Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arctique (océan) (suite)

En profondeur, les eaux atlantiques plus salées, donc plus denses, plongent sous les eaux arctiques et pénètrent dans le bassin sous une double forme : à mi-profondeur (maximum : 1 000 m), une couche moyenne salée (35 p. 1 000) et relativement chaude (entre 0 et 1 °C) longe le précontinent asiatique, puis, appauvrie en sels et oxygène, atteint le bassin prépacifique, où elle est animée d’un double tourbillon dont la branche la plus importante aboutit à la fosse du Lena, par laquelle elle passe en mer du Groenland ; une couche profonde, moyennement salée, un peu plus froide (– 0,3 °C à 3 000 m), formée en mer de Norvège, est par contre bloquée dans sa progression par la chaîne Lomonossov, qui n’est franchie qu’épisodiquement : aussi les eaux du fond du bassin prépacifique sont-elles un peu plus chaudes et empreintes d’un endémisme plus marqué qu’ailleurs, signes d’un confinement relatif.

• La banquise (au rôle climatique important par son extension) n’a pas sur les masses d’air un pouvoir réfrigérant aussi grand que l’inlandsis antarctique : elle réfléchit « seulement » 61 p. 100 de la chaleur reçue. L’extension de la glace de mer est remarquable à cause des conditions favorables rencontrées, c’est-à-dire grâce à la présence d’une couche d’eau superficielle sensible à la congélation pour deux raisons : sa faible salinité (32 à 33 p. 1 000 dans le centre, mais moins de 20 sur les bordures), qui résulte de l’afflux d’eau pacifique (46 p. 100) et du débit des grands fleuves (50 p. 100) ; sa stabilité verticale, puisqu’elle est séparée de la couche moyenne sous-jacente par une halocline qui interdit tout mouvement de descente à plus de 30 m.

• Enfin, l’atmosphère n’a pas la luminosité de l’Antarctique, car elle est fréquemment enrichie en nuages et brouillards. Au cours de la nuit polaire, un axe de hautes pressions réunit les anticyclones de rayonnement de Sibérie et du Canada : si le refroidissement est intense sur les continents, la chaleur extraite de l’océan se trouve retenue sous le couvert nuageux, où l’atmosphère se refroidit lentement. En été, les dépressions parviennent à se glisser jusqu’au pôle, où les hautes pressions se morcellent ; mais l’air humide (pluies et brouillards) ne bénéficie que partiellement de l’illumination continue. En conséquence, si les étés arctiques ont une fraîcheur océanique, le froid hivernal n’est pas excessif. Ce fait est illustré par la relative limitation des phénomènes glaciaires, exprimée par la faible importance des inlandsis (en dehors du Groenland), la rareté des icebergs et la minceur de la banquise. Au total, le milieu arctique est beaucoup moins inhumain que celui de l’Antarctique.

Ces considérations amènent à dresser un triple bilan :
— de l’eau : l’Arctique a un régime équilibré, puisqu’il en reçoit autant qu’il en perd. Dans ce régime, l’Atlantique intervient pour une grande part : s’il fournit 60 p. 100 d’eau, il en accueille près des deux tiers, sortant par le courant est-groenlandais, considéré comme l’émissaire de l’Arctique ;
— de la chaleur : la déperdition (90 p. 100 par la banquise, sous la forme d’émission à grande longueur d’onde) est contrebalancée par un apport atmosphérique (pour un tiers) et surtout océanique. Donc, si la banquise n’existait pas, le refroidissement serait moins fort, d’autant que l’ennuagement devenu permanent diminuerait le rayonnement. Elle est l’élément déterminant de l’équilibre climatique régional ;
— de la glace : des bilans de masse dressés, il ressort que la banquise polaire a ses pertes annuelles compensées par une reconstitution lente mais régulière, surtout active dans le bassin prépacifique. Cette estimation demeure vraie pour une plus longue période. En dépit de l’intensification de la circulation cyclonique vers le pôle et du léger accroissement de température de l’eau atlantique affluente, observés depuis plusieurs décennies, la banquise ne régresse point. En effet, la portée de tels phénomènes se trouve largement restreinte par un refroidissement compensatoire de l’eau de surface. En outre, l’émiettement de la banquise qui en résulterait aurait pour conséquences une déperdition thermique accrue au contact de l’air et une reconstitution de la glace de mer. Les facteurs qui tendent à la destruction de la banquise créent les conditions de sa survie. Cependant, lors des glaciations pléistocènes, le tarissement des afflux fluviatile et pacifique (émersion du détroit de Béring) entraîna l’établissement d’une structure isohaline favorable à un brassage convectif contraire à la prise en glace. Mais on ignore encore l’amplitude de telles oscillations qui sont mises en évidence par l’étude des carottages.


Les régions arctiques


La marge littorale

C’est un domaine original où la mer se dénature en se dessalant, et où la limite terre-mer devient indistincte sous le tapis saisonnièrement alterné de la glace et de l’eau. Le climat très perturbé est caractérisé par l’abondance des précipitations estivales, la fréquence des tempêtes et la brutalité des sautes de température.

• Les côtes offrent des aspects variés selon les saisons. En hiver, elles sont ourlées par une banquette côtière, amas compliqué de glace alimenté par les embruns, par le flot ou le tassement des congères. En été prédomine un paysage fluctuant de boue, d’eau et de glaçons. Les côtes rocheuses sont rares (fjords abandonnés par les glaciers, sauf au Groenland). Partout ailleurs prédominent les côtes basses, où les traces du modelé glaciaire pléistocène (alignement de moraines, dépôts de plages), déformées par le lent relèvement isostatique, sont retouchées par l’action des glaces (de mer notamment, sous la poussée desquelles les berges se plissent en cordons) et du puissant alluvionnement fluviatile. La boue, les glaces et les troncs d’arbre viennent s’accumuler en aval de plaines maritimes démesurées, faites de levées et de lagunes multiples, que les baleines blanches viennent visiter en été. Sur les immensités semi-aquatiques des deltas et estuaires, une abondante faune se réfugie, comme les phoques.