Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Palestine (suite)

Comme dans le reste de l’Empire mamelouk, le déclin économique se fit sentir. Néanmoins, l’activité intellectuelle et artistique resta importante. De nombreux pèlerins occidentaux affluèrent vers la Terre sainte, nonobstant le paiement de nombreuses taxes et, parfois, des vexations pénibles. Les communautés chrétiennes et les Juifs avaient le statut protégé traditionnel. Les Francs de Palestine étaient « protégés » (moyennant finance) par des consuls vénitiens ou génois.


L’Empire ottoman (1516-1917)

Après la défaite des Mamelouks (1516), la Palestine entra, comme toute la Syrie et l’Égypte, pour quatre siècles dans le cadre de l’Empire ottoman.

La Palestine dépendit d’abord de la province de Damas et fut divisée en plusieurs districts. Le pouvoir central dut toujours compter avec les forces locales, notamment en Palestine avec les Bédouins. L’émir druze du Liban Fakhr al-Dīn étendit aussi son pouvoir dans cette région à partir de 1612. Après sa défaite en 1634, pour surveiller de tels mouvements séparatistes, on plaça une partie du Nord palestinien dans le cadre d’une nouvelle province, celle de Ṣaydā (1660).

Les Ottomans favorisèrent l’Église grecque, qui domina le patriarcat de Jérusalem après 1534, et sapèrent les positions latines dans les Lieux saints, non sans résistance des intéressés. Les pèlerinages étaient nombreux, et la France obtint en 1740 le protectorat des pèlerins latins. Une certaine émigration juive se développa aussi vers les Lieux saints de la tradition judaïque.

Au xviiie s., l’hégémonie européenne commençait à l’emporter. Le pouvoir ottoman n’était plus guère respecté dans les provinces. Un chef bédouin palestinien, Ḍāhir al-‘Umar, établit entre 1750 et 1775 une principauté indépendante avec, pour centre, Acre, dont il développa l’importance commerciale. Le pacha de Ṣaydā, le Bosniaque Aḥmad Djazzār (en turc Ahmed Paşa Cezzar), prit alors Acre pour capitale, y résista à Bonaparte (1799) et domina la région avec l’accord de la Porte jusqu’à sa mort en 1804. Ibrāhīm, fils du pacha d’Égypte Méhémet-Ali, occupa la Palestine et la Syrie, qu’il réorganisa de 1831 à 1840.

Vers 1875, la Palestine, y compris la région d’outre-Jourdain, avait environ 370 000 habitants, plus peut-être 100 000 Bédouins. Malgré l’impéritie et la corruption de l’administration ottomane, malgré la turbulence bédouine, facteur d’insécurité, c’était une région économiquement assez vivante. L’intérêt des Européens pour les Lieux saints apporta une certaine activité. Nazareth, Bethléem et Jérusalem notamment en bénéficièrent. Naplouse était un centre important au milieu des vergers. Le port de Haïfa et surtout celui de Jaffa étaient actifs. À Jaffa, les jardins d’arbres fruitiers étaient prospères, surtout ceux d’agrumes. En 1880, on y récoltait 30 millions d’oranges, exportées en partie en Europe. On exportait aussi du savon, du sésame, du blé, etc. En Galilée et en Samarie, le blé, l’orge, le maïs, les pois chiches, les fèves, les lentilles étaient cultivés à une grande échelle.


Les débuts du sionisme

Les péripéties de l’histoire juive avaient fait, pour les communautés dispersées d’Israël, de la Palestine — la terre des ancêtres — une terre sainte, idéalisée sans mesure. Les textes des « sionistes » déportés du vie s. av. J.-C., rêvant du retour à Jérusalem dans une perspective d’apothéose eschatologique, exercèrent une influence déterminante sur les esprits.

Après la disparition d’un peuplement juif important en Palestine, susceptible, comme on l’a vu, de révoltes pour son indépendance, les tendances palestino-centriques, permanentes dans les communautés juives, n’impliquèrent pas de projet de restauration politique d’un État juif par des moyens humains. Les premiers projets de ce genre ont éclos, à partir du xvie s., en milieu chrétien, surtout protestant. Après 1840, certains apparurent chez des Juifs sous l’influence du développement des idéologies nationalistes européennes. Mais ils furent presque sans écho en milieu juif.

Après 1881 et l’essor du nouvel antisémitisme politique, une partie des masses juives les plus brimées devint réceptive à de tels projets. Ceux-ci concurrencèrent d’ailleurs des projets palestino-centriques non politiques. Dans une perspective religieuse, des groupes continuèrent à émigrer en Palestine pour y attendre la fin des temps. Certains voulaient améliorer le sort des Juifs persécutés et les diriger vers de nouvelles activités par l’établissement de colonies agricoles en divers pays, dont la Palestine. D’autres voulaient fonder en Palestine un centre juif spirituel ou intellectuel. Y. L. Pinsker (1882), puis, de façon plus convaincante, T. Herzl* (1896) lancèrent l’idéologie du sionisme politique, qui se développa en mouvement organisé après le congrès de Bâle (août 1897).

Tous ces projets aboutirent à l’installation d’un certain nombre de Juifs en Palestine. Leur nombre y était de 8 000 en 1840, de 12 500 en 1856, de près de 35 000 en 1880. L’émigration devint alors assez importante, et, en 1914, la population juive du pays atteignit 85 000 âmes (chiffre tombé à environ 56 000 après la Première Guerre mondiale).

Le gouvernement ottoman, inquiet des objectifs de ce mouvement, en limitait étroitement le développement en théorie. Mais la corruption de l’Administration rendait les règlements inefficaces. Les forces libérées par la révolution jeune-turque de 1908 jouèrent avec l’idée d’alliances avec les sionistes.

L’Empire ottoman étant entré en guerre aux côtés de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie en 1914, les Alliés envisagèrent son partage et se cherchèrent des alliés chez ses sujets non turcs. Des promesses britanniques d’un grand État arabe avaient pour objet de mobiliser les Arabes contre les Turcs. Concurremment, alors que l’armée anglaise d’Allenby entrait en Palestine (oct. 1917), la déclaration Balfour (2 nov. 1917) promettait de la part du gouvernement britannique l’installation d’un Foyer national juif dans ce pays. Jérusalem se rendait le 9 décembre, mais le Nord ne fut occupé qu’en septembre 1918.