Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

paludisme ou malaria (suite)

Protozoaires du paludisme

Les quatre plasmodies humaines ont chacune leurs caractéristiques morphologiques et une distribution géographique particulière. Plasmodium falciparum, la plus redoutable d’entre elles, est la plus répandue, sévissant toute l’année en zone tropicale avec des recrudescences saisonnières. Cet Hématozoaire possède une affinité extrême à l’égard des hématies, qu’il parasite de façon souvent massive. Ce fait explique la gravité des accès palustres dont il est responsable. Plasmodium vivax est également très répandu, mais se rencontre plus volontiers en zone subtropicale, voire en Europe méridionale. Il parasite surtout les hématies jeunes, et ces hématies parasitées sont plus grandes que les hématies normales. Plasmodium malariæ est très dispersé en zone tropicale. Il parasite les hématies vieillies, qu’il diminue de volume. Il est, de plus, caractérisé par la rapidité d’apparition de pigments et par la disposition très particulière en bande équatoriale du schizonte. Enfin, Plasmodium ovale sévit en Afrique intertropicale. Il parasite les hématies jeunes, qu’il ovalise, et se caractérise par la rapidité d’apparition de granulations.

Les Moustiques vecteurs appartiennent au genre Anophèle. Seules les femelles sont hématophages (mangent du sang) et, pourvues d’une trompe qui leur permet d’aspirer le sang au moment de la piqûre et de rejeter en bavant les sporozoïtes (forme d’inoculation de la maladie), elles assurent ainsi la transmission du paludisme. Leur affinité pour l’Homme est plus ou moins marquée, mais il faut retenir la nécessité pour l’Anophèle femelle de se gorger de sang, sans quoi la ponte serait impossible.

Le cycle évolutif est important à connaître chez l’Homme. Le Moustique infesté déverse au cours de la piqûre qu’il provoque des sporozoïtes contenus dans ses glandes salivaires. Ceux-ci gagnent très rapidement le foie, où ils se localisent sous le nom de cryptozoïtes ; le développement de ceux-ci finit par constituer une masse appelée « corps bleu ». Cette cellule éclate bientôt, libérant des mérozoïtes qui gagnent la circulation générale. Chaque mérozoïte pénètre dans une hématie, constituant un trophozoïte qui se développe pour se transformer en schizonte chargé d’un pigment spécifique. La multiplication des noyaux forme un corps en rosace, tandis que l’hémoglobine de l’hématie parasitée se dégrade et qu’apparaissent, selon l’espèce plasmodiale en cause, des granulations de Schüffner (P. vivax et ovale) ou des taches de Maurer (P. falciparum). Puis le corps en rosace éclate et cet éclatement est responsable de l’accès palustre clinique. De nouveaux mérozoïtes libérés vont parasiter de nouvelles hématies saines. Chaque cycle schizogonique durera 48 heures (fièvre tierce) ou 72 heures (fièvre quarte). Après plusieurs cycles apparaissent des éléments sexués, les gamétocytes, qui ne pourront se développer que s’ils sont absorbés par une Anophèle femelle. Toutefois, ce cycle habituel n’est pas strictement représentatif de toutes les formes de Plasmodium, car, si dans le cas de P. falciparum il n’y a pas de cycle exoérythrocytaire (en dehors des hématies ou érythrocytes) secondaire (tous les mérozoïtes étant libérés dans la circulation générale), il n’en est pas de même pour les autres formes (un certain nombre de mérozoïtes n’y gagnent pas la circulation générale, mais restent dans le foie, où ils effectueront un cycle exoérythrocytaire secondaire).

Le cycle chez l’Anophèle aboutit à la transformation en gamètes des gamétocytes absorbés. Après fécondation des gamètes femelles, l’œuf, ou ookinète, se transforme en oocyste, dans lequel s’individualiseront par division les sporozoïtes. Ce cycle anophélien est donc sexué, contrairement au cycle humain, qui ne l’est pas.

Sur le plan épidémiologique, plusieurs indices ont été définis afin d’évaluer l’endémie palustre dans les régions où elle sévit : indice plasmodique, gamétocytique, sporozoïtique et surtout indice splénique représenté par le nombre de splénomégalies (grosses rates) par rapport à 100 sujets examinés. On classe ainsi les régions en zones hypoendémiques : indice compris entre 0 et 10 p. 100 ; mésoendémiques : indice compris entre 11 et 50 p. 100 ; hyperendémiques : indice supérieur à 50 p. 100.


Symptômes du paludisme

Du point de vue clinique, il convient de distinguer le paludisme de primo-invasion et les nombreuses formes cliniques des accès intermittents de reviviscence.

Le paludisme de primo-invasion touche dans sa forme typique un sujet réceptif non soumis à la chimioprophylaxie. Il est marqué par l’apparition d’une fièvre continue associée à des signes digestifs sous forme de nausées et de vomissements ainsi qu’à des céphalées souvent intenses. Les examens à effectuer pour mettre en évidence l’Hématozoaire et préciser l’espèce en cause sont un frottis mince et une goutte épaisse du sang du sujet suspect. L’évolution d’un tel accès de primo-invasion, correctement traité, aboutit à la guérison en quelques jours. Non traité, l’évolution vers un accès pernicieux est à craindre s’il s’agit de P. falciparum. Il existe quelques variantes de la primo-invasion palustre : on décrit ainsi des fièvres rémittentes, simples ou bilieuses, accompagnées d’un ictère, des formes pseudo-typhoïdiques (typhose malarique des anciens auteurs) et des formes associées soit à une authentique salmonellose, soit à une hépatite virale, ou encore à une amibiase. De même, des associations de plusieurs espèces plasmodiales peuvent se rencontrer. Enfin, selon le terrain, les formes de l’enfant et de la femme enceinte sont particulièrement redoutables.

Tout à fait à part se situe l’accès pernicieux palustre, dont est seul responsable P. falciparum. Il s’agit en fait d’une encéphalite fébrile aiguë réalisant encore trop souvent un drame mortel. Le tableau clinique est dominé par une fièvre à 40 °C, voire plus, des troubles neurologiques sévères (convulsions, coma, manifestations psychiques délirantes) et des complications viscérales (hépato-splénomégalie avec parfois ictère, insuffisance rénale aiguë). L’anémie est intense et le diagnostic est rapidement confirmé par la mise en évidence de l’Hématozoaire. L’évolution dépend de la rapidité du traitement.