Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Palamás (Kostís)

Poète grec (Patras 1859 - Athènes 1943).


Palamás fit des études de droit à Athènes, où il demeura jusqu’à sa mort, menant une vie de fonctionnaire sans aventures. Outre son œuvre poétique proprement dite, il a écrit des nouvelles et un drame, Trissevgheni (1903). Mais un intérêt grandissant semble se porter aujourd’hui sur son œuvre de critique littéraire, qui est rassemblée en six volumes de textes sur des thèmes, des figures et des œuvres de la littérature néo-hellénique. Palamás a également laissé d’excellentes traductions de romantiques anglais et français ainsi que de poètes parnassiens.

Ses deux premiers recueils, Chansons de ma patrie (1886) et Hymne à Athéna (1889), ont été écrits en langue « puriste », qui était à l’époque la langue dominante. Mais, dès son troisième, les Yeux de mon âme (1892), Palamás utilise la langue démotique, le grec populaire vivant. Le mouvement en faveur de la langue populaire correspond à l’essor de la bourgeoisie à la fin du xixe s. Il vient, avec un grand retard, réaliser les espoirs suscités par l’indépendance. Mais le jeune État grec créé par la révolution de 1821 avait adopté pour instrument linguistique un idiome artificiel et archaïsant, perpétuant ainsi le bilinguisme hérité du Moyen Âge. Il faudra attendre cinquante ans pour que la route ouverte par Solomós* aboutisse enfin. Ces cinquante années qui suivent l’indépendance sont marquées par une stérilité presque totale dans le domaine de la littérature et de la pensée. L’objectif du mouvement démotique ne se limitait d’ailleurs pas à cette consécration du grec vivant ; il avait un contenu idéologique beaucoup plus vaste et visait à un retour aux sources vivantes de la tradition, en intégrant la Grèce nouvelle dans l’Europe contemporaine.

Par son œuvre de poète et de critique, Palamás devint la figure de proue de ce mouvement salutaire. Il entraîna dans son sillage une foule de poètes et de prosateurs qui s’attachèrent à décrire la réalité de leur époque dans la langue de tous. En l’espace de quelques années, les tenants de la langue démotique, sans réussir à abolir complètement le bilinguisme, parvinrent à imposer définitivement le grec vivant dans toute la littérature. La place de Palamás dans l’histoire de la littérature néo-hellénique devint ainsi identique à celle qui fut occupée par Solomós : ils furent les cofondateurs de cette littérature.

Deux recueils de poèmes, Iambes et Anapestes (1897) et le Tombeau (1898), suivis un peu plus tard d’un troisième, Vie immuable (1904), consacrent définitivement la place de Palamás dans le patrimoine national. Suivent deux grandes fresques épiques, le Dodécalogue du tzigane (1907) et la Flûte du roi (1910). Pendant les vingt années suivantes, Palamás publiera une dizaine de recueils. Le dernier est intitulé les Nuits de Phémius (1935). Après sa mort, ses derniers poèmes seront rassemblés et publiés en un seul recueil, Feu du soir (1944).

Quarante ans durant, Palamás guida la marche de la littérature néo-hellénique à la tête de l’école démotique. Sa contribution a été décisive et est devenue l’un des éléments essentiels de la nouvelle tradition culturelle. Mais l’authenticité de ce courant sera mise en question par Kostandínos Kaváfis (Constantin Cavafy, 1863-1933) et, à partir de 1930, par tous ceux qui, se réclamant de la « nouvelle poésie », amorcent une rupture. Aujourd’hui, la critique ne manque pas de souligner tout ce que cette école comportait d’artificiel, d’extérieur et de folklorique, sans compter le vieillissement inévitable d’un mouvement qui était, somme toute, la réplique du romantisme et du Parnasse, mais avec un décalage de plus d’un demi-siècle.

Par ses dimensions, l’œuvre de Palamás reste impressionnante ; elle épuise tous les moyens de versification, depuis le vers néo-grec classique de quinze syllabes jusqu’au vers libre ; elle couvre tous les genres, depuis les grands poèmes lyriques et épiques jusqu’aux épigrammes (le Cycle des quatrains, 1929) ; elle recoupe enfin les grands courants de l’époque, du romantisme au symbolisme. Par son contenu, par son climat affectif, elle offre une gamme variée de passions : mélancolie, pathétique, souffle épique du combattant et du prophète. Mais ses poèmes restent parfois une simple « mise en vers » descriptive d’idées et de sentiments : déjà de son vivant, la valeur littéraire de ses grandes compositions était contestée. Mais ses courts poèmes attestent un tempérament lyrique exceptionnel.

D. H.

palamisme

Exégèse théologique de l’hésychasme byzantin élaborée par le hiéromoine athonite Grégoire Palamas († 1359).


Né à Constantinople vers 1296 dans une noble et pieuse famille qui tout entière embrassa la vie monastique, Palamas se retira vers 1316 au mont Athos. C’est à la faveur de la controverse qui l’opposa au philosophe calabrais Barlaam (v. 1290 - v. 1348) et à ses partisans qu’il fut amené à quitter sa retraite et à formuler sa doctrine à l’appui de la validité de l’expérience spirituelle de ses pairs.

Soucieux de résoudre à sa manière le contentieux qui divisait depuis des siècles les Églises catholique et orthodoxe sur le chapitre de la théologie trinitaire (filioque), Barlaam avait émis l’opinion qu’il s’agissait là d’un faux problème en raison de l’incognoscibilité divine. Dans ses deux Discours apodictiques sur la procession du Saint-Esprit (v. 1336), Palamas critiqua l’agnosticisme barlaamite et soutint la possibilité pour l’homme de connaître Dieu par une voie bien supérieure à la réflexion purement philosophique : l’expérience mystique telle que la vivaient les moines hésychastes. À la riposte de Barlaam ridiculisant les prétentions de ceux-ci à contempler la lumière thaborique à partir d’une concentration ayant le nombril comme point de mire (omphaloscopie), le P. Grégoire répliqua par deux documents où se trouve déjà exposé l’essentiel du palamisme : les volumineuses Triades pour la défense des saints hésychastes et le Tome hagiorétique, signé en 1340-41 par les principaux représentants du monachisme athonite. Sans avaliser en tout les procédés psychomécaniques mis à la mode par un certain hésychasme déliquescent, il s’applique surtout à consolider le fondement même de l’expérience mystique (divinisation ou participation réelle à la vie divine) et à réfuter l’accusation de messalianisme portée contre lui et ses confrères. Les messaliens affirmaient que l’homme peut de ses yeux corporels apercevoir la pure essence de Dieu. Le docteur athonite repousse vigoureusement cette hérésie : l’essence divine est et restera toujours, même pour les bien-heureux, absolument incompréhensible et imparticipable.