Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Palatinat (suite)

Au cours des xive et xve s., l’Électorat ne cesse de s’agrandir, pour atteindre ses limites fixes en 1505. Il comprend désormais la majeure partie de la plaine rhénane sur la rive gauche entre Wissembourg et Coblence, des territoires montagneux du Pfälzer Wald et du Hunsrück, et déborde sur la Sarre et la Moselle par les principautés de Deux-Ponts, de Velden et de Sponheim. À l’est, le Palatinat comprend une partie de la plaine rhénane de part et d’autre du Neckar, un morceau du Kraichgau et quelques territoires à l’est de la Forêt-Noire. Mais, s’il devient, face aux archevêques de Trèves et de Mayence et aux évêques de Worms et de Spire, la principauté profane la plus puissante dans les pays rhénans, il demeure extrêmement morcelé, et la plupart des bailliages manquent d’unité, à la différence des territoires compacts de l’Allemagne du Nord. De plus, l’Électorat est morcelé en 1410 en quatre branches, dont deux disparaissent avant 1500. Pourtant, la plupart des princes confèrent un certain éclat au Palatinat. En 1386 est fondée l’université de Heidelberg, qui devient un siècle plus tard un foyer humaniste. Robert III (1398-1410) devient roi des Romains en 1400. Frédéric Ier (1449-1476) introduit une administration plus étoffée, divise le territoire en bailliages et réduit l’importance des États. Son successeur Philippe Ier (1476-1508) mène une grande politique territoriale, mais il ne parvient pas à obtenir la Bavière pour son fils à l’issue de la guerre de Landshut (1503-1506), qui affaiblit à la fois le Palatinat et la Bavière. Louis V (1508-1544) participe à la répression contre la révolte nobiliaire et la guerre des paysans. Malgré des progrès dans les villes, chez les nobles et les notables ruraux, la Réforme n’est introduite officiellement qu’en 1556 par l’Électeur Otton-Henri (1556-1559), luthérien convaincu et ami des arts, qui a fait construire le château de Heidelberg dans un style Renaissance.


L’apogée

Sous la branche de Simmern (1559-1685), le Palatinat connaît d’abord la période la plus glorieuse de son histoire. Frédéric III (1559-1576) introduit le calvinisme par l’adoption du Catéchisme de Heidelberg (1563), qui deviendra plus tard un des livres reconnus par tous les réformés européens. Ce changement entraîne à l’intérieur un mouvement iconoclaste, la sécularisation des couvents par des méthodes parfois brutales et une intense activité législative destinée à promouvoir une discipline religieuse et morale sous l’action conjuguée d’un sénat ecclésiastique, d’une hiérarchie, de synodes mensuels du clergé et de consistoires. La concentration de la gestion de tous les biens sécularisés permet la création de nombreux postes d’enseignants et l’essor de l’alphabétisation. Heidelberg devient une nouvelle métropole du calvinisme qui attire des étudiants de toute l’Europe.

En même temps, l’Électeur pratique une politique extérieure active par solidarité avec les coreligionnaires français et hollandais, ce qui fait entrer le Palatinat dans la grande diplomatie aux côtés de l’Europe occidentale réformée. Par là, celui-ci s’ouvre aux courants intellectuels de la France, des Pays-Bas et de l’Angleterre. L’Électorat tente ainsi de sortir de l’étroite politique territoriale pour aspirer, par souci religieux, à un rôle de premier plan. Il contribue aussi à renforcer l’opposition des princes envers l’empereur et à créer un parti activiste, animé par les passions religieuses, qui s’oppose nettement aux princes catholiques et aux princes luthériens modérés, dirigés par la Saxe. De cette manière, Frédéric III engage son État dans une politique onéreuse nettement au-dessus de ses moyens. Il contribue au financement des guerres religieuses en France et aux Pays-Bas. Son fils cadet, Jean-Casimir, intervient à la tête d’une armée en France (1568 et 1575-76), aux Pays-Bas (1578), dans l’électorat de Cologne lors de la vaine tentative de Réforme de son archevêque (1583) et envoie deux armées de secours aux huguenots en 1587 et en 1591. Mais cette politique militaire ne rapporte pas beaucoup d’avantages à l’Électorat.

Cette activité est interrompue pendant le court règne du fils aîné de Frédéric III, Louis VI (1576-1583), qui restaure le luthéranisme, ce qui provoque un renouvellement complet de tout le personnel ecclésiastique et scolaire ainsi que le départ de la majorité des étudiants. Louis VI impose la Formule de concorde (1580). Surtout, il publie une ordonnance territoriale et un Code civil qui resteront longtemps en usage. À sa mort, le luthéranisme disparaît, car son frère Jean-Casimir s’empresse d’administrer l’Électorat au nom de son neveu Frédéric IV (1583-1610), âgé de neuf ans, et de rétablir le calvinisme, ce qui entraîne un nouveau changement du corps pastoral. Frédéric IV acquiert le duché de Simmern dans le Hunsrück et fonde en 1606 la ville de Mannheim. Sous l’influence de conseillers calvinistes intransigeants, le prince devient l’âme de l’Union évangélique (1608), alliance des territoires protestants les plus actifs et inquiets des progrès de la Contre-Réforme. Son fils Frédéric V (1610-1632) a des projets plus vastes depuis son mariage avec Élisabeth, fille du roi d’Angleterre Jacques Ier. Il intervient dans la succession de Juliers et de Clèves, puis accepte en 1619 la couronne de Bohême*. Mais cette aventure lui coûte cher : battu à la Montagne Blanche (1620) par l’empereur, il perd en 1623 ses territoires rhénans, partagés entre l’Espagne et la Bavière, ainsi que la dignité électorale [v. Trente Ans (guerre de)]. C’est l’effondrement de la grande politique calviniste européenne. Certes, le successeur de Frédéric V, Charles-Louis (1648-1680), retrouve le Palatinat rhénan (le Haut-Palatinat reste à la Bavière) et la dignité électorale aux traités de Westphalie (1648), mais, désormais, ce territoire, atrocement ravagé et ayant perdu les trois quarts de sa population, cesse de jouer un grand rôle, et son université sombre dans la médiocrité.