Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arctique (océan) (suite)

• Les plates-formes flottantes sont rares (côtes nord de l’île d’Ellesmere et du Groenland) : la plus étendue, dite « Ward Hunt », n’a que 1 500 km2. Leur surface est ornée d’ondulations parallèles ; en aval, une ablation puissante détache de la falaise des icebergs et des îles de glace. Toutes les plates-formes (comme la Ward Hunt, qui perdit 600 km2 d’août 1961 à avril 1962) ont un bilan de masse négatif et sont des formes reliques datant du Pléistocène.

• La banquise côtière est un mince dallage de glace (1 à 2 m), formé dès l’automne aux dépens d’une eau littorale dont la salinité descend fréquemment au-dessous de 25 p. 1 000. La banquise, qui va depuis la banquette côtière jusqu’au-dessus des fonds inférieurs à 20 m, bloque les fjords groenlandais et une partie de l’archipel canadien et de la plate-forme sibérienne (500 km de large en mer de Laptev). Elle est fixe, car ancrée sur les îles et les stamoukhi (hummocks échoués). La surface, remarquablement lisse, peut être surmontée d’icebergs, venus s’y faire prendre au piège comme sur les côtes du Groenland ; de plus, sous l’effet de la marée, qui lui communique son oscillation, elle est affectée de crevasses (comme la crevasse dite « de marée », au contact de la banquette côtière) ou de trous, grâce auxquels Esquimaux et Aléoutes chassent le phoque et le morse. Au plein de l’été, elle disparaît (sauf en quelques fjords de la côte ouest du Groenland) avec le réchauffement des eaux côtières et la fusion des neiges et des glaces continentales : l’eau des flaques s’y infiltre, regèle et accroît le démantèlement de la banquise. La dérive littorale, les courants de vent et de marée (ils dépassent 10 km/h en certains passages de la mer de Kara) en entraînent alors les miettes, escortées d’apports fluviatiles variés et d’icebergs libérés mais traîtreusement cachés par des brouillards rendus persistants par l’intensité de l’évaporation. La turbidité est alors d’autant plus élevée que l’apport continental suscite une floraison planctonique (c’est la période d’une active pêche côtière à l’aide des kayaks ou des chalutiers) et que la force des houles entretient une constante remise en suspension des sédiments. C’est dans ces régions réputées pour la sévérité des conditions nautiques que, en dépit de la brièveté de la période navigable, on a tenté de forcer les passages dits « du Nord-Ouest » et « du Nord-Est » : les Soviétiques parvinrent à y établir la « Route maritime du Nord » grâce à une organisation technique et scientifique exemplaire.


La banquise dérivante (ou pack)

Les eaux comprises entre les banquises côtière et permanente sont couvertes par des glaces partiellement allogènes, formées en hiver de glaçons ayant survécu à la fusion et ressoudés par de la glace jeune. En été, le pack se fragmente en vastes champs de glaces, aux limites invisibles sur l’horizon, et en floes, radeaux longs de 1 à 10 km. Ils disparaissent presque totalement par fusion ou dérive.

• Le pack eurasiatique et alaskien intéresse des régions de plates-formes où les courants de marée sont forts, et la dérive rendue complexe par l’intervention de circuits locaux moulés aux découpures des côtes. Les dépressions cycloniques, qui font se succéder effluves océaniques et souffles d’air glacé, agissent sur le déplacement et la densité d’un pack, dont l’extension varie d’une année à l’autre dans des proportions considérables, mais qui se trouve par contre cantonné à des latitudes très hautes (dans l’Atlantique du Nord-Est, le front hydrologique pénètre très fortement et libère de glaces la mer de Barents pendant la plus grande partie de l’année). Aussi les glaces flottantes vite fondues sont-elles rares en dehors de quelques icebergs (hauts de quelques mètres au plus) venus du Spitzberg ou de la terre François-Joseph. Pareillement, en mer de Béring orientale, la banquise ne dépasse pas la pointe de la presqu’île aléoute, et le retour des vents tièdes de sud-ouest libère les îles Pribilof dès mai, et le détroit de Béring en juin.

• Le pack américain et est-asiatique, moins large mais plus dense, est exporté loin vers le sud grâce à des courants généraux peu perturbés par un précontinent étroit et plus profond. Le plus spectaculaire de ces courants de décharge est celui de l’est du Groenland, dont les eaux froides charrient des floes et des icebergs jusqu’à la hauteur de l’Islande à une vitesse variant de 0,1-0,4 (sur la plate-forme) à 0,7-1 km/h (sur les grands fonds). Au sud du cap Brewster, sous l’effet du courant d’Irminger, le pack s’effile, contourne la pointe du Groenland, puis remonte en baie de Baffin à une vitesse assez grande. Il en ressort par l’intermédiaire du courant du Labrador, qui draine des morceaux de Pack arctique ayant franchi l’archipel canadien, et des icebergs qui vont porter leur menace saisonnière jusqu’aux abords de Terre-Neuve. Sur la côte pacifique de l’Asie, où le pack est autochtone et non alimenté par un émissaire arctique, la dérive atteint seulement Sakhaline, mais est cependant précédée par l’imposante escorte des glaces flottantes. Si les courants des marges occidentales des océans sont de grands transporteurs d’icebergs, il convient de souligner que ceux-ci ne représentent que le soixantième du volume du pack (cas de la mer du Labrador), et sont donc des phénomènes très localisés, qui n’ont pas l’importance de l’Antarctique.

Sur les eaux estivales dégagées de glaces, les perturbations atmosphériques provoquent un brassage actif des eaux de surface, qui s’accompagne d’un enrichissement en produits nutritifs alimentant un plancton presque exclusivement végétal (diatomées surtout), dont la prolifération grandit au fur et à mesure de la fusion de la banquise. Il est à l’origine d’une chaîne alimentaire de mollusques, crustacés et surtout de poissons (morue, haddock, flétan, hareng, saumon) et de mammifères marins (baleines, phoques), qui migrent vers le nord avec le retrait des glaces. Baleines et phoques, jadis abondants car protégés par la barrière du froid et des glaces, ont été pourchassés à outrance, et semblent, surtout pour la baleine franche boréale (Balæna mysticetus), en voie d’extinction. Actuellement pratiquée sur les côtes sibériennes par des sovkhozes à l’équipement le plus moderne (repérage par asdic et hydravions, mise à mort à l’aide d’un harpon électrique), la chasse de la baleine doit se plier à de sévères conventions internationales.