ;
— cousin(e) croisé(e) patrilatéral(e), fils (fille) de la sœur du père.

Voici le schéma des cousins croisés (filiation utérine par exemple), dans lequel B, b sont cousin et cousine croisés patrilatéraux d’ego et C, c, cousin et cousine croisés matrilatéraux d’ego (fig. 3).

Une même lettre désigne les germains (majuscule pour le frère, minuscule pour la sœur).

endogamie, obligation pour les membres d’un même groupe de se marier entre eux — fréquemment associée à la nécessité de maintenir une supériorité de race ou de statut.

exogamie, prohibition des alliances matrimoniales entre membres d’un même groupe.

filiation, manière dont s’effectue la transmission héréditaire des droits, des titres et de l’appartenance à un groupe déterminé au sein de la société globale.

filiation unilinéaire. La détermination de l’appartenance est fonction d’un seul groupe de parents : côté paternel (filiation agnatique ou patrilinéaire) ou côté maternel (filiation utérine ou matrilinéaire).

hypergamie, hypogamie. Lorsque deux groupes de conjoints potentiels sont de statuts différents, on parle d’hypergamie du point de vue d’un(e) inférieur(e) qui épouse un(e) supérieur(e) et d’hypogamie du point de vue inverse.

lévirat. « Les femmes d’un individu passent automatiquement, après sa mort, à une jeune frère ou à quelque parent du même rang » (R. H. Lowie).

mariage plural, forme de polygamie corrélative du mariage asymétrique matrilatéral des cousins croisés associé à un principe de filiation utérine ; possibilité pour un homme d’épouser une femme et sa fille d’un autre lit.

polygamie, mariage d’un homme avec plusieurs femmes (polygynie) ou mariage d’une femme avec plusieurs hommes (polyandrie). Ces types de mariage apparaissent souvent lorsqu’une cause non biologique déséquilibre la répartition des sexes : par exemple, hommes décimés (Esquimaux : polygynie), infanticide féminin (certains groupes esquimaux, Todas de l’Inde : polyandrie). Même lorsqu’elle n’est pas prohibée, la polygamie est souvent limitée : impossibilité de payer plusieurs compensations matrimoniales ; mode de résidence (s’il est matrilocal, la polygynie est obligatoirement restreinte).

relation avunculaire, relation entre ego (individu de référence) et le frère de sa mère (ou oncle maternel).

résidence avunculocale, localité du frère de la femme.

résidence matrilocale ou patrilocale. Un couple s’établit respectivement dans la localité de la femme ou dans celle du mari.

sororat. « Lorsqu’il y a plusieurs sœurs dans une famille, elles sont considérées comme les femmes de celui qui épouse l’aînée » (R. H. Lowie).

Deux cas sont à distinguer : le mari de la sœur aînée ne peut épouser une des cadettes qu’après la mort de sa femme ; il peut épouser une cadette du vivant de l’aînée (polygynie sororale).


Unions préférentielles et terminologies de parenté correspondantes

Biens et femmes constituant l’« objet » de l’échange, on peut distinguer trois formes de réciprocité :
— échanges de biens (prestations et contre-prestations peuvent s’effectuer simultanément, mais, le réseau d’obligations mutuelles impliquant des relations durables, il est également possible que l’équilibre de l’échange ne soit réalisé qu’au terme d’un délai plus ou moins long) ;
— échange simultané des femmes (échange restreint) ;
— échange de biens contre des femmes (échange généralisé).


Échange restreint. Organisation dualiste

L’union préférentielle correspondante est le mariage symétrique (ou bilatéral) des cousins croisés, c’est-à-dire le mariage d’ego masculin avec l’une ou l’autre de ses cousines croisées. Le modèle idéal de cet échange simultané serait le cas où ego et sa sœur épousent leurs cousine et cousin croisés également frère et sœur.