Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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parapsychologie (suite)

Au xixe s., la discontinuité paraît totale entre la science et les phénomènes occultes. Les sciences physico-chimiques naissantes définissent des critères scientifiques en des termes tels qu’ils ne paraissent pas pouvoir s’appliquer aux phénomènes paranormaux. Comment, en effet, produire à volonté et dans des conditions strictement définies la divination ou la télépathie, alors que ces dons, on le pressent, prennent naissance dans des forces difficilement contrôlables, obscures et inconscientes ?

Pourtant, et peut-être par réaction contre un certain positivisme et un certain scientisme, on assiste, au xixe s., à un véritable raz-de-marée de phénomènes paranormaux. Un peu partout dans le monde, des objets se soulèvent tout seuls, des coups sont frappés dans l’ombre, médiums et voyants proliférent..., sans doute aussi la supercherie et le charlatanisme, puisque l’apparition du rayon infrarouge et la possibilité de filmer dans l’obscurité feront disparaître, comme par enchantement, la plupart des médiums...

Il n’en est pas moins vrai que, tout au long du xixe s., des témoins avertis et de bonne foi, tel le théoricien Robert Tocquet, observent de troublantes expériences de table tournante et parfois volante. Ces phénomènes et leur multiplication ont une double conséquence. Certains y voient autant de messages de l’au-delà, et c’est ainsi qu’apparaît un culte spirite qui devient vite religion : le culte des esprits d’Allan Kardec. D’autre part, le 17 juillet 1882, un certain nombre d’individus déterminés et courageux se réunissent en Angleterre et, sous la présidence du professeur de philosophie Henry Sidgwick (1838-1900), tentent de donner leurs lettres de noblesse scientifique aux phénomènes occultes en fondant la Society for Psychical Research.

Convaincue de la réalité des phénomènes paranormaux, cette société se donne pour but « la vérification des faits, sans opinion préconçue quant à leur nature »... Outre son fondateur, connu pour son honnêteté, elle comptera parmi ses présidents d’illustres personnalités du monde scientifique, notamment Henri Bergson*, sir William Crookes*, Camille Flammarion, Charles Richet.

Parmi les autres groupes poursuivant les mêmes buts scientifiques, mentionnons l’American Society for Psychical Research, fondée en 1885, la Société de Boston, l’Institut métapsychique international de Paris, la Fondation Parapsychologie avec Mrs Eileen Garnett. Quelques grands noms marquent l’histoire de la parapsychologie.

Une expérience de table tournante

« Selon le protocole habituel, les expérimentateurs et le sujet posaient les mains sur la table, qui, après quelques minutes d’attente, se soulevait et s’abaissait en résistant à ces mouvements par une légère pression volontaire : nous voyions les mains du sujet glisser légèrement sur le plateau. Par conséquent, les oscillations de la table étaient dues, à ce moment, à des contractions musculaires vraisemblablement inconscientes ; ensuite, les oscillations devenaient de plus en plus importantes, et la table manifestait des velléités de déplacement latéral. Nous avions alors l’impression qu’une force extérieure se superposait aux efforts musculaires du médium.

« À cette phase de l’expérience, nous nous reculions tous à deux ou trois mètres de la table, tout contact rompu. Aussitôt le mouvement cessait. Je m’adressais alors à la table et lui demandais de se soulever. Après quelques minutes d’attente, nous la voyions effectuer le mouvement, lentement, comme péniblement. Je l’incitais à faire mieux : le soulèvement devenait plus ample et plus rapide. Au cours d’une séance, la table ne fut plus en contact avec le sol que par un pied, et resta dans cette position pendant quelques secondes. Lorsque les mouvements devenaient nets, je m’approchais seul du meuble pour observer de près les circonstances du phénomène ; mon camarade surveillait le médium, qui parfois tournait le dos à la table. Nous n’avons jamais découvert de fil ou de truc quelconque ni surpris de mouvements suspects de la part du médium, qui, d’ailleurs, plus ou moins somnolent, demeurait complètement immobile au cours des séances. Au surplus [...] celles-ci avaient lieu en pleine lumière, de sorte que le contrôle était très facile. »
(Extrait de R. Tocquet.)


Le docteur Eugène Osty

(1864-1938). Il pratiqua dans le Cher. En 1909, une démonstration de clairvoyance par une voyante très douée, quoique inculte, le marqua profondément et il entreprit en 1910 des recherches sur les phénomènes paranormaux. La Connaissance supranormale, publiée en 1923, était un résumé de ses recherches. Osty devint directeur de l’Institut métapsychique international en 1924. Il fut le premier à tenter d’utiliser les méthodes de la physique moderne pour vérifier les phénomènes produits par les médiums. C’est ainsi que l’infrarouge lui permit de détecter une substance invisible grâce à laquelle le médium autrichien Rudi Schneider (frère de lait de Hitler) déplaçait des objets à distance.


Richard Hodgson

Membre important de la Society for Psychical Research, il avait pour devise « servir la vérité, même si le ciel tombait ». Parti pour démasquer les imposteurs de l’insolite, il finit, après avoir étudié pendant quinze ans, à Boston, le médium Léonor Piper, par être convaincu de la possibilité de messages d’outre-tombe.


Pierre Janet*

En 1884, Pierre Janet fut invité à suivre au Havre les expériences du docteur Gilbert sur une certaine Léonie, et il se convainquit de la possibilité d’hypnose par simple contact télépathique. Deux ans plus tard, il communiquait le résultat de ses expériences devant la Société de psychologie physiologique, présidée par Jean Martin Charcot.


Charles Richet

(1850-1935). Cet illustre savant (prix Nobel de médecine en 1913) croyait fermement à la parapsychologie. Il écrivit un traité de métapsychique et fonda les Annales des sciences psychiques. Convaincu de l’existence de la suggestion hypnotique à distance, il l’expliquait par une doctrine que certains aujourd’hui jugent par trop matérialiste. Ne croyant en aucune façon à la survivance d’une âme immortelle, il pensait à un sixième sens, à la réception de formes d’énergie. En tout cas, il fut l’un des premiers à généraliser l’expérimentation en étudiant les phénomènes télépathiques sur des sujets qui ne présentaient plus rien d’exceptionnel : les soldats au front de la Première Guerre mondiale. Cela le conduisit à l’hypothèse d’une mutation de la sensibilité au niveau de l’humanité : « Une abrupte mutation de la sensibilité est en train de se produire, écrit-il. Certains individus sont en train de devenir capables de percevoir des sensations et d’acquérir des connaissances d’une façon inaccessible au reste de l’humanité. Ce sont peut-être les premières étapes d’une évolution humaine progressive. »